jeudi 31 août 2017

L'imbécile qui est en nous

Maurizio Ferraris, L'imbécillité est une chose
sérieuse, traduit de l'italien par Michel Orcel,
PUF, 146 pages pour un sujet illimité, 12 €
Comment un tel titre n'aurait-il pas immédiatement éveillé l'intérêt du libraire ? Chose sérieuse, en effet, que ce petit traité de l'imbécillité universelle et concentrée. A son menu quatre plats : Imbécillité de masse ; imbécillité d'élite ; l'imbécillité comme facteur politique ; dialectique de l'imbécilisme, le tout encadré par un prologue et un épilogue.
Tout le monde est visé (sauf vous, aimable lecteur, unique et préféré d'A la Page). Tout le monde en prend pour son grade. Les personnages les plus connus (Napoléon, Nietzche, Foucault, Paul Valéry, Heidegger ou Lacan) et moult imbéciles anonymes, parmi lesquels l'auteur lui-même n'hésite pas à se ranger, par quoi il semble s'accorder un soupçon d'intelligence (ce qui est bien bête). " L' homme de bon sens est éternellement  tourmenté par le soupçon  qu'il est imbécile et voit s'ouvrir devant lui l'abîme de l'imbécillité, tandis que l'imbécile est fier de lui. ", comme l'a fort bien dit le philosophe espagnol Ortega y Gasset, lui même un fieffé demeuré dans ses déclarations envers les femmes.
Au fait, quelle différence existe-t-il entre les stupides, les imbéciles, les crétins et les cinglés ? Et la notion du crétinisme général et individuel n'a-t-elle pas évolué dans le temps, chaque période se créant ses représentations ? Maurizio Ferraris s'attaque à ces brûlantes et, il faut le dire, passionnantes questions aussi. Sans dévoiler le pot aux roses, une sortie acceptable de l'imbécillité se trouve peut-être dans le rire, bien qu'il y ait des rires, et même des sourires, qui sont des signes de parfaite idiotie. En définitive, l'auteur plaide pour le sens du ridicule comme condition nécessaire mais non suffisante pour échapper à notre condition.
Le libraire a beaucoup aimé ce livre éclairant, qui n'est pas classé au rayon humour mais au rayon philosophie, et a définitivement pour lui d'avoir su traiter en 146 pages seulement un sujet illimité. 

mercredi 30 août 2017

L'empereur et l'horloge éternelle

Christoph Ranmayr, Cox ou la course du temps,
traduit de l'allemand par Bernard Kreiss,
Albin Michel, 320 pages, 22,50 €
L'écrivain autrichien Christoph Ransmayr a su, lui aussi, après son Atlas d'un homme inquiet, sortir du temps présent dans son dernier roman. C'est en Chine et au XVIIIe qu'il nous transporte dans cette fable qui est un voyage dans le temps et l'espace, donc.
L'empereur Qianlong (1711-1799), le Seigneur des Horizons, l'Invincible, appelle auprès de lui le plus célèbre horloger de l'époque, Alistair Cox (prête-nom de James Cox, inventeur d'automates britannique)
 et lui demande de réaliser pour lui des horloges
 d'une complexité inouïe.
" L'empereur voulait que Cox lui construise des horloges pour les temps fuyants, rampants ou suspendus d'une vie humaine, des machines qui indiqueraient le passage des heures ou des jours --
le cours variable du temps -- selon qu'il était ressenti par un amant, un enfant, un condamné ou d'autres hommes, prisonniers des abîmes ou des geôles de leur existence ou planant au-dessus des nuages de leur bonheur. (...) Mais les souhaits étaient-ils vraiment si faciles à lire, surtout si cet empereur se cachait derrière un paravent couvert de mots peints ? "
Christoph Ransmayr profite de cette trame romanesque pour poser la question, profondément intrigante, de la perception et  de la maîtrise du Temps par les hommes et leurs maîtres. C'est folie que de vouloir posséder la clé de l'horloge éternelle ; de vouloir prolonger le Temps et de vouloir ainsi en en triompher.

