samedi 13 mai 2017

La littérature selon Olivier Cadiot

Olivier Cadiot, Histoire de la littérature récente,
Tome 1, 192 pages, 11 €
Le libraire avait raté Histoire de la littérature récente, d'Olivier Cadiot, paru chez POL en 2016.
Ce n'est pas un gros retard qu'il rattrape aujourd'hui, après tout, en recopiant ces quelques commandements en attendant le tome 2 :

" La littérature n’est pas une thérapie. On ne supporte pas mieux nos maux en les dédoublant par les mots. Il faut vraiment être un demeuré pour penser que « ça ira mieux en le disant ».

Si vous cherchez la gloire, voire la notoriété, en vous lançant dans la littérature, n’oubliez jamais que dans trente ans – et sans doute bien avant – il y aura autant de lecteurs de vraie littérature qu’il y a aujourd’hui d’amateurs de poésie en latin.

Ne placez pas la littérature sur un piédestal : il n’y a pas d’art supérieur. Rien de plus suranné que d’établir des hiérarchies. Si vous vous réveillez en pleine nuit en vous demandant : qu’est-ce que la littérature ? Dites-vous bien que tout vaut mieux que le chef d’œuvre qui vous hante et qui sera forcément raté.

Ne regrettez pas la littérature d’avant. Écrire est un métier d’aventuriers, pas de geignards.

Préparez-vous à entendre des gens dire très gentiment : « Mais pourquoi écrivez-vous comme ça ? » avec une incompréhension douce comme si vous portiez une perruque pour aller faire vos courses.

Sachez que le lecteur veut juste lire par dessus votre épaule : ne vous adressez pas à lui comme à un enfant. Chaque livre que vous écrivez devrait être une manière originale de vous ridiculiser.

Et gardez en tête la célèbre équation dite de Mark Greeene qui fut le premier à l’établir : Littérature égale Déception."

Fragonard, La Liseuse

vendredi 12 mai 2017

Sur la route de la porcelaine

Edmund de Waal, La Voie blanche.
A la rencontre d'un art millénaire, traduit de
l'anglais par Josée Kamoun, Autrement, 517 pages
24 €
 
Edmund de Waal est un céramiste de réputation internationale. Son livre La Voie blanche. A la rencontre d'un art millénaire, placé sous le patronage d'Herman Melville et de sa baleine blanche, nous offre la meilleure première page de la semaine. Preuve que l'on peut être un auteur sérieux et nullement pédant ni ennuyeux. Livrons-la sans plus attendre :

" Je suis en Chine. Je tente de traverser la rue à Jingdezhen, capitale de la porcelaine située dans la province du Jiangxi, Ur légendaire où tout a commencé ; les cheminées des fours brûlent toute la nuit, la ville n'est qu'une " grande fournaise qui a plusieurs soupiraux", avec ses manufactures pour la maison impériale, là-bas au repli des montagnes où pointe la flèche de ma boussole. C'est ici que les empereurs envoyaient leurs émissaires commander des bassins de porcelaine d'une profondeur invraisemblable pour les carpes du palais, des coupes pour les rites, des bols par milliers pour leur maisonnée. Ici que les marchands venaient commander des plats pour les festins des princes timourides, des jattes pour les ablutions des cheikhs, des services à vaisselle pour les reines. C'est la ville des secrets de fabrication, avec son savoir-faire millénaire, ses cinquante générations d'ouvriers qui ont extrait, lavé et malaxé la terre blanche, la ville où l'on connaît et façonne si bien la porcelaine, avec ses ateliers innombrables, ses potiers, ses vernisseurs, ses décorateurs, la ville des négociants, des courtisanes et des espions. "

La Voie blanche bénéficie aussi de la meilleure dernière page de la semaine grâce à Josée Kamoun, sa fervente traductrice, qui conclut en beauté : " Le traducteur, arlequin serviteur de deux maîtres, a mis ses pas dans ceux d'Edmund de Waal passeur de cultures, pour emprunter la route de la porcelaine avec ses tours et détours entre deux mondes et quelques empires. Au lecteur, il est heureux d'en faire retour. "
Melville, Moby Dick, traduit de l'américain
par Jean Giono, Lucien Jacques
et Joan Smith, Folio, 752 pages, 9,80 € 




jeudi 11 mai 2017

La minute de mauvaise humeur du libraire (3)

