vendredi 16 décembre 2016

Paris, un songe ?

Nicolas d'Estienne d'Orves, Paris n'est qu'un songe,
94 pages, 12 €
Paris n'est qu'un songe, affirme Nicolas d'Estienne d'Orves (après Raymond Queneau) dans sa récente fable dont le protagoniste, Sylvain Chauvier, a le don de remonter le temps. Comme les personnages de Wells et celui, moins connu mais tout aussi passionnant, de George du Maurier, Peter Ibbetson.
Mais à quoi croyez-vous que ce Chauvier, Sylvain de son prénom, ait décidé de consacrer son énergie rétrospective ? Pas seulement à rêver d'amour comme le bouleversant Peter Ibbetson  (traduit en français par Raymond Queneau !). Mais à corriger activement les verrues, les ratés, les erreurs architecturales qu'il rencontre au cours de ses promenades à travers la capitale. 
" Adieu Jussieu ! Adieu Front de Seine ! Adieu Beaubourg ! ", s'exclame le vengeur, qui se vante d'avoir épargné aux Parisiens d'aujourd'hui le Palais des Congrès, la Grande Arche, l'Opéra-Bastille : " Oh la prodigieuse volupté de flâner dans Paris en sachant tout se que cette ville me doit ! se rengorge-t-il. La joie d'arpenter Belleville, Ménilmontant, la Butte aux Cailles.... "
Et puis, un jour où il avait remonté le temps jusqu'en 1900,  Chauvier résolut de passer à l'action dans le métro... Le libraire n'en dira pas plus.
Parmi les nombreux écrivains de Paris, il en est un, bien oublié aujourd'hui : Jules Romains, dont le nom rappelle surtout Les Copains et Knock, bien entendu. Pourtant, son chef-d'œuvre, Les Hommes de bonne volonté (en 27 volumes !) comporte de nombreuses pages remarquables consacrées à Paris, dont il semble avoir connu chaque morceau de trottoir, chaque couleur de nuage, chaque inclinaison des buttes. Hélas, c'est un livre actuellement indisponible.
Le lecteur pourra, en revanche, lire Puissances de Paris, beaucoup plus bref mais présentant un aperçu de l'art parisien de l'Auvergnat Louis Farigoule, dit Jules Romains.


Jules Romains, Puissances de Paris,
L'Imaginaire, 144 pages, 7 €



jeudi 15 décembre 2016

Les premiers rendez-vous A la Page en 2017

Marie-Hélène Lafon
 
sera de retour A la Page
le 9 février prochain
tandis que Frédéric Forte


sera l'invité de la Semaine de la poésie
au mois de mars 2017.
A noter sur vos tous nouveaux calendriers.

mercredi 14 décembre 2016

Luxe de couleurs

Jean-Philippe Lenclos, Dominique Lenclos,
Couleurs de la Méditerranée, Le Moniteur, 264 pages, 45 €
Après Couleurs de la France (1982), Couleurs de l'Europe (1995) et Couleurs du monde (1999) Jean-Philippe et Dominique Lenclos étendent leur palette à la Méditerranée. Leur regard, appliqué à la Grèce, à l'Italie, au Maroc et à bien d'autres contrées du bassin méditerranéen, est à la fois sensible et raisonné. Il permet de dégager le rôle que jouent les couleurs dans la géographie, tant dans les paysages naturels (ou ce qu'il en reste) que dans les constructions humaines champêtres -- verna-
culaires pour être plus précis. Passant sans cesse de l'habitat au site d'où sont tirées les matériaux et les couleurs des édifices, les auteurs se proposent de comprendre comment opère sur nous une grande partie du charme des petites cités. Comment agissent sur nos perceptions les volumes et les proportions des bâtiments ; les contrastes des tonalités ; les rythmes créés par les lignes droites, les courbes, les ornements, suscitant des jeux d'ombre et de lumière. Il ne s'agit pas de tuer la spontanéité du regard, mais de l'approfondir, au-delà de l'œil touristique étourdi et pressé. Et peut-être même de l'œil architecte guère moins étourdi et pressé... C'est dire l'intérêt de l'ouvrage !
De son côté, Michel Pastoureau continue ses histoires monochromes. Après Bleu. Histoire d'une couleur (2000), Noir. Histoire d'une couleur (2008) et Vert. Histoire d'une couleur, voici Rouge. Histoire d'une couleur. Limitée à l'Europe, cette longue histoire du rouge, de ses symboles, de ses correspondances psychologiques et culturelles, depuis les origines jusqu'au temps présent, est aussi riche et parlante que les précédents volumes. Le rouge y est vu dans la vie matérielle, parmi toutes les couches de la société, dans sa dimension religieuse et profane autant qu'artistique. Longtemps couleur préférée (VIe-XIVe siècle), le rouge perd ensuite de sa superbe dans la critique protestante de son indécence et de sa théâtralité, avant de devenir, à partir de la Révolution, la couleur de la subversion. 


Michel Pastoureau. Rouge. Histoire d'une couleur,
Seuil, 216 pages, 39 €

lundi 12 décembre 2016

Vive Dada !