mardi 29 août 2017

Sortir du temps

Christine Jordis, Automnes. Plus je vieillis plus
je me sens prête à vivre, Albin Michel,
286 pages, 19,50 €
Nous avions croisé Christine Jordis en son magnifique essai sur William Blake (voir billet du 25 juin dernier). Le même esprit de culture (vraie, profonde, assimilée) ; la même vitalité lucide ; le même souci des possibilités de sortir la tête hors du temps anime ce nouvel essai consacré à la vieillesse. Ou, plus exactement, selon l'auteur, aux vieillesses, tant il revient à chaque personne de faire face à la sienne. Et, du reste, peut-on définir chacun de nous par son âge, son âge officiel ? . Qu'on ne pense pas trouver là un énième manuel à la Jane Fonda, la dame au corps et au sourire de nymphette des émissions télévisées. Il n'est pas question non plus d'adopter une position de déni : la vieillesse, particulièrement, la grande vieillesse, est une chiennerie, affirme sans détour Christine Jordis. C'est sa " vision du vieillir " que nous propose son livre, nourri de toutes les pensées amies (René Char parlait de ses " alliés substantiels ") venues l'épauler au fil des années. A quoi, finalement, servent-ils tous ces livres, et leurs auteurs quand ils sont exemplaires, sinon à nous épauler ?
Il en est un, sur lequel s'appuie Christine Jordis, fine connaisseuse de la littérature britannique, nommé John Cowper Powys qui proposa ses services dans son Art de vieillir.  "  C'était un grand vivant, dit de lui Christine Jordis, jusque dans sa longue vieillesse , quand il se pencha sur l'art du bonheur et le pouvoir de notre esprit de le cultiver. " Justement, est-ce que Powys ne fut pas très tôt un grand vivant ? Est-ce que le meilleur moyen de se faire une " autre " vieillesse ne serait pas de se faire une "autre " jeunesse ?  De sortir du temps le plus tôt possible ?

John Cowper Powys, L'Art de vieillir,
traduit de l'anglais par
Matie-Odile Fortier-Masek,
José Corti, 386 pages,

lundi 28 août 2017

Un Turque à Vichy

Né en 1976 à Diyarbakir, dans le sud-est anatolien, d'une famille arménienne et kurde,
Azad Ziya Eren, biologiste de formation  et instituteur de profession,
est l'un des rares poètes de sa génération  reconnus en Turquie et à l'étranger.
Il sera l'invité des éditions Bleu Autour et de la librairie A la Page
SAMEDI 30 SEPTEMBRE 2017.
Prenez vos précautions pour cette rencontre exceptionnelle.
 
 

vendredi 25 août 2017

De quel côté regarde l'ange ?

Thomas Wolfe, Look Homeward Angel.
Une histoire de la vie ensevelie,
traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Pierre Singer,
Bartillat, 588 pages, 22 €
Une bonne nouvelle n'arrivant jamais seule, chic ! voici sur l'étal du libraire un nouveau livre de Thomas Wolfe, vous savez, l'auteur souvent cité dans le dernier roman de Ron Rash, Par le vent pleuré (voir le billet du 22 août dernier).
Il y avait longtemps que l'autobiographie de Wolfe n'était plus disponible en librairie.
La dernière édition, traduite par Jean Michelet, remontait à 1982 (L'Âge d'homme). Look Homeward, Angel. A Story of the Buried Life portait alors le titre français de L'Ange exilé.
Il existait une autre traduction française de ce livre-clé. Mais elle était plus ancienne encore ; Pierre Singer l'avait signée en 1956 chez Stock puis, chez Seghers en 1968,. Elle s'intitulait Que l'ange regarde de ce côté.
Revoici, donc, Thomas Wolfe en librairie. Tout frais, tout pimpant. Sous une nouvelle traduction, probablement, puisque son roman autobiographique porte un nouveau titre. Un titre parfaitement exact au demeurant. Exact... dans la langue de Thomas Wolfe puisque Look Homeward, Angel. A Story of the Buried Life s'intitule désormais en français Look Homeward Angel. Une histoire de la vie ensevelie.
Mais qui est le traducteur de cette nouvelle version  sur l'étal du libraire ? Eh bien, ce n'est autre que Pierre Singer, le traducteur de Que l'ange regarde de ce côté, publié en... 1956.
Autrement dit, rien n'a été traduit de neuf dans cette neuve version. Sauf le titre, évidemment, qui a été révisé de fond en comble et traduit avec succès de l'anglais en anglais. La connaissance des langues fait d'étonnants progrès.
Enfin, tout n'est perdu : cette nouvelle édition reproduit pour sa couverture la maquette de l'édition américaine de 1929. Presque fidèlement : le sous-titre de Wolfe a été traduit en français. Le libraire s'agace de cette trahison.


 

