samedi 7 octobre 2017

Proust, son questionnaire et sa jeunesse

Evelyne Bloch-Dano, Une jeunesse de Marcel
Proust, Stock, 286 pages, 19,50 €
Pas d'anniversaire en vue, pas de grande exposition : que se passe-t-il ? Des proustiens se déclarent de toutes parts. Profitons-en, dit le libraire !
Evelyne Bloch-Dano, déjà auteur de Madame Proust en 2004, a tiré un excellent parti du fameux, du mythique Questionnaire de Proust. Comment, demande-t-elle, ce qui était un jeu de société mondain, a-t-il " traversé le temps et fait le tour du monde " ? Au point que le document original dans lequel Proust consigna ses réponses (un album intitulé Confessions) atteignit, il y a une quinzaine d'années, plus de 120,000 euros aux enchères à Drouot.
L'essentiel est que, à partir des Confessions, Evelyne Bloch-Dano soit parvenue à identifier la société dont Marcel était entouré, celle qui forme le cadre du Questionnaire, et à approcher la personnalité qui était la sienne à l'époque. " En comparant ses réponses à celles données par des jeunes gens de son âge, est-il possible de déceler la précocité, la profondeur, l'originalité de Proust ? Tout simplement : était-il déjà exceptionnel ou, simplement, un garçon de son temps ? " " Quel jeune garçon était-il, interroge encore Evelyne Bloch-Dano,  Et surtout, dans quelle mesure ces années, ces amitiés ont-elles nourri l'œuvre future ? De Gilberte aux Champs-Elysées à la petite bande d'Albertine et des jeunes filles en fleurs, quelles traces ont-elles laissées ? "
L'album " Confessions ", contenant les réponses de Proust

vendredi 6 octobre 2017

André Lévy (1925-2017) : la passion de traduire

Jing Ping Mei, chapitre IV
Le sinologue, traducteur et théoricien André Lévy vient de disparaître. On lui devait, entre autres, la traduction du grand classique chinois Jing Ping Mei dans la collection de la Pleïade (puis chez Folio), sous le titre de Fleur en fiole d'or.
A l'heure de la Foire du livre de Francfort, rendons-lui hommage.

" On exige d’une traduction ce que l’on ne saurait demander de l’œuvre qui demeure intangible telle que l’a voulue l’auteur. L’évolution de la langue, les goûts du public rendent souhaitable son renouvellement périodique. A cette révocabilité, en quelque sorte intrinsèque, s’ajoutent les inévitables remords d’un travail nécessairement imparfait par rapport à son objet et s’oppose l’irrévocabilité du texte imprimé et publié.
(...) Ne faut-il pas distinguer plusieurs espèces parmi les traducteurs ? Ceux qui retournent amoureusement chaque pierre de l’œuvre à laquelle ils sont prêts à sacrifier neuf vies, ceux en qui le critique refoulé s’épanche dans les notes qui font de la traduction une œuvre tellement plus intéressante que l’original. Ou encore ceux qui s’identifient à l’auteur au point de chercher à rivaliser dans leur travail avec la vitesse de composition de l’original, en profitant, si possible, d’une grande familiarité préalable avec l’œuvre. Est-ce une condition sine qua non pour transposer l’impondérable, le souffle qui traverse les œuvres majeures, quand il s’agit de romans ou d’épopées ? Ce n’est pas si sûr.
Faut-il respecter l’identité de l’œuvre jusqu’à en conserver les plus petites verrues en traduction ? La réponse dépend du public visé et de la nature de l’œuvre. L’une des traductrices de la collection Harlequin, appelée à produire un volume par mois, les récrivait plus qu’elle ne les traduisait, paraît-il. Ce qui est légitime dans ce cas ne saurait l’être dans une collection telle que la Pléiade, par exemple. "
                                                                                        André Lévy, La passion de traduire


Jing Ping Mei, Fleur en fiole d'or,
traduit du chinois et annoté par André Levy,
Folio, 2 volumes sous coffret, 29,80 €








 

jeudi 5 octobre 2017

Quel fromage !

Jean-Loup Chiflet, Je n'ai pas encore le titre,
Plon, 320 pages, 18,90 €
Jean-Loup Chifflet publie Je n'ai pas encore de tire (Plon), où il résume 50 ans de sa vie dans l'édition. Anecdotes, confidences amusantes ou prudentes, s'enchaînent et se terminent par un fromage. Ou, si vous préférez, un " camembert statistique ", série de données chiffrées sur la décomposition du prix d'un livre.
Soit, nous dit le professeur Chifflet, en page 316, un
" livre vendu 10 € TTC ": Comment se découpe son prix (ou : à qui chers amis du libraire confiez-vous votre argent, votre blé, vos thunes). Voici  :

. 0,50 : TVA
. 1 € : l'auteur
. 1,50 € : l'éditeur
. 1,70 € : diffusion / distribution
. 3,80 € : libraire
. 1,50 € : impression / fabrication.

