samedi 27 mai 2017

Perec dans la Pléiade

L'album Perec, offert par la librairie pour
l'achat de trois volumes
Cette année, à l'occasion de la parution de deux volumes de ses œuvres dans la Pléiade, l'album de la Pléiade est consacré à Georges Perec. Voici comment son auteur, Claude Burgelin, le présente :

« Un Album Georges Perec est un album singulier, tant la rencontre avec le monde des illustrations, des dessins, des tracés, des photos a été essentielle pour lui. " Regarde de tous tes yeux, regarde " nous disent Jules Verne et Perec réunis à l’ouverture de La Vie mode d’emploi. Alors, lecteur, regarde, laisse ton œil errer. Cet album fait défiler toutes sortes d’images de celui qui a dit, reprenant des mots d’Henri Michaux, " j’écris pour me parcourir ". Sa trajectoire de vie et son programme d’écriture se superposent. Il est passionnant de s’y laisser conduire, au gré des mots de Perec, des photos qui lui ont servi d’ancrage, des représentations qu’il a privilégiées. Son univers est un imagier dont on a cherché à présenter la diversité et la richesse.
D’abord en se laissant capter par la diversité des expressions de cet homme tant de fois photographié, filmé, représenté : sans barbe, avec barbe, parfois grave, plus souvent rayonnant, en contact avec qui l’observe par une malice ou un sourire dans les yeux. Perec aimait être entouré. D’où la présence des visages de celles et ceux avec lesquels sa vie s’est entrecroisée : les amitiés essentielles de sa jeunesse, la confrérie des Oulipiens, les cinéastes avec lesquels il a travaillé…
Ses premières années furent sous le signe de la perte : de ses parents, de leur souvenir, de sa propre mémoire. Cela l’a rendu un interrogateur obstiné des traces, des signes, de tout ce qui, sous nos yeux, subsiste et rappelle. De Belleville au Vercors, de Paris à New York, les lieux ont nourri son imaginaire, propulsé sa réflexion, édifié sa mémoire. Une part de son œuvre est le " journal " intermittent d’un "usager de l’espace", questionnant nos murs et nos mœurs, incitant à percevoir autrement ce qui donne forme à notre vie quotidienne.
Un parcours dans les paysages, pages et parages de Perec, c’est un trajet plein d’inattendus, de clins d’œil facétieux, de règles de jeu et de façons de leur échapper, d’énigmes diversement déchiffrables – le tout inextricablement mêlé aux souvenirs des tragédies originelles. De cette constellation de signes aux lumières divergentes, d’étoilements qui se relaient, de tonalités multiples, cet album a essayé de rendre compte. »

Georges Pérec, Œuvres I et II,
sous coffret. Prix de lancement : 110 € 

vendredi 26 mai 2017

Jacques Prévert reverdit

René Bertelé, Jacques Prévert, Editer Prévert,
Gallimard, 524 pages, 32 €
Tous le connaissent par ses mises en chanson ; beaucoup le connaissent pour ses poèmes. Même les lycéens !
Mais Jacques Prévert n'est certainement pas connu d'un large public pour cette facette de son œuvre : les collages. La technique en paraît simple : premièrement, se munir d'une paire de ciseaux, d'un lot d'images existantes (cartes postales, extraits de journaux ou revues, etc.), d'un pot de colle et d'un pinceau ; deuxièmement, rassembler le tout en une nouvelle image imprévue, drôle, irrévérencieuse. Les cubistes pratiquèrent l'exercice (quoique sans beaucoup de drôlerie), les surréalistes aussi (notamment Max Ernst et sa Femme 100 têtes, récemment republié. Et Jacques Prévert. Certains de ses recueils de poèmes (Fatras, Imaginaires) en sont du reste illustrés. D'autres, nombreux, furent adressés à ses amis.
" Il est clair, écrit à leur propos René Bertelé, qu'ils sont naturellement pour lui un moyen d'expression parmi d'autres. Et il est clair qu'ils expriment les mêmes thèmes que son œuvre écrite, qu'ils obéissent aux mêmes lois et aux mêmes intentions que ses poèmes. " Pourrait-on mieux dire ?
Paraît aujourd'hui ce fort volume consacré à la correspondance entre René Bertelet, ami et éditeur de Jacques Prévert, et le poète lui-même.
L'édition est parsemée de collages, dont beaucoup sont inédits. Jacques Prévert y revit. Il y reverdit.