jeudi 24 août 2017

Nathalie Rheims, sa vie sans moi

Nathalie Rheims, Ma vie sans moi, roman,
Léo Scheer, 190 pages, 15,50 €
La vie est un songe, Calderon l'a dit une fois pour toutes. D'autant plus un songe lorsqu'elle se passe pour quelques heures dans la salle d'anesthésie d'un chirurgien -- quand bien même celui-ci se prénommerait joliment Mithridate.
Dans ces conditions, votre défile, votre passé revient, la flèche du temps se retourne et tous vos désirs irréalisés reviennent en foule à votre esprit endormi. Lorsque l'on est femme écrivain, voici à quoi le songe peut ressembler : "Une  fois devenue la coqueluche du Tout-Paris, il me fallut aussi apprendre à devenir stratège. Je savais certes dire "Merci, merci ", avec des trémolos dont seule Marion Cotillard aurait su décliner les tessitures ; mais je devais rester sur mes gardes et ne pas céder trop vite aux propositions mirobolantes des grandes maisons d'édition. Combien de ces filles, ayant à peine publié un malheureux livre sur leur papa ou leur maman, se roulaient par terre car elles n'avaient pas reçu le prix qu'elles attendaient, persuadées que nulle autre qu'elles ne le méritait ?
Elles changeaient d'éditeur ces folles impatientes, cédant aux promesses d'à-valoir extravagantes et aux assurances de récompenses -- puis, l'année suivante, elles disparaissaient, ensevelies sous les flèches  massacrantes de la critique littéraire ou, pire, d'un silence gêné. "
Ma vie sans moi, roman (ce dernier mot a toute son importance, nous allons le voir), est rédigé de bout en bout sur ce mode de l'artiste au bord de la crise de nerf et en plein deuxième ou troisième degré.
 Ego-roman, donc, malgré son titre qui est emprunté au recueil de poèmes d'Armand Robin (1912-1961), l'oublié des oubliés, le traducteur d'on ne sait combien de langues au juste, l'écouteur nocturnes des radios, l'inclassable, retrouvé mort au fond d'un commissariat de police on ne saura jamais dans quelles circonstances. De quoi aurait-été tissé le rêve d'Armand Robin dans la salle d'anesthésie ? La question reste pendante.
Armand Robin, Ma vie sans moi, suivi de
Le Monde d'une voix, Gallimard,
256 pages, 8,90 €


mercredi 23 août 2017

Pour vous guider dans la rentrée

La compilation gratuite offerte par Livres Hebdo à l'occasion de la rentrée
littéraire de septembre est disponible dès aujourd'hui
sur la petite table devant le canapé rouge.
Elle couvre tous les genres : romans, essais, bandes dessinées.
Servez-vous ! Sinon, interrogez les libraires !


mardi 22 août 2017

Ron Rash, Eugene, son frère et la sirène

Ron Rash, Par le vent pleuré, traduit de l'anglais
(Etats-Unis) par Isabelle Reinharez,
Seuil, 200 pages, 19,50 €
Les années 1960, encore, constituent la toile de fond du dernier roman de Ron Rash . Dans les Appalaches, en Caroline du nord, deux jeunes frères, sous la férule du grand-père qui a charge de leur éducation, mènent vie tranquille et droite.
L'apparition d'une jeune étudiante, moderne et séduisante, une " sirène " rencontrée au bord de la rivière, va faire basculer leur destin. Ils sont des provinciaux, un rien patauds, craignant plutôt que respectant l'ordre familial, quand Ligeia introduit la modernité dans leur existence. William se rêve en chirurgien et Eugene qui, à seize ans ne se voit qu'en écrivain. Mais musique, drogue, alcool, sexe libéré, rébellion, les deux frères, surtout Eugene, le cadet, vont se laisser envoûter. Leurs deux existences se sépareront dans le succès professionnel de l'un et la ruine alcoolisée de l'autre. 
Ron Rash fait preuve d'un sens consommé de l'intrigue et, en outre, renouvelle le thème des deux frères ou compagnons (amis et ennemis) qui jalonne la littérature américaine depuis Des souris et des hommes jusqu'aux Frères Sisters de Patrick deWitt. Et la littérature mondiale depuis Abel et Caïn. A quoi s'ajoute ici le mythe de la femme tentatrice.
Le très beau titre français retenu par la traductrice est une citation du grand romancier Thomas Wolfe (1900-1938) extraite de Que l'ange regarde de ce côté (1929). Il exprime à la perfection l'atmosphère de ce roman et la déréliction d'Eugene, hanté par un passé dont il ne connaît plus les contours. Il admira Wolfe, la sirène et les Doors pourrait être son épitaphe.
 


 

lundi 21 août 2017

Nostalgie punk

Patrick Eudeline, Les Panthères grises,
La Martinière, 174 pages, 17,50 €
Le punk d'expression littéraire, soutenu sur les étals des librairies par Virginie Despentes (de l'Académie Goncourt), trouve un autre porte-parole en Patrick Eudeline, " dandy punk " et " rock critic " qui publie Les Panthères grises.
" Comme toujours un orage lancinant, prêt à éclater, semblait rôder, malfaisant au-dessus des toits. Un microclimat de Fin du Monde, où le franc été succède ou alterne avec un automne sale ou un printemps de chien mouillé, sans que personne s'en aperçoive  et comprenne. "
Convaincus que le monde, en effet, comme la musique, comme la ville, comme l'art et même comme la publicité touche à sa fin, une bande de vieux copains sur le retour médite un mauvais coup.
Le thème de la Fin (fin du monde, fin de la nature, fin de l'homme, fin de tout) est, avec le fait divers, à la base de nombreux romans du jour. Il est ici nourri par la nostalgie des années 1960, de leur ambiance musicale, des objets qui l'ornaient, des images qu'elles véhiculaient.
Après, il n'y aurait plus de futur.
" Putain, tu as envie de te shooter encore un peu plus le passé dans la gueule, s'exclame un personnage. Tu as envie d'entendre toutes ces chansons de dingue alors que ça n'existe plus ? (...) Tu as envie de voir les rues de Paris avec des voitures de rêve, des Cadillac, des Chambord, des Versailles, et -- allons-y ! -- des deudeuches pied-de-poule ou des Ami 6 ? Elles étaient toutes belles de toutes les façons ! (...) Le passé. Le célébrer, le revivre, le comprendre. Découvrir toutes ces choses qu'on n'a pas eu le  temps de voir ou de vivre parce que c'était trop en même temps. C'est allé tellement vite. Dix ans à peine, entre 63 et 73, pour l'absolu âge d'or. "
Le croulant punk remâchant son passé ?
Dans un fort volume intitulé, normalement, No Future, Caroline de Kergariou, retrace l'histoire du  punk, depuis la création de ce mot jusqu'aux plus récentes mutations du mouvement.
Caroline de Kergariou, No Future. Une histoire
du punk, Perrin, 654 pages, 27 €

