samedi 8 juillet 2017

Des BD pour l'été

Quelques provisions légères
 
Guillaume Long, A boire et à manger,
Gallimard, 119 pages, 22,50

Gotlib, Hamster jovial et ses louveteaux,
Fluide glacial, 40 pages, 10,95 €

Loïc Clément, Bertrand Gatignol,
Le Voleur de souhaits, Delcourt, 10,95 €


Zidrou et Jordi Lafebre, Les Beaux étés 3,
Dargaud, 56 pages, 13,99 €


La Revue dessinée N° 16,
226 pages, 15 €


vendredi 7 juillet 2017

La montagne de Miguel Torga

Miguel Torga, Contes de la montagne,
traduit du portugais par Claire Cayron, Michel
Chandeigne, 382 pages, 22 €
Ce n'est pas de l'ennui que le grand Miguel Torga (1907-1995), poète, médecin et homme de lettres portugais, éprouvait pour les hommes et les paysages. Mais une infinie tendresse, et voici en quels termes il parlait au lecteur, en lui présentant ses " enfants de fiction ", exilés dans le monde, revenant dans le Portugal de ses rêves, les Trás-os-Montes :
" Poète et prosateur, c'est dans le texte imprimé que je cherche un apaisement à mes angoisses. Mais on ne peut tout imprimer. Au-delà du sonnet, du roman, fixés par la typographie, au fond de l'âme de l'artiste demeure sa condition d'homme collectif. Voilà pourquoi j'ai fait ici une promesse que je te confie : je suis sûr que bientôt, toi l'habitant des fertiles limons de la plaine, tu éprouveras de l'amour et de la compréhension pour tes frères de la Montagne. Sûr que tu iras un jour à la rencontre de l'aridité, de la tristesse de ces rochers, non pas en lecteur du pittoresque et de l'étrange, mais en créature sensible touchée par la magie de l'art et poussée par les impératifs de la vie. J'ai fait cette promesse en ton nom, c'est-à-dire au nom de la conscience collective. "
Les belles éditions Michel Chandeigne viennent en effet de rééditer en seul volume les Contes et les Nouveaux contes de la montagne, édités naguère chez José Corti. La traduction demeure celle de Claire Cayron, dont ce fut l'un des mérites de faire connaître Miguel Torga en langue française.





mercredi 5 juillet 2017

Un ennui chic

Bruce Chatwin, Utz, traduit de l'anglais par
Jacques Chabert, Grasset, Cahiers rouges,
126 pages, 7,50 €
Après le peintre David Hockney, un autre Britannique, romancier et marcheur, cette fois, a fréquenté Vichy.
" Les romans russes ou l'histoire d'amour de ses parents à  Marienbad, avaient convaincu Utz que dans une ville d'eaux l'inattendu se produisait, immanquablement.
Deux êtres solitaires, que des ennuis de santé ou les malheurs de l'existence avaient conduits là, se croisaient pendant leur promenade de l'après-midi. Leurs yeux se rencontraient au-dessus d'une plate-bande d'œillets municipaux. Mus par l'attirance naturelle des contraires, ils s'asseyaient sur le même banc de fonte et, mal à l'aise, échangeaient leurs premières phrases conventionnelles (" Venez-vous souvent à Vichy ? -- Non. C'est mon premier séjour. -- Moi également "). Une soirée enchanteresse se terminait dans l'une ou l'autre de leurs chambres.
La liaison s'achevait par des adieux déchirants ("Non, ma chérie, je vous en prie ne venez pas à la gare "). Ou bien, lorsque la séparation paraissait inévitable, ils prenaient la décision irrévocable qui les liait l'un à l'autre pour le reste de leur vie.
Utz était arrivé à Vichy avec cette idée romantique selon laquelle, s'il lui fallait prendre une résolution, il la prendrait. "
Utz est le personnage de Bruce Chatwin (1940-1989), gentleman marcheur, dont ce roman fut le dernier.Collectionneur d'art invétéré, Utz se lance à Prague sur les pas de l'empereur Rodolphe II, lui-même esthète, passionné d'objets exotiques.  
Les pages vichyssoises qui conduisent Utz de la rue Clémenceau aux rives de l'Allier et leurs restaurants, sont douce-amères, pour ne pas dire plus. De minimes erreurs topographiques jalonnent le récit, étrange et mélancolique, dans lequel passe l'étrange figure du golem.
" La journée, chaude et ensoleillée, lui permit de déjeuner dehors sur la terrasse, sous un auvent dont la toile ver et blanc claquait paresseusement au souffle de la brise. Devant chaque couvert, on avait disposé trois verres à vin. Il observa les peupliers qui formaient des Z sur la rivière et les hirondelles de rivage qui effleuraient la surface des eaux. Sur l'autre bord, des pêcheurs et leur famille avaient étalé leur pique nique sur l'herbe. "


Jeunes critiques littéraires

Le jour où le jury du prix Goupil 2017 a rendu son verdict.
 
 
Starpoint au poing !

mardi 4 juillet 2017

Théorie et pratique du baiser

Erwan Gabory, L'envol des baisers,
Christophe Lucquin, 212 pages, 10 €
Erwan Gabory s'est placé, lui, sous un signe ascendant. Le signe des baisers, les quatre saisons des baisers : baisers du printemps jusqu'aux baisers de l'hiver. Baiser qui démange et baiser sous le parapluie ; baiser fantôme et baiser éperdu. Le tout malicieux (comme le " baiser à lunettes "), enlevé  et parfaitement rythmé, comme " le baiser ", tout court, que voici :

Le baiser
Qui conjugue tous les sens à tous les temps. Aussi vrai qu'il faut deux baiseurs et deux baisers pour faire un baiser, dans la valse des cœurs, c'est le témoin à faire passer.

