samedi 8 octobre 2016

Eric-Emmanuel Schmitt à Vichy

Eric-Emmanuel Schmitt,
L'Homme qui voyait à travers les nuages,
Albin Michel, 432 pages, 22 €
 
Invité vendredi soir par les amis du Petit théâtre impérial (www.sbsnews.fr)
à l'occasion de la parution de son dernier roman,
L'Homme qui voyait à travers les nuages  (Albin Michel),
Eric-Emmanuel Schmitt s'est rendu au n° 5, de la rue Sornin.
Le voici à bord du vaisseau A la Page, ce samedi matin,
juste avant l'apéritif de " SAMEDI BD "
 
 

vendredi 7 octobre 2016

Comment écrire les animaux ?

Ernest Thompson Seton, Lobo le loup,
traduit de l'anglais par Bertrand Fillaudeau,
José Corti, 240 pages, 21 €
Si la collection " Biophilia "des éditions José Corti a bien pour vocation de jeter des passerelles entre les conceptions scientifique et littéraire du vivant, alors le dernier livre de cette collection, Lobo le loup, illustre ce projet à la perfection.
Lobo le loup, qui parut en 1898 aux Etats-Unis, avait du reste suscité là-bas une longue querelle entre partisans et adversaires de son auteur, Ernest Thompson Seton (1860-1946), qui devint  un écrivain de la nature prolifique et contribua, en outre, au lancement du mouvement scout américain.

Au cœur de la controverse gisait la question, régulièrement soulevée, de l'anthropomorphisme des représentations animales dans la littérature.
Seton n'était pas le seul auteur visé (notamment par l'excellent naturaliste John Burroughs), mais ses histoires d'animaux, comme Feuille de chou, le lapin, ou Collier roux, la gélinotte mâle, donnaient l'impression d'annexer les animaux sauvages à la psychologie des êtres humains. Il leur accordait même la parole et le privilège de réfléchir !
Voici un exemple de l'approche et du style de Seton :
" J'ai vu Bingo [il s'agit d'un chien] s'approcher du poteau, le renifler, examiner le sol tout autour, puis grogner, la crinière hérissée  et les yeux brillants avant de le labourer, violemment et avec un air de mépris, de ses pattes de derrière, puis repartir très raide, jetant un coup d'œil en arrière de temps en temps. Ce qui, si l'on interprète la langue des chiens , correspondrait à :  ' Grtrrh ! ouaf ! un sale bâtard de Mc Carthy est venu dans le coin. Ouaf ! J'vais m'occuper d'lui cette nuit. Ouaf ! Ouaf ! D'autres fois, après ces préliminaires, il semblait profondément intéressé. Il paraissait s'interroger sur une trace de coyote qui allait et venait et se dire à lui-même, comme je l'ai appris par la suite :  ' Une trace de coyote descendant du nord. Il a dû sentir une vache morte. J'y pense, la vieille Brindle de Pollworth a fini par mourir. Cette hypothèse me semble la bonne. ' "

De fait, Seton s'avéra un fin observateur du monde animal et de la nature et non un faussaire, ou un sentimental, ignorant tout des vrais comportements des espèces sauvages, comme ses adversaires l'avaient insinué.
Tout à son amour des loups, en particulier, et des bêtes en général, il chercha à individualiser les vies de chacun d'entre eux. Des existences particulièrement touchantes car, écrit-il en soulignant ses mots, " la vie d'un animal sauvage a toujours une fin tragique ".

Son recueil animalier a trouvé un nouvel avocat en Bertrand Fillaudeau, auteur de la traduction et de la postface de l'ouvrage, qui souligne la pertinence renouvelée des thèmes d'Ernest Thompson Seton : " Sans nier la part de compétition qui existe dans la nature, Seton est l'un des premiers à mettre en avant l'aide mutuelle et la collaboration, volontaire ou non, entre certaines espèces (l'alerte du geai bleu servant aussi au lapin). Il constate aussi que la technologie menace non seulement de détruire les espèces naturelles mais aussi l'éthique. Pour retrouver une paix morale intérieure, l'homme civilisé ne doit ni oublier ses racines, ni s'en couper. "

Ernest Thompson Seton (1860-1946)

mercredi 5 octobre 2016

La géographie de Mathias Enard et celle de Christian Bobin

Mathias Enard, Dernière communication
à la société proustienne de Barcelone, Inculte,
120 pages, 14,90 €
Mathias Enard passe en revue ses géographies préférées dans un recueil de poèmes qui pourrait évoquer (comparaison n'est pas raison) les Proses du transsibérien de Cendrars. On y croise peut-être aussi les fantômes de Mac Orlan.
Son empan est large comme d'habitude : Beyrouth et Balkans, Russie, mer noire et Catalogne -- Barcelone du moins.
La coulée de ses vers est facile, directe :

Je cherche un cargo lituanien
Avec des Philippins buveurs de rhum
L'exotisme
Et une escale à Malte ou à La Canée
A Istanbul, allez, je ne suis pas chien...