dimanche 20 août 2017

Orwell-Atwood

Margaret Atwood, C'est le cœur qui lâche en
dernier, traduit de l'anglais (Canada) par
Michèle Albaret-Maatsch, Robert Laffont,
447 pages, 22 €
  
Après le succès en librairie de La Servante écarlate, Robert Laffont publie le dernier roman de Margaret Atwood, C'est le cœur qui lâche en dernier
George Orwell est, une fois encore, passé par là. Dans cette dystopie (mot qui fait fureur), se bousculent les expériences numériques, les cellules bourrées de mouchards automatiques, les puces sous-cutanées sur les poulets en attendant mieux, les opérations esthétiques mal nommées, les phéromones artificiels, les " impressions 3 D de connexions neuronales ".
Ce bel attirail est expérimenté par la société Positron, au sein d'un projet de prison post-moderne que des sujets consentants acceptent de rejoindre de leur plein gré. Il est vrai que leur précarité économique et sociale ne laissait guère le choix...
Consilience est le nom de la ville dans laquelle Stan et Charmaine évoluent la moitié du temps, pendant qu'un autre couple occupe leur propre habitation. Le désir et la domination, l'amour et la libre disposition de soi obsèdent les personnages et déchirent leurs relations ou ce qu'il en reste.
Le ton de ce roman est d'une causticité assurée ; la narration d'une grande cruauté. La fable, moins clairement politique que chez Orwell, se développe sur un fond de pessimisme bien contemporain que l'humour rageur de Margaret Atwood ne suffit à tempérer.


Margaret Atwood, La Servante écarkate,
traduit de l'anglais (Canada) par Sylviane Rué,
Robert Laffont, 524 pages, 11,50 €

 

samedi 19 août 2017

Portrait de la mère en nageuse

Chantal Thomas, Souvenirs de la marée basse,
Seuil, 222 pages, 18 €
" Jackie est revenue à Arcachon, elle est revenue en vacances. Elle occupe avec son mari le rez-de-chaussée de la nouvelle maison de ses parents, construite non pas comme la première à la lisière de la forêt, mais à la lisière de la ville d'Hiver, dans la ville d'Eté. Elle entend, ou imagine, leurs pas au-dessus de sa tête et par les fenêtres ouvertes les voix conjointes de son père et de sa mère, ce fond sonore qui lui est aussi nécessaire que l'air qu'elle respire. (...) On m'a logée à l'étage. J'égrène avec allant des bouts de babillage, manifestations d'attirance parlée de ma famille ou vers le concert de pépiements des oiseaux du ciel. "
Jackie est la mère de la narratrice, à la fois proche et inaccessible personnage de ce roman dans lequel le souvenir actif, le souvenir qui fait qu'une personne se comprend elle-même dans ses métamorphoses, est omniprésent.
Le réactive, un jour, la vue de Jackie nageant au bord de la mer.
Colette, comme Paul Morand ou encore Gide
(" Ne désire jamais, Nathanaël, regoûter les eaux du passé "...), et André Mauriac, l'Aquitain, étayent les souvenirs de la narratrice. Mais en lisant les pages délicates de Chantal Thomas, la précision de ses impressions, le libraire a songé, on ne se corrige pas,  aux Enfantines de Larbaud. Nice et Arcachon d'un côté, les parcs de La Bourboule de l'autre. De fait, d'un côté ni de l'autre, le souvenir n'est alourdi de regrets. " Le premier beau soir a dressé son camp dans le jardin et a placé un rayon en sentinelle à chacune des fenêtres de la maison. On imagine un contour de joues roses, un regard bleu, une grande sœur blonde qui se penche à contre-jour". Chantal Thomas ou Larbaud, qui vient de parler, témoignent pour la certitude des sensations de vie. Sinon pour davantage de certitude.
Valery Larbaud, Enfantines, L'Imaginaire,
190 pages, 7,65 €

lundi 14 août 2017

Folio junoir : une peau neuve


La célèbre collection Folio junior qui réunit 500 auteurs au compteur (et quelques... conteurs !) fête cette année son quarantième anniversaire.
Pour la circonstance, la collection adopte un nouveau logo et une nouvelle ligne graphique. Un roman inédit de Jean-Philippe Arrou-Vignod est offert pour l'achat de deux livres au format de poche.
Un guide  "Suivez le livre " est disponible sur la table basse du libraire, face au canapé rouge.