jeudi 25 mai 2017

L'enfance fastueuse de Pierre Voélin

Pierre Voélin, De l'enfance éperdue,
Fata Morgana, 88 pages, 15 €
Certains livres nous mettent à l'abri, tandis que d'autres nous exposent, pour ne pas dire qu'ils nous explosent, à tous les vents du diable.
Les journées d'enfance de Pierre Voélin, magistrales, vous mettent à l'abri du temps. Elles sont superbement éclairées du dedans, de l'extérieur par les premiers longs soleils de la vie (ils reviennent, intouchés, pendant sept ou huit années).
Suite d'impressions, suite de jeux autour d'une ferme, sur les foins glissants, dans la grange, près des chevaux qui " raclent le pavé avec leurs fers " : et subitement, vous entendez ce son : il est distinct ; comme si vous entendiez le poids de l'animal au bout de son sabot ferré.
Vous êtes maintenant autour de la table familiale ; les repas s'éternisent ; les coups de pied sous la table servent à tromper l'ennui et à se mesurer aussi. C'est l'été.
Viennent les périodes neigeuses. Trop, parfois. Des animaux meurent. Et l'enfant prend conscience de ce qui signifient les pattes toutes raidies, un ventre inerte. Le fermier devra prévenir l'équarisseur.
Il y a là, d'une saison à l'autre, une grande vérité de la sensation et du souvenir. Pierre Voélin a ressenti profondément la continuité de l'être à travers ses métamorphoses. On lui sait gré de nous soustraire au temps des journaux, des écrans, des dix mille machines.
Le libraire vous le dit :pas de doute,  la poésie, qui n'est autre que l'intensité ressentie de la vie, ça vaut la 3 D !
Pierre Voélin est né en Suisse en 1949. Il a passé son enfance et son adolescence à Porrentruy, petite ville du Jura suisse. Il est professeur de lettres à Fribourg et vit à Nyon (canton de Vaud).
Gravure de Gérard Titus-Carmel
accompagnant le tirage de tête

mercredi 24 mai 2017

Les lieux en mouvement

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On les appelle parfois des "images-constats " : ce sont les photographies (parfois des cartes postales) d'un même lieu prises à différentes époques et mises côte à côte.
Elles servent souvent à alimenter la nostalgie des plus âgés et représentent généralement des vues de villes ou de villages. La place de l'église hier et aujourd'hui ; un bistrot et l'immeuble qui l'a remplacé ; le kiosque avant la guerre et maintenant. L'arbre n'est plus là ; la façade est désormais en pierres apparentes ; l'enseigne, en revanche,
est restée en place... Mais les mutations, les nettoyages sont parfois si violents que le lieu est devenu en peu de temps méconnaissable.
Les banlieues sont peut-être les plus sujettes à des métamorphoses rapides :
il ne s'y trouvait pas de monument que l'on puisse rentabiliser par des visites nombreuses ; aucun symbole illustre ne s'y rapportait : l'état d'abandon était avancé. Le photographe Raymond Depardon a publié de nombreux clichés de ces zones de France, non sanctuarisées et, pour tout dire, méprisées pour cause de non pittoresque. Et les sites trop pittoresques ne sont-ils pas menacés d'autre façon ? Par le tourisme, la muséification ? D'un côté, un mouvement incessant du paysage ; de l'autre, son immobilisation factice. Même les rues piétonnes ont leur part de responsabilité dans la banalisation des ambiances quotidiennes.
Ce sont les questions que soulèvent et illustre le livre de François Letourneux, agronome et forestier, et que préface Gilles Clément. Les images-constats qu'il commente ne concernent  pas uniquement les " paysages urbains ". Les espaces champêtres, boisés ou en friche, y sont également représentés, esquissant une vue générale de nos géographies. Et ce n'est pas l'aspect le moins passionnant de l'ouvrage, pour attester l'évolution des paysages, plus ou moins contrôlée, plus ou moins "pacifiée ", pour reprendre une expression de l'auteur.
 