Le libraire innocent a relevé ces lignes, encore plus innocentes, sur le site de l'Alliance Française qui, comme chacun le sait, est une fondation déclarée d'intérêt public, financée par le Ministère française des affaires étrangères :

" Clichy, le 2 mai 2017 – Annoncée par Amazon le 25 mars dernier sur le Salon du Livre, la seconde édition du concours littéraire Les Plumes Francophones a ouvert lundi 1er mai. Désormais, et jusqu’au 31 août prochain, les auteurs peuvent participer au concours en soumettant leurs manuscrits originaux via le service Kindle Direct Publishing (KDP) (...).
Ouvert à tous les francophones dans le monde, le concours d’autoédition Les Plumes Francophones d’Amazon a pour but de révéler de nouveaux auteurs et de promouvoir la francophonie à travers le monde. Organisé en partenariat avec la chaîne culturelle TV5MONDE et la fondation Alliance Française, il bénéficie du haut patronage de Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé du Développement et de la Francophonie. Yasmina Khadra, le talentueux écrivain algérien connu notamment pour ses œuvres Ce que le jour doit à la nuit, Dieu n’habite pas La Havane et La Dernière Nuit du Raïs , est le parrain de l’édition 2017. "


Ce n'est pas tout. Le site de l'Alliance française, toujours aussi soutenue financièrement par le Ministère française des affaires étrangères, tient à préciser ceci à qui l'ignorerait : 

" A propos d’Amazon :  L’entreprise est guidée par quatre principes : l’obsession client plutôt que l’attention portée à la concurrence, la passion pour l’invention, l’engagement en faveur de l’excellence opérationnelle et la réflexion à long terme. Les commentaires en ligne, la commande en 1-Click, les recommandations personnalisées, le programme Amazon Premium, Expédié par Amazon, AWS, Kindle Direct Publishing, Kindle, les tablettes Fire et Fire TV, Amazon Echo et Alexa comptent parmi les produits et services initiés par Amazon. "

Du reste, le logo innocent du Ministère figure au bas de l'affiche présentant le concours des innocentes " Plumes francophones ".
Le libraire, qui tient les ouvrages de Yasmina Khadra à la disposition des lecteurs sur son étal, vous souhaite une bonne et innocente nuit.
 
 

mercredi 10 mai 2017

Remise du prix Valery Larbaud

Jean-Baptiste Del Amo, Règne animal,
Gallimard, 432 pages, 21 €
Le 51e prix Valery Larbaud sera décerné à Jean-Baptiste Del Amo pour Règne animal (Gallimard) ce vendredi 12 mai à la Médiathèque de Vichy, 106-100 rue du Maréchal Lyautey.
Voici une partie du menu de la soirée :
19 h - Spectacle-concert - « Voyage avec A.O. Barnabooth » par la Compagnie des Borborygmes. Duo musical autour des poésies de Valery Larbaud créé par Isabelle Grimbert (voix) et Ti-Yann Février (guitare électrique et saxophone)
« Prête-moi ton grand bruit, ta grande allure si douce, (…) O train de luxe ».
20h - Remise du Prix à Jean Baptiste Del Amo en présence des membres du jury :
Jean-Marie Laclavetine,, Jean Blot,
Georges-Emmanuel Clancier, Paule Constant, Laurence Cossé, Olivier Germain-Thomas, Christian Giudicelli, Roger GrenierMarc Kopylov, Thierry Laget, Isabelle Minard, Paule Moron, Laurence Plazenet et Bertrand Visage.
 La vente de livres sera assurée par les libraires vichyssois et les dédicaces par le lauréat du Prix et les membres du jury.
L'entrée est libre pour tous.