dimanche 13 août 2017

Les curiosités naturelles

Jaxques Testard, Petit florilège naturaliste,
Belin, 144 pages, 17 €
Jacques Testard a eu la bonne idée d'extraire quelques définitions d'un certain Manuel du naturaliste, ouvrage publié en 1770 pour " amuser le lecteur tout en l'instruisant. "
La validité scientifique des observations que contient ce dictionnaire n'est pas son point fort. Mais le choix de Jacques Testard en direction de ce qui y paraît " drôle, cocasse, joli, prémonitoire ou aberrant " est une étincelante réussite.
 Extraits :

Perdrix de Grèce : Elles sont di familières dans l'île de Scio qu'un coup de sifflet les rassemble de grand matin autour d'un pâtre, qui les mène au champ et les ramène au même signal.

Camélon : Il peut vivre 5 ou 6 mois sans prendre de nourriture. Il se contente d'ouvrir la bouche, d'aspirer un air frais, et dans ces moments, il fait des mouvements pleins de gentillesse.

Datte : Un usage immodéré de ce fruit dérange la tête, produit la mélancolie et affaiblit la vue. En Espagne, on fait usage de la poudre des noyaux brûlés pour blanchir les dents. Cette poudre entre dans la composition de l'encre de la Chine.

Pétrole  : En Perse on se sert de l'huile de pétrole pour s'y éclairer. Elle est si commune qu'on la puise dans des puits. C'est un objet de commerce considérable. Les Persans s'en servent aussi au lieu de bois.

Fou : On le dresse à la pêche comme le cormoran. Sa chair est marécageuse.

La présentation de Jacques Testard (le biologiste) pourvoit le lecteur d'une mise en contexte éclairante et légère du Manuel du naturaliste, dont l'auteur, curieusement, est resté anonyme. Le libraire prose le livre sur l'étal de son rayon Nature.

L'édition de 1770



samedi 12 août 2017

Sur la beauté de la montagne

Marco Troussier, Pourquoi nous aimons gravir les
montagnes, Les Editions du Mont-Blanc,
224 pages, 17,90 €
Qu'on se le dise : le librairie a le vertige. L'escalade en haute montagne n'est donc pas faite pour lui. Mais dans le livre de Marco Troussier il y a, évidemment, la montagne et la littérature. Les sommets et l'imagination des sommets. Le réel et le rêve. Ce qui change tout, même si quelques esprits (évidemment mal tournés) vont traiter le libraire d'alpiniste de salon. La balle est dans le camp du style, de la langue, de l'agrément d'une écriture capables de transporter le lecteur.
Or Marco Troussier connaît parfaitement la valeur et la résonance des mots en général, et des mots affectés à la montagne en particulier. "
Le mot Dolomites, évoque raideur, exposition, virtuosité, dit il. Face nord fait souffler un vent glacial qui remonte des parois sombres et des couloirs majestueux qui se terminent parfois en flèches effilées. Granit est indissociablement lié à des lignes fuyantes à des tours incroyables, à des barrières austères que l'on imagine
à peine gravir. "
Et plus loin, sous l'entré du mot " Rêve " et à propos de la vallée magique du Yosemite : " Je me sentais comme un personnage de roman "à la Murakami", qui franchit le mur du réel pour habiter des espaces inconnus et passe ces frontières sans en avoir conscience. "
Il faudrait donc tenir compte de la puissance des mots dans l'histoire de l'alpinisme, ou de certains alpinistes, tout du moins.
Le livre de Marco Troussier est en outre illustré de magnifiques photographies et gravures qui ont leur personnalité propre et n'ont pas été vues un partout. Le noir et blanc de la typographie, des illustrations, de la neige et du roc vont bien ensemble.
Franz Schrader (1844-1924) n'aurait sans doute pas dit autre chose. Son titre, d'une simplicité éloquente, rappelle celui du livre de Troussier. Pyrénéiste, géographe et dessinateur de première, Schrader prononça son discours A quoi tient la beauté de la montagne au club Alpin en 1897. " C'est évidemment à mi-hauteur de la zone neigeuse,  entre les plus hautes vallées et les plus hautes cimes, au milieu des grands champs de blancheur que l'on trouve le plus haut degré de beauté ", affirme Franz Schrader, le neveu d'Elisée Reclus.
Voilà qui rassure un peu le libraire sujet au vertige.
Franz Schrader, A quoi tient la beauté
des montagnes, Isolato,
50 pages, 12 €