Vous avez bien lu le fromage : c'est ce saligaud, ou cette saligaude, de libraire qui gagne le plus d'argent, de blé, de thune dans la chaîne du livre.
Davantage, même, que l'auteur !
La petite question à se poser reste la suivante : combien de fois un libraire gagne-t-il ses 3,80 € au fond de son négoce juteux, sans même écrire les livres, ni les transporter, ni les imprimer -- autrement dit, en se promenant toute la journée parmi des milliers de joyaux qui ne lui coûtent rien et lui rapportent énormément une fois qu'il les a déposés par milliers sur des tables et quelques rayons ?
Livrons nous au calcul : S'il vend un exemplaire du livre du professeur Chifflet, le saligaud de libraire (ou la saligaude) aura gagné 3,80 €.
Si le professeur Chifflet en vend 100 (et, vraiment, là, le professeur Chifflet pourrait faire un petit effort sur les plateaux de télévision et les antennes de radio), il aura gagné, selon son propre fromage TTC, 100 € ;
l'Etat 50 € ; 
le distributeur 170 € ;
l'imprimeur 150 €.
Pour 1000 exemplaires vendus dans toute la France, beaucoup de saligauds / saligaudes de libraires se seront chacun rempli les poches de 38 € (en admettant que les officines de librairies perçoivent effectivement ce pourcentage à chaque livre vendu !) pour que le professeur donne ses leçons d'économie à 1000 € ; l'Etat 500 € ; l'éditeur 1500 €... Et ainsi de suite, vous avez compris.
Du professeur Chiflet, le libraire conseille de lire le Dictionnaire amoureux de l'humour.

Jean-Loup Chiflet, Dictionnaire
amoureux de l'humour, Plon,
720 pages, 24 €


mardi 3 octobre 2017

Gloire de la chouette et du hibou

Mike Unwin, David Tipling, lL'énigme de la chouette.
 50 histoires illustrées, Delachaux Niestlé, 288 pages, 39 €
282 grandes pages et 50 histoires richement illustrées de 200 photographies ne sont pas de trop pour résoudre l'énigme de la chouette.
" Les rencontres avec les rapaces nocturnes sont toujours des moments particuliers. Ma plus mémorable a eu lieu sur une île isolée du delta de l'Okavango, au Botswana. Mon guide m'avait entraîné à travers une lagune jusqu'à un enchevêtrement forestier devant lequel il s'arrêta, pointant du doigt un grand figuier sycomore. Il me fallut deux minutes, avec mes jumelles, pour repérer ce que, lui, avec ses seuls yeux, avait vu du premier coup : une énorme chouette au plumage orange cannelle qui nous observait depuis son perchoir des ses grands yeux noirs suspicieux. (...)
Il n'est toutefois nul besoin de fréquenter les brousses africaines pour observer des rapaces nocturnes. Mon enfance au Royaume-Uni est pleine de rencontres inoubliables", ajoute l'auteur de ces lignes, Mike Unwin.
Il n'est pas sûr que nos rencontres avec les chouettes et les hiboux soient aussi fréquentes que celles de cet ornithologue. Mais il est peu contestable qu'elles ont toutes un aspect capable de nous remuer. Qu'il s'agisse de la beauté de leur livrée, de l'extraordinaire présence de leur regard, de la majesté de leur port ou de l'étrange contexte sonore dans lequel ils nous plongent.
Cet album nous présente les rapaces nocturnes de tous les continents. 53 espèces sont abordées, avec une description de leur aspect, de leur répartition et de leur comportement,. Sans négliger les chouettes et les hiboux, rois et reines de la nuit, que nous avons dans la tête depuis l'aube des temps.

Ishtar, déesse mésopotamienne.

lundi 2 octobre 2017

Les enfants de Brassaï

 
Cette tendre photo de Brassaï, prise en 1949,
pour rappeler qu'un beau rayon photos
vous attend à la librairie
(au fond à droite, non loin du canapé rouge)

 
 

dimanche 1 octobre 2017

L'amitié des montagnes

Paolo Cognetti, Les Huit montagnes, traduit
de l'italien par Anita Rochedy, Stock,
300 pages, 21,50 €
Il n'est guère permis de douter que le narrateur des Huit montagnes ne soit le double de l'auteur de ce très beau roman. La dédicace, in fine, nous l'indique. Mais, surtout, la profonde intériorisation du récit et de ses personnages, d'une justesse qui ne trompe pas : les huit montagnes ont bien été ce lieu d'émerveillement dont Paolo Cognetti fait le centre de son livre.
C'est que la famille du narrateur vit à Milan, en exil de ses sommets et de ses glaciers, " à l'altitude des neiges éternelles ". Le père, déjà, était un amoureux des cimes et des neiges et sut transmettre sa passion à son fils. Habitants forcés de la grande ville, ils revenaient dès qu'ils le pouvaient à leurs amours, dans le val d'Aoste, au pied du Cervin.
A la mort de son père, Pietro continue la tradition familiale et retape un refuge avec l'aide de Bruno, un autre fondu de la région. Ensemble, garçon de la ville et garçon de la montagne, ils vont continuer de hanter les vallées, les forêts et les crêtes. Pendant trente ans.
" On peut dire que j'ai commencé à écrire cette histoire quand j'étais enfant, dit Paolo Cognetti, parce qu'elle m'appartient autant que mes propres souvenirs. Ces dernières années, quand on me demandait de quoi elle parlait, je répondais toujours : de deux amis et d'une montagne. Oui elle parle vraiment de ça. "
Les Huit montagnes est le premier roman de Paolo Cognetti, dont un recueil de nouvelles, Sofia s'habille toujours en noir (Liana Levi) et un carnet de randonnées, Le Garçon sauvage (Zoé), ont été traduits en français.