mardi 23 mai 2017

Anna Gavalda veut fendre l'armure

Anna Gavalda, Fendre l'armure,
Le Dilettante, 288 pages, 17
Le libraire a reçu le message suivant de la part d'Anna Gavalda qui publie ces jours-ci Fendre l'armure :
" On me demande d'écrire quelques mots pour présenter mon nouveau livre aux libraires et aux critiques et, comme à chaque fois, ce sont ces quelques mots qui sont les plus difficiles à trouver. Je pourrais dire que c'est un recueil de nouvelles,     que ce sont des histoires, qu'il y en a sept en tout et qu'elles commencent toutes à la première personne du singulier       mais je ne le vois pas ainsi. Pour moi, ce ne sont pas des histoires et encore moins des personnages, ce sont des gens.    De vrais gens. Pardon, de vraies gens.  C'est une faute que j'avais laissée dans mon manuscrit, "la vraie vie des  vrais gens", avant que Camille Cazaubon, la fée du Dilettante,         ne me corrige : l'adjectif placé immédiatement avant               ce nom se met au féminin. Quelles gens ? Certaines gens.      De bonnes gens. Cette règle apprise, je suis allée rechercher tous mes "gens" pour vérifier que tous s'accordaient bien          et j'ai réalisé que c'était l'un des mots qui comptait                     le plus grand nombre d’occurrences. Il y a beaucoup              de "gens" dans ce nouveau livre qui ne parle que de solitude.   Il y a Ludmila, il y a Paul, il y a Jean (!) et les autres           n'ont pas de nom. Ils disent simplement "je". Presque tous parlent dans la nuit, pendant la nuit, et à un moment                de leur vie où ils ne différencient plus très bien la                   nuit du jour justement. Ils parlent pour essayer d'y               voir clair, ils se dévoilent, ils se confient, ils fendent l'armure. Tous n'y parviennent pas mais de les regarder essayer,         déjà, cela m'a émue. C'est prétentieux de parler de ses propres personnages en avouant qu'ils vous ont émue mais je vous le répète : pour moi ce sont pas des personnages, ce sont des gens, de réelles gens,  de nouvelles gens et c'est eux que je vous confie aujourd'hui. "
                                                                                                                                    Anna Gavalda

Et, puis, pas même sorti du mois de mai, le libraire reçoit de toutes parts, du nord et du sud, de l'est et de l'ouest, les annonces des parutions de... la rentrée.
Calme ! a-t-il envie de dire à la bête : calme !

 
 

lundi 22 mai 2017

Simeon Pease Cheney (2)

Chose promise, chose due : voici, grâce à la Cornell University Library, à quoi ressemblaient les partitions que le révérend Cheney notait à partir des chants des oiseaux de sa région.
D'abord, sous forme manuscrite, de la propre main du maître. Puis, sous une forme imprimée, vous trouverez reproduites deux pages figurant dans son livre Wood Notes Wild, Notations of Bird Music (1892).
Touchant, non ? Dites au libraire qu'il n'est pas le seul à s'intéresser à ce genre de choses !






ccc

dimanche 21 mai 2017

Les oiseaux, Simeon Pease Cheney et Pascal Quignard

Simeon Pease Cheney,
La Musique des oiseaux, traduit de
l'américain par Pierre Viréo,
Librairie La Brèche éditions
Longtemps avant Maurice Ravel et Olivier Messiaen, quelque temps avant l'invention du magnétophone, le pasteur américain Simeon Pease Cheney (1823-1890), qui était professeur de chant, entreprit de transcrire les chants des oiseaux en notes de musique.
Oui, cet admirateur de Thoreau et de John Burroughs, autre ornithologue de passion, notait " les chants en clé de sol, sans barres de mesure (...)  avec des signes de phrasé  et d'attaque du son ", nous révèle Antoine Ouellete, que le libraire a déjà eu l'occasion de mentionner sur son blog.
Cheney notait aussi les bruits que font la pluie, les notes des grenouilles, la voix des chevaux au cours des vadrouilles qu'il se plaisait à faire dans les campagnes et les forêts de la Nouvelle-Angleterre. Ses portraits des oiseaux chanteurs furent publiés dans les revues de son temps et réunis, après sa mort,  par son fils, le poète John Vance Cheney.
Plusieurs pages de l'unique livre du pasteur Cheney furent traduits en français par Pierre Viréo il y a quelques années dans un petit ouvrage malheureusement indisponible actuellement et qui s'intitule : La Musique des oiseaux.
Simeon Pease Cheney (1823-1890)
en frontispice de son livre,
Wood Notes Wild, Notations of
Bird Music.
 
Le dernier livre de Pascal Quignard, Dans ce jardin qu'on aimait, s'appuie sur le pasteur Cheney, son amour du chant
et des oiseaux. Cette admiration, confie Quignard, " prit en moi la forme non pas d'un essai ni d'un roman mais d'une
suite de scènes amples, tristes, lentes à se mouvoir, polies, tranquilles, cérémonieuses, très proches des spectacles de nô du monde japonais d'autrefois. "
Demain, le libraire sera trop heureux de vous faire cadeau d'une page des chants d'oiseaux transcrits par Simeon Pease Cheney.



Pascal Quignard, Dans ce jardin qu'on aimait,
Grasset, 170 pages, 17,50 e