vendredi 11 août 2017

Grandeur de l'arbre

Thich Nhat Hanh, La Terre est ma Demeure,
traduit de l'anglais par Stéphanie Chaut, Belfond,
248 pages, 15 €
" Au Village des Pruniers, nous avons un beau tilleul qui offre chaque été beaucoup d'ombre et de joie à des centaines de visiteurs. Un jour, au cours d'une grosse tempête, il perdit de nombreuses branches et faillit mourir. Quand je vis le tilleul après la tempête, j'eux envie de pleurer. J'éprouvais le besoin de toucher son tronc, mais cela me faisait mal parce que je pouvais sentir que l'arbre souffrait. Je résolus donc de trouver des moyens de l'aider. Heureusement, un de mes amis était médecin des arbres. Il soigna si bien le tilleul que celui-ci fut ensuite encore plus fort et plus beau qu'autrefois. Notre centre ne serait pas le même sans cet arbre? Chaque fois que j'en ai l'occasion, je touche son écorce et j'entre en contact profond avec lui.
Les arbres sont comme nos grands frères et grandes sœurs. Nous devons prendre soin d'eux et les traiter avec beaucoup de respect. Soyez aussi loyaux avec eux que vous le seriez avec les membres de votre famille et vos amis les plus proches. "

                                                 
                                              Thich Nhat Hanh

Les arbres valent un gros succès de librairie au livre de Peter Wohlleben, La Vie secrète des arbres. Au prix de quelques familiarités inutiles avec le règne végétal  (" Les forêts ressemblent à des communautés humaines. Les parents vivent avec leurs enfants, et les aident à grandir... "), le lecteur y glanera de nombreuses informations propres à agrémenter leurs promenades sylvestres que le libraire lui souhaite nombreuses.
Peter Wohlleben, La Vie secrète des arbres,
traduit de l'allemand par Corinne Tresca,
Les Arènes, 262 pages, 20,90 €

jeudi 10 août 2017

La Fontaine et la fin de l'Histoire


Erik Orsenna, La Fontaine une école
buissonnière, Stock,/France Inter,
210 pages, 17 €
Après nous avoir entretenu de la fable du moustique mondialisé (voir le billet du six août dernier), Erik Orsenna nous narre l'histoire du fabuliste français le plus célèbre, sinon le plus connu : Monsieur Jean de La Fontaine.
En quarante deux courts chapitres, plus un choix de fables in fine, une partie du XVIIe siècle d'or vous est conté. Château-Thierry (sa ville natale), les sieurs Boileau, Molière, Racine et, souverain, le Roi Soleil, la légende française des salles de classe d'autrefois se déploie. La voix de l'auteur est gentille, gentillette même : " Il est des livres qui sont des bateaux. Ou, si vous préférez, des grands frères... " Voilà qui est fait pour rassurer le lecteur. De plus, la voix de l'auteur a bercé les auditeurs d'une célèbre chaîne de radio dans une série d'émissions consacrées à La Fontaine, cet été. Ce sont les textes de ces émissions qui composent La Fontaine une école buissonnière.
Mécaniques du chaos (pas tout à fait "Apocalypse ", mais on s'en approche) est le titre du prochain roman de Daniel Rondeau, un roman de rentrée. Ukraine, Tripoli, chaîne d'infos, barres de fer, ambassade américaine, projet français, terrorisme, argent sale ... : la fiction dépasse difficilement les pages  des journaux et des écrans. Le lecteur n'est pas dépaysé. Il n'est pas dépassé. Il a la culture qu'on lui sert tous les jours. Mécaniques du chaos, nous dit l'éditeur, nous " emporte dans le mouvement d'une histoire qui ne s'arrête jamais. " Le libraire plaide pour une petite pause quand même.
Daniel Rondeau, Mécaniques du chaos,
Grasset, 460 pages, 22,00 €

mercredi 9 août 2017

Le temps chinois

Christine Cayol,
Pourquoi les Chinois ont-ils le temps ?
Tallandier, 284 pages, 18,90 €
" Pourquoi les Chinois ont-ils le temps ?". C'est une bonne question à se poser de notre côté du monde.  Déjà Lin Yutang remarquait, il y a quatre-vingts ans que " les Américains en sont maintenant arrivés à un si triste état, que non seulement ils inscrivent leur emploi du temps pour le jour suivant, ou la semaine suivante, mais pour le mois suivant. Un rendez-vous dans trois semaines est une chose inconnue en Chine. "
"Les Chinois qui pratiquent la méditation ou les arts martiaux, renchérit aujourd'hui Christine Cayol, n'expriment pas ce besoin frénétique que nous avons d'explications et de modes d'emploi. (...) le temps spirituel des Chinois n'est pas plus conceptuel que personnel, il invite à suivre un rythme naturel qui ne nous appartient pas, même s'il entre en résonnance avec nos énergies. C'est un temps de l'eau, de la montagne et du ciel, pas un temps " pour ", pas un temps personnel. "
Ce qui n'empêche que même les Chinois sont désormais contaminés par la maladie du temps, comme dit si bien Christine Cayol. " Des millions de Chinoises dont le pouvoir d'achat ne cesse d'augmenter se ruent sur la chirurgie esthétique pour lutter contre la détérioration de leur image. (...) La majorité des Chinois, hommes et femmes, cachent leurs cheveux blancs et semblent obsédés par l'idée de rattraper un retard collectif dans la course au développement. "
Que dit de tout cela l'ami Wang Wei, l'ami tang du VIIIe siècle, une valeur sûre  ?