Kurt Schwitters et Käte Steinitz, Les Contes du paradis,
traduit de l'allemand par Lucie Taïeb, Ypsilon, 38 pages, 20 €
Ma parole, le libraire aggrave son cas. Le voici maintenant qui passe du Cantique des cantiques à... Dada, mouvement artistique scandaleux, s'il en fut.
Les Contes du paradis ne sont, certes pas, une œuvre mystique. Ils furent rédigés en 1924 par Kurt Schwitters (1887-1948) et illustrés par Käte Steinitz (1889-1995) : " Tandis qu'il écrivait et lisait l'histoire à haute voix,
elle dessinait elle-même au fur à mesure,
à main levée ". Plus loin, Käte Steinmitz  évoque " son style, libéré de toute rigueur académique, qui par là même séduisait Schwitters : l'imprécision des contours, le non-respect des règles de la perspective lui permettait de rendre compte de toute la spontanéité de l'histoire ",
De cette collaboration naquit ce conte dadaïste pour les enfants dans lequel les événements absurdes s'enchaînent dans un parfait naturel, comparable à l'atmosphère des rêves. Les personnages volent, c'est normal. Les lions mangent des abricots, quoi d'étonnant, les fleurs se changent en vaches ou le contraire, et alors ? " Dans les merveilles tout est merveilleux " résume Schwitters. Ce n'est pas le libraire qui le contredira.
Les Contes du paradis sont remarquables par la place qu'y occupe la typographie, ce qui a visiblement séduit son actuel éditeur. L'on se souvient que les dadaïstes se firent une joie d'associer librement entre elles les casses de lettres et d'en faire des œuvres d'art abstraites. Schwitters ne rechigna pas à la tâche. Le fait que l'album soit entièrement conçu en noir et blanc risque de dépayser dans un moment où la couleur règne sans partage. En même temps, ce silence coloré permet une meilleure concentration sur le texte des contes.
Emporté par son élan, le libraire signale la reparution bienvenue des mémoires de Georges Ribemont-Dessaignes, dadaïste pur jus et quelque peu négligé. Déjà jadis est le titre (splendide dans sa concision) de cette fresque sans concessions, qui permet de renouer avec ce que la première moitié du vingtième siècle produisit d'artistes importants. Sans concessions, mais animée d'un grand amour de la vie, ce qui n'est pas une denrée si abondante.

Georges Ribemont-Dessaignes, Déjà jadis
ou du mouvement dada à l'espace abstrait,
Les Belles Lettres, 254 pages, 14,90 €

Traduire le Chant : deux gouttes d'érudition

Le Cantique des cantiques. Sept lectures poétiques :
hébreu, grec, latin, quatre traductions en langue
française, Diane de Selliers, 208 pages, 29 €
Passer de la bande dessinée au grand poème biblique qu'est le Cantique des cantiques, le Chant des chants, monsieur le libraire vous faites preuve d'un redoutable éclectisme.
Tentons, quand même.
Les éditions Diane de Selliers proposent
la lecture de quatre versions différentes de ce texte brûlant d'amour charnel et mystique à la fois qui appartient aux " écrits " (avec les Psaumes, les Proverbes, l'Ecclésiaste, le Livre de Job, c'est-à-dire les textes les plus
" littéraires " de la Bible).
A telle enseigne, précise Marc-Alain Ouaknin, que " certains ont vu dans le Cantique un chant nuptial, d'autres une pièce de théâtre, d'autres les rêveries d'une promenade solitaire ou encore un concours de poésie ".
On comprend dès lors combien était délicat l'établissement d'une traduction française et combien impossible sa fixation une et définitive. On voit quels enjeux soulevait et soulève encore un texte inséré dans la Bible qui ne mentionne jamais Dieu et peut donc se lire comme un écrit profane.
La juxtaposition sur une même page de quatre traductions historiques (Bible de Jérusalem, Bible Segond, Bible de Zadoc Kahn et Bible Chouraqui), avec en regard les textes antiques (Hebraïca, Septante, Néo-Vulgate) est chargée de surprises. Elle illustre par l'exemple les choix que doit faire le traducteur (ou doivent faire les traducteurs) à partir d'un seul mot pris dans un lexique apparemment " simple ". Ainsi, pour ne donner qu'un exemple parmi beaucoup d'autres possibles, le mot pardès, rendu par " verger ", "paradis ", "jardin ", " jardin de délices ", " jardin de plaisance " ou " parc " par les différents traducteurs au fil des siècles.  Et faudra-t-il parler des " jambes " de la bien-aimée, de ses " cuisses " ou de ses "jarrets " ? Et mille nuances qui ont leur poids
Après cette " mise en éclats " du texte, le libraire conseille une lecture, ou relecture, suivie de l'œuvre que l'édition érudite de Diane de Selliers rend aussi possible. 

Le Cantique des cantiques, vu par Marc Chagall

dimanche 11 décembre 2016

Samedi BD (20)

Lors de son vingtième SAMEDI BD,
Géraldine a choisi ces cinq albums,
parmi lesquels trois sont des adaptations
(d'un roman : Franck Thilliez ; de contes : Quiroga,
 et d'une pièce de théâtre : Michalik).
Nous vous souhaitons un bon dimanche !
 
Mig et Franck Thilliez, Puzzle, Ankama,
216 pages, 19,60 €

Horacio Quiroga, Lautaro Ortiz,
Lucas Nine, Les Contes du suicidé,
Warum, 128 pages, 18 €
 
Daniel Clowes, Patience, Cornélius,
182 pages, 30,50 €


Christophe Gaultier, Alexis Michalik,
Le Porteur d'histoire, Les Arènes, 120 pages, 21,90 €

Lolita Séchan, Les Brumes de Sapa, Delcourt,
23,95 €