mercredi 21 mars 2018

Le géranium de Jacques Lacarrière

Le librairie s'aperçoit qu'il a été trop regardant lorsqu'il a posté (le 7 mars dernier) son éloge du dernier livre paru sous la signature de Jacques Lacarrière : Le Géographe des brindilles.
L'envie lui vient d'en faire plein de citations, lui-même fermant un instant son caquet pour laisser au texte toute sa place. Il aimerait, par exemple, citer en entier " La mélancolie du géranium ", cet essai dans lequel Lacarrière fait l'éloge de cette plante banale -- est-elle banale ou ne savons-nous pas la regarder ? Tout le monde l'a regardée, car elle prolifère sur les balcons et dans les bacs, mais qui la vue, ce qui s'appelle voir ? Qui en a tiré les enseignements ? Et, au fait, ce géranium n'est-il pas plutôt un pélargonium ? Tout l'art, à la fois savant et souriant, un mélange rare, se trouve réuni là.
Mais cinq pages, c'est trop. Voici donc un élixir du géranium-pélargonium de Lacarrière :
" Son nom propre -- pélargonium -- et son nom générique -- géranium -- signifient "bec de cigogne" et "bec de grue" en raison de la forme effilée, rigide et acérée de leurs graines. Y aurait-il là une explication ? Cette apparente similitude entre le bec de l'échassier et sa réplique végétale n'est qu'une invention de botaniste ou dit-elle des alliances plus secrètes, des complicités qui remonteraient aux origines du monde ? Il est bien évident que si l'unique rêve du géranium est d'imiter les grues, de devenir (ou de redevenir) un échassier, son actuelle condition doit être intolérable car son pot lui est une prison et son terreau, la terre de son tombeau. Mais cela , le rêve végétal, cet élan botanique pour la vie migratrice, sont-ils seulement en lui seulement en moi ? "

Jacques Lacarrière, Le Géographe des brindilles, éditions Hozhoni, page 128



mardi 20 mars 2018

La sélection du Prix des Lecteurs A la Page 2018 enfin dévoilée !

La sélection de huit romans en lice pour le prix des Lecteurs A la Page
est enfin dévoilée.
La voici, par ordre alphabétique d'auteur.
 
Clarence Boulay, Tristan,
Sabine Wespieser

Maryline Desbiolles, Rupture,
Flammarion

Olivia Elkaïm, Je suis Jeanne Hébuterne,
Stock

Alain Galan, Chafouine,
Buchet-Chastel

Hubert Haddad, Casting sauvage,
Zulma


Ysabelle Lacamp, Ombre parmi les ombres,
Bruno Doucey


Wilfried N'Sondé,
Un océan, deux mers, trois continents
Actes Sud

Alexandre Seurat, Un funambule,
Le Rouergue
 
C'est un jury de seize lecteurs
qui va se prononcer en un premier tour de vote
le 25 mai prochain.
Le lauréat du prix 2018 sera connu le 22 juin.
Rappelons que Bérengère Cournut,
prix des Lecteurs A la Page
2017 sera reçue à la librairie
ce vendredi 23 mars, à 18 heures.
Venez nombreux !
 

dimanche 18 mars 2018

Connaissez-vous Natalia Ginzburg ?

Natalia Ginzburg, Les Petites vertus, traduit de
l'italien par Adriana R. Salem,
Ypsilon, 132 pages, 20 €
C'est en 1962 que parut en Italie Les Petites vertus, recueil d'essais personnels que complétera Ne me demande jamais (1969).
Natalia Ginzburg (1916-1991) écrit : " En ce qui concerne l'éducation des enfants, je pense qu'on doit leur enseigner non pas les petites vertus, mais les grandes. Non pas l'épargne, mais la générosité et l'indifférence à l'argent ; non pas la prudence, mais le courage et le mépris du danger ; non pas l'astuce, mais la franchise et l'amour de la vérité ; non pas la diplomatie, mais l'amour du prochain et le sacrifice ; non pas le désir du succès, mais le désir d'exister et de savoir. " Et elle ajoute, point de départ de son débat intérieur : " D'habitude, au contraire, nous faisons l'inverse : nous nous hâtons d'enseigner le respect pour les petites vertus, fondant sur elles tout notre système d'éducation."
On peut trouver le romantisme dans l'anti-romantisme même de Natalia Ginzburg, dans son non-lyrisme, dans son goût des petites choses, qu'elle ressent comme un sismographe, où elle loge éperdument son sens de l'humain.  Avec quelle tranquillité (quelle " sérénité intérieure ", pour utiliser sa propre expression) elles dit les choses banales, les choses graves, les choses dures, les choses épouvantables. " Nous sommes près des choses dans leur substance ", écrit-elle en 1946, et voici :
" Une fois subie, l'expérience du malheur ne s'oublie plus.  Celui qui a vu s'écrouler les maisons sait trop clairement quels biens fragiles sont les vases de fleurs, les tableaux, les murs blancs.  Il sait trop bien de quoi est faite une maison. Une maison est faite de briques et de chaux, et peut s'écrouler. Une maison n'est pas très solide. Elle peut s'écrouler d'une minute à l'autre. Derrière les petits vases de fleurs, derrière les théières, les tapis, les parquets encaustiqués, il y a l'autre visage de la maison, l'atroce visage de la maison écroulée. "
" J'ai l'impression, en écrivant, de suivre une cadence et une mesure musicales ", confie-t-elle aussi.
Ce livre contient  " une leçon de littérature ", a dit Italo Calvino. Qu'il soit permis au libraire de corriger : " ce livre contient une leçon de haute littérature ".
Puisque le nom de Calvino vient ici d'être mentionné, que l'on s'avise qu'une nouvelle édition de Pourquoi lire les classiques vient de reparaître chez Folio et l'on saura tout pour ce dimanche italien.
Italo Calvino, Pourquoi lire les classiques,
traduit de l'italien par Jean-Paul Manganaro
et Christophe Mileschi
Folio, 416 pages, 7,80 €