Le haut sommet récrit les constellations ;
Les vallées redécouvrent la lumière.
Il me faudrait un gîte pour la nuit :
Par-delà le torrent, demandons au bûcheron.

Patrick Carré, Zéno Bianu, Poésie chinoise de
l'éveil, Spiritualités vivantes,
280 pages, 8,90 €

mardi 8 août 2017

Leçons du désert. Intérieur et extérieur

Santiago Pajares, Imaginer la pluie,
traduit de l'espagnol par Claude Bleton,
Actes Sud, 296 pages, 21 €
Il s'appelle Ionah. Ce qui signifie " colombe ". Il est un enfant du désert. Quand le monde a fait place à un désert. Et Ionnah vit là, hors du temps et de l'espace, avec sa mère. Elle est longtemps sa seule compagnie dans l'existence, chargée d'enseigner à son petit prince comment se défendre ; comment se nourrir ; comment s'abriter ;  comment extraire l'eau d'un puits de quatorze mètres de profondeur. Et ne pas entretenir en lui de vaines nostalgies. Mais nostalgies de quoi, puisque Ionnah n'a jamais connu d'autre milieu que le désert ni d'autre compagnie que celle de sa mère ? Nostalgie, peut-être, des instruments  avec lesquels, dans le monde précédent, " on pouvait créer des musiques, si belles qu'elles nous transportaient ailleurs sans changer de place ". Ou nostalgie " des gens  qui écrivaient sur du papier des histoires qui n'étaient arrivées que dans leur tête, un moyen pour eux de les par-
tager. "  Mais certainement pas nostalgie d'un lieu où les hommes n'avaient de cesse de s'entre-déchirer.
Cependant, jusque dans le désert le plus désert, les choses changent. Ionnah, la colombe, le petit prince, grandit et Mère, la sévère éducatrice,  vieillit. Qui sait si la pluie ne viendra pas et un compagnon, et d'autres nouveautés, dont Ionnah aura appris à juger, au cours de son implacable apprentissage dans le désert, de la pertinence et de la véritable valeur.
On retrouve le désert, et sa portée symbolique, dans un magnifique essai de Salah Stétié, sous le titre de Lapidaires verdoyants. " Il y a incontestablement une dialectique du désert et du verdoiement ", écrit le poète d'origine libanaise.  " Il y a des hommes, il y a des peuples du désert, comme il y a des hommes  et des peuples de la profondeur verte. Je dirai que l'appartenance géographique, que la localisation temporelle,  ne sont que circonstances et que passages, face à l'implantation fondamentale  qui est, essentiellement, de nature spirituelle. "
Attachement et détachement sont les véritables enjeux du désert.

Salah Stétié, Lapidaires verdoyants,
Fata Morgana, 212 pages, 24 €

lundi 7 août 2017

Emily Dickinson, enfin au complet

Emily Dickinson, Poésies complètes,
traduit de l'américain par Françoise Delphy,
Flammarion, 1468 pages, 35 €
Je suis la petite " Pensée Sauvage " !
Je n'aime pas les ciels boudeurs !
Si le papillon traîne
Vais-je pour autant me tenir à l'écart ?

Si le Bourdon Pleutre
Reste au coin du feu,
Moi, je dois être plus résolue !
Qui transmettra mes excuses ?

Chère -- petite fleur, Surannée !
L'Eden, lui, aussi est suranné !
Les Oiseaux sont des compères désuets !
Le Paradis ne change pas son bleu.
Et moi non plus, petite Pensée Sauvage --
Personne ne me convaincra de le faire !

Ou encore, prémonitoire :
Pour faire une prairie prenez un trèfle et une seule abeille,
Un seul trèfle et une abeille,
Et la rêverie. La rêverie seule suffira,
Si on manque d'abeilles.