Le lauréat du prix Valery Larbaud 2017

mardi 9 mai 2017

De la météo dans l'histoire

Alain Corbin, Histoire buissonnière de la pluie,
Champs, 112 pages, 5 €
 
Du beau et du mauvais temps n'avons-nous pas une idée faussée par la météo quotidienne ? Et par notre désir de plages ou de terrasses ensoleillées ?
Ne sommes-nous pas trop accrochés aux prévisions du temps qu'il va faire ? Qui est prêt à entonner l'excellent refrain de Nougaro :

La pluie fait des claquettes
Sur le trottoir à minuit
Parfois, je m’y arrête,
Je l’admire, j’applaudis…


Les enfants peut-être, que l'on dit être moins perméables (ah ! monsieur le libraire, n'en jetez plus !) au temps qu'il fait sur nos têtes, dans les vignes et les champs. Ou bien les peintres qui savent bien que la pluie donne de l'éclat au paysage. Alors que le soleil, de son côté, l'accable.
Alain Corbin s'est penché sur la question et a placé la pluie dans une perspective historique, comme il avait traité déjà du silence, des odeurs, du ciel et de la mer ou de l'ombre, sujets un peu météorologiques eux aussi. Son étude montre l'évolution de nos perceptions des éléments.
Elle est trop brève pour ne pas appeler de suite, mais elle est de celles qui ouvre ces fameuses pistes auxquelles le libraire faisait allusion pas plus tard qu'hier.


lundi 8 mai 2017

Lacarrière : en marche !

Jacques Lacarrière, Chemin faisant,
La Table ronde, 347 pages, 8,70 €
Les ouvreurs n'existent pas seulement au rugby ou sur les pentes neigeuses.
En littérature et dans les arts aussi, il y en a. Jacques Lacarrière (1925-2005) en faisait partie. Aussi a-t-il été l'un des premiers poètes en marche. Pas avant Rimbaud, ni avant Breton (" Lâchez tout... partez sur les routes "), mais en même temps que Nicolas Bouvier et bien avant nombre de marcheurs qui s'avèrent être plutôt des... suiveurs.
Voilà, du reste, ce qu'il avait lui-même répondu à l'un de ses admirateurs lui disant qu'il ferait un jour comme lui  : " A tous ceux qui m'ont écrit ainsi et qui parfois me questionnaient sur leurs itinéraires, je n'avais et je n'ai toujours qu'une seule réponse : ne reprenez pas mes sentiers, ne reprenez pas les sentiers des autres, inventez vos propres chemins. Ils seront ainsi votre découverte, ils auront la saveur, le bonheur de ce qu'on a choisi. "
Voilà un fier et ferme propos qui plaît au libraire.
Dans Le Pays sous l'écorce, En cheminant avec Hérodote et L'Eté grec, Jacques Lacarrière a exploré divers pays. Il a également fait l'éloge des jardins, en avant coureur, là aussi. Mais c'est aujourd'hui Chemin faisant que reprend au format de poche La Petite vermillon de La Table Ronde. On y trouve le conseil que donnait Lacarrière à son jeune lecteur et diverses invitations à fréquenter les chemins de rêve.
Une carte est jointe à l'ouvrage, histoire de s'y retrouver un peu dans la géographie réelle.
Bonne route !
Lacarrière en marche

dimanche 7 mai 2017

Le jour de James Joyce


Saint-Gérand-le-Puy, capitale bourbonnaise d'un millier d'habitants, a accueilli James Joyce (1882-1941) entre ses murs pendant une année, du 24 décembre 1939 au 14 décembre 1940. Selon l'ami François Graveline, en son Auvergne des écrivains d'ailleurs (Page centrale), il n'est pas certain que ce séjour ait mis du baume au cœur de l'auteur d'Ulysse, qui devait décéder au mois de janvier suivant. " Malade, sa vue faiblissant de plus en plus, sans guère de ressources, Joyce s'ennuie, parcourt le village, les poches pleines de cailloux pour chasser les chiens,  s'enferme dans le mutisme dont il ne sort que lors des rares visites qu'il reçoit, comme celles de son secrétaire Samuel Beckett ", écrit François Graveline.
L'association James Joyce, sise en ce village, n'en organise pas moins depuis 2004 un " Jour d'Ulysse " destiné à mettre en lumière quelque aspect de l'œuvre et de la vie de Joyce. Cette année, c'est Portrait de l'artiste en jeune homme (1917) qui sera au cœur du Jour d'Ulysse, le samedi 24 juin 2017.
Les personnes intéressées peuvent obtenir des renseignements au 04 70 35 00 83.

James Joyce,
 Portrait de l'artiste en jeune homme, traduit
de l'anglais par Jacques Aubert, 420 pages,
9,80 €