Ou le
Baiser perdu dans l'amour
Qui se parachute dans la valse des vagues. Il n'a aucun sens en lui-même, aucune signification.
Mais il donne un sens à l'ensemble. C'est une ponctuation.

Ou le
Baiser choc
Qui se tape les dents, le nez ou le front
Aïe ! Suivi d'un éclat de rire. Nouvel essai, plus prudent.
Succès. Sourires.

Le baiser savoureux
C'est un mets de délicatesses où chacun fait fondre son cristal de sel. Entre ses lèvres gourmandes, en papillotes ou écrasé sous la langue, il est inventif et se prépare sans recette (...)

Sans compter le baiser du cygne, celui du canard, le langoureux ni le baiser du réveillon. Enfin, mille variations et un dernier, pour la route, celui que le libraire a surnommé le baiser Amazone, vous comprendrez tout de suite pourquoi :

Le baiser vite expédié
Je ne l'ai pas reçu ! L'as-tu livré ?

Hélas, mille fois hélas ! Ce petit bijou est d'ailleurs...  épuisé chez son éditeur.
Il n'y a pas de justice.
L'auteur



Minute de mauvaise humeur du libraire (4)

Quand on lui parle aujourd'hui de la rentrée littéraire, le libraire est un peu grognon. D'abord parce que parler de rentrer quand on n'est pas encore sorti a quelque chose d'irritant.
Ensuite, parce que la presse promet au libraire une rentrée avec "des écrivains les pieds sur terre", dessinant le "roman du réel ", selon les mots de Livres Hebdo. Faits divers " qui ont marqué l'année dernière la une des journaux ", exofiction, c'est-à-dire récits inspirés de personnages réels, donneront la tendance.
N'est-ce pas là un peu " trop de réalité ", comme disait Annie Lebrun ?
La littérature doit-elle toujours raser le réel, épouser servilement le connu ?
Perdre tout recul par rapport à son temps, à ses questions, à ses duretés ? 
Oublier ce qui est en avant, ce qui soulève ? Négliger le signe ascendant comme disait André Breton, qui connut, lui aussi pourtant, une période historique plus que sombre -- catastrophique ?
La littérature ne doit-elle pas être " puissance de transformation " plutôt que reflet passif, consentant ?
Voilà les questions que se pose le libraire, convaincu qu'il saura trouver dans la production les ouvertures.
 


lundi 3 juillet 2017

Le prix Goupil 2017 est attribué

Marie-Lorna Vaconsin, Le Projet Starpoint,
La Belle Colère, 378 pages, 19 €
 
C'est finalement Le Projet Starpoint, de Marie-Lorna Vaconsin
qui a remporté les suffrages des jeunes critiques littéraires
du prix Goupil 2017.
L'histoire de Pythagore (" Pyth ", pour les intimes)
 quinze ans, futur élève de seconde, se passe entièrement
au-delà du miroir :
" Louise et Pyth se faufilent dans l'un des habitacles ;
leurs reflets les entourent de toutes parts -- celui 
de Louise, hirsute, chargé de son énorme sac, celui de Pythagore,
toujours en manteau de géographe, non moins hirsute,
avec l'air de s'être pris un ouragan dans la figure.
Ils boivent chacun une fiole de concentré.
Les peptines leur caressent l'esprit ; ils ont l'impression
de plonger dans un bain d'oxygène.
Portés par les notes aquatiques de la mélodie " Erivan ",
ils traversent une nouvelle fois l'angle mort. "
 
Marie-Lorna Vaconsin
 
 

dimanche 2 juillet 2017

Traces écrites

Rudyard Kipling, Mes petits chéris,
Lettres choisies,  présentées et traduites
de l'anglais par Thierry Gillyboeuf,
Arléa, 107 pages, 17 €
" Mon cher John,
Je suis très content d'apprendre par Mrs Clarke que tu sembles t'être comporté convenablement, mais je n'ai pas une haute estime des cartes postales que tu envoies. Elles sont brèves et petites. Qu'à cela ne tienne, dans quelques jours je pourrai avoir de tes nouvelles de vive voix.
Désolé pour le temps. Il a fait très moche aussi dans notre partie du monde et quand nous sommes partis de Durham mardi après-midi, le temps était Inhabituellement Exécrable. Hier, la journée a été sombre venteuse et chaude. Nous avons gagné Oxford par un train matinal qui est arrivé ici à 10h30. Sur le quai m'attendait un homme avec ma toge écarlate et grise. Elle ressemble beaucoup à un perroquet africain. "
A côté des vraies lettres comme celle que l'on vient de lire et que  Rudyard Kipling adressait à sa petite famille, on pourra lire les lettres fictives qu'Arlette Farge a réunies dans Il me faut te dire. Comme celle-ci, que l'historienne destine,  par delà les siècles, à un certain Barnabé ; elle commence ainsi :
" Cher Barnabé,
Je me souviens de vous avoir rencontré il y a un an dans les archives de police du XVIIIe siècle. Vous n'êtes plus sur terre depuis bien longtemps, pourtant comme d'autres, vous m'êtes compagnon. "
Les autres missives sont adressées à des contemporains qui, comme Barnabé, sont des héros minuscules mais soulèvent la réflexion d'actualité et l'émotion dans " un faisceau de lumière " : " traces, souvenirs, photos en train d'appartenir à l'histoire. "


Arlette Farge, Il me faut te dire,
Le Sonneur, 80 pages, 10 €