Emily Dickinson (1830-1886) 

dimanche 6 août 2017

Jean-Henri Fabre et les moustiques mondialisés

Jean-Henri Fabre, Portraits d'insectes,
présenté par Philippe Galapoulinos,
dessins de Pierre Zanzucchi,
Le Castor Astral, 166 pages, 14 €
Vos valises sont bouclées ? Comme c'est dommage, vous auriez pu emporter sur les chemins pleins d'ombre, de noisettes et ... d'insectes quelques bonnes pages de Jean-Henri Fabre (1823-1915), l'entomologiste français par excellence. Non que mantes, fourmis noires et autres cigales soient spécifiques du sol gaulois. Mais parce que Fabre est un classique de la langue française, ce que, peut-être, on ne souligne pas assez. Sans doute, scientifiquement parlant, manque-t-il désormais quelques plumes (ou élytres) à son chapeau (encore que : son insistance à enquêter sur le terrain plutôt qu'en laboratoire plaiderait plutôt en sa faveur). Mais quelle verve, quel œil, quelle langue ! A faire vieillir le galimatias de maintes communications savantes !
Pour s'en convaincre, rendez-vous auprès du petit volume (petit par la taille) composé sous le titre de Portraits d'insectes et présenté par Philippe Galanopoulos.
Peut-être trouverez-vous dans votre besace une place pour les insectes de Fabre ? Organisez-vous un peu !
Eric Orsenna, lui, conforté par Isabelle de Saint Aubin, s'est penché sur le cas d'un insecte d'hier (le bougre est âgé de 250 millions d'années) et d'aujourd'hui, hélas : le moustique. Dans tous ses états et tous ses espaces. La bête, dont le poids est inversement proportionnel à sa capacité de nuisance, fait 750 000 morts par an. De quoi attraper des fièvres, comme le dit Orsenna. De quoi aussi chercher les bons remèdes, qui ne ressemblent pas forcément aux manipulations génétiques. Outre ces livres, n'oubliez pas de lester votre musette des pommades indispensables en cette saison ; accompagnez-les d'une moustiquaire en état de marche.
Erik Orsenna, Isabelle de Saint Aubin,
Géopolitique du moustique, Fayard,
280 pages, 19 €




jeudi 3 août 2017

Jules, Jim, Jeanne

En mémoire de Jeanne Moreau
(1928-2017)
et de Jules et Jim
 
Henri-Pierre Roché, Jules et Jim,
Folio, 256 pages, 7,20 €
 
 
" Le petit et rond Jules, étranger à Paris, avait demandé au grand et mince Jim,
qu'il connaissait à peine, de le faire entrer au bal des Quat-z'Arts,
et Jim lui avait procuré une carte et l'avait emmené chez le costumier.
C'est pendant que Jules fouillait doucement parmi les étoffes
et choisissait un simple costume d'esclave que naquit l'amitié de Jim pour Jules.
 Elle crût pendant le bal, où Jules fut tranquille,
avec des yeux comme des boules, pleins d'humour et de tendresse. "
 
 


mercredi 2 août 2017

Connaissez-vous le facteur Valette ?

Philippe Valette, Mon village, préface de
Pascal Pinel, Plein Chant, 206 pages, 14 €
Même en Bourbonnais, son pays d'adoption, il n'est pas sûr que Philippe Valette (1887-1962) soit connu comme il le mériterait. Elevé par ses grands-parents non loin de Saint-Pourçain-sur-Sioule, il mena une enfance de petit paysan, se maria à l'âge de 24 ans, et fut mobilisé dès le début de la Grande Guerre. Rendu à la vie civile, il deviendra facteur-receveur des Postes, nous dit encore Pascal Pinel, son préfacier. Ami de Jean-Emile Guillaumin, le fils d'Emile Guillaumin (un peu mieux connu en Bourbonnais) qui l'encouragea dans sa vocation d'écrivain, il publia Mon village chez Grasset, en 1947. Suivra, en 1952, un livre de nature philosophique qu'il auto-éditera, et auquel Valette tenait beaucoup, Valeurs et synthèses.
Depuis une dizaine d'années, écrit Pascal Pinel, la commune de Contigny où il vécut s'efforce de tirer Philippe Valette de l'oubli. " Une randonnée permanente intitulée judicieusement " Le village de Philippe Valette ", une plaque sur la maison de son enfance, un petit espace vert non loin, " le Jardin de Philippe Valette " ; enfin, une balade théâtralisée " sont là pour faire découvrir l'univers de l'auteur de Mon village.
" A Moulins tant de choses m'avaient ébloui qu'il ne me reste plus guère, dans la confusion des souvenirs, que ceux de deux flèches d'une grande église aperçue depuis Chemilly, de notre passage sur un pont impressionnant à la sortie duquel deux employés en uniforme avaient fouillé le coffre qui était sous le siège de la voiture, et puis cette foule qui , curieusement indifférente et pressée, en des rues étroites au pavé bruyant. (...) Je revois la place où jouaient des enfants, entre une drôle de fontaine et des hommes de pierre perchés haut sur un monument.  Je me souviens du Jacquemart dont le Félicien m'avait parlé en route et qui n'était qu'une tout d'horloge morte, puisque le mécanisme de ses personnages ne marchait pas. Dès l'arrivée, j'ai pensé qu'il n'y avait qu'une ville qui comptait dans mon cœur : c'est Saint-Pourçain-sur-Sioule, notre ville, " la ville", comme on dit toujours à Boulaize."