Ça et là passe l'instantanéité des poèmes beat, leur décontraction affichée sur la route :
 
C'est trop calme
C'est la grève tous les deux jours les épiciers baissent
      leurs rideaux de fer
Il faut passer dessous pour acheter ses clopes dans le noir
 
Christian Bobin, lui, ne se sent pas l'âme d'un voyageur au long cours. C'est ce qu'il explique par une lettre à l'éditrice de L'Invention du voyage, un volume dans lequel Sylvain Tesson et Isabelle Autissier, parmi d'autres amoureux des grands espaces, rencontrent des adeptes du local et des petits rayons, comme Pierre Rahbi et Bobin, donc.
La confession de ce dernier ne manque pas de charme : " Je n'ai pas fait un seul pas depuis l'enfance, dit-il. Les fééries m'ont empêché d'aller plus loin. Ma rue natale s'appelait rue du 4 septembre. Je suis resté là, à cette enseigne (...) Ma rue était en pente (...) Je ne m'aventurais même pas à ses extrémités. Vingt mètres m'épuisaient et me comblaient (...) Je connais très bien l'alphabet des nuages, l'écriture des fissures sur les tablettes d'un trottoir. Je n'aime pas plus l'éloge des racines que celui des voyages. "
Ce long vers, cette ligne plutôt, dans un poème de Mathias Enard, devrait cependant lui plaire :

Mon pays est si petit que je peux tenir tous ses arbres au creux de ma main et les lancer -- on se battait avec ses châtaignes dans la cour de l'école.
Collectif, L'Invention du voyage, Le Passeur,
222 pages, 14,90 €

mardi 4 octobre 2016

Les malices de l'avocat

Emmanuel Pierrat, La Vie sexuelle des
aventuriers, éditions du Trésor, 158 pages, 16 €
Ils ou elles sont marins, pirates, demi-dieu, personnages de romans, de films ou de bandes dessinées, voyageuse au long cours. Ils se nomment Ulysse, Barberousse  et Anne Dieu-le-veut, Corto Maltese, James Bond ou Alexandra David-Neel -- que vient-elle faire dans cette galère qui tangue sec ?
D'abord on se dit que 158 pages pour relater la vie sexuelle des aventuriers représentent une bien petite somme. Mais on oublie très vite quelque idée de record que ce soit. On est immédiatement gagné par la malice de l'auteur, Emmanuel Pierrat qui, outre son métier d'avocat au Barreau de Paris, nourrit de longue date une passion pour les curiosa.

Marier ainsi, si l'on peut dire, les personnages de fiction et les personnages historiques est de peu conséquence sur la véracité des aventures qui nous sont contées. Entre l'auteur qui se prend pour Corto Maltese, le mâle séducteur, et Alexandra David-Neel, la jeune protégée de Reclus, adepte du voyeurisme, on ne se demande pas lequel est le plus vrai. On s'amuse des coquineries des uns et des autres ; on se laisse bercer par la révélation des délicieux tourments que connut Ulysse à son mât (ah, les sirènes !) et l'on tremble de faire les mêmes cauchemars que Barberousse condamné au harem et au statut d'eunuque.
Essai ou récit érotique, le livre est publié par les éditions du Trésor qui viennent de faire paraître Comment voyager seule quand on est petite, blonde et aventureuse, de Kasta Estafieff.

Kasta Estafieff,  Comment voyager
seule quand on est petite, blonde et
aventureuse, éditions du Trésor,
224 pages, 17 €

lundi 3 octobre 2016

Poésie du vent et, en particulier, de l'écir



François Cassingena-Trévedy,
Cantique de l'infinistère,
Desclée de Brouwer, 176 pages, 16,90 €
" Les ouragans d'hiver s'appellent écirs ; et on leur a donné un nom particulier, parce qu'alors la terre étant couverte de neige, ils produisent sur cette neige un effet qu'il a fallu désigner par une dénomination quelconque. Un écir diffère des ouragans de certaines îles et de certains continents, en ce qu'il ne souffle point, comme eux, d'un point déterminé de l'horizon. Dans les montagnes d'Auvergne c'est un vent quelconque ; mais il ressemble à ceux-ci en ce qu'il a une violence affreuse, et que comme eux il souffle sans interruption, et avec la même impétuosité, pendant plusieurs jours. Partout où il passe,
il chasse et balaie devant lui la neige. Celle dont
il dépouille en partie les champs et les montagnes,
il la porte dans les gorges, les ravins et les ruisseaux. Elle chemine, toujours poussée en avant, jusqu'à ce qu'elle trouve un abri derrière lequel elle s'arrête. Plus de chemins. Ce qui auparavant était creux devient de niveau avec la terre. M. Duvergier, prieur-curé de Sauzei-le-Froid, m'a dit que l'hiver dernier, sa cour, dont le mur a six ou sept pieds de haut, avait été tellement encombrée de neige, que pour aller à l'église, il avait passé par-dessus la muraille. "
Cette parfaite description de l'action du vent auvergnat est extraite du Voyage d'Auvergne, rapporté par Jean-Baptiste Le Grand d'Aussy en 1788.
Elle figure en note du Cantique de l'infinistère qui vient de paraître sous la plume de François Cassingena-Trévedy, aux éditions Desclée de Brouwer.
Si l'orthographe du village de Sauzei-le-Froid s'est légèrement transformée (elle est devenue Saulzet-le-Froid), l'indication climatique qu'elle contient reste intéressante.
Le village est beau et commande de magnifiques vues lorsqu'on se promène dans ses environs.
Quant au Voyage d'Auvergne, de Le Grand d'Aussy, tout le monde peut remarquer qu'il fut édité à Paris chez un certain Eugène... Onfroy.



dimanche 2 octobre 2016

Muriel Zürcher et son prix Goupil

Quand Muriel Zürcher la lauréate du Prix Goupil 2016,
pour Robin des Grafs (chez Thierry Magnier), rencontre les jeunes lecteurs du jury
(qu'elle en soit mille fois remerciée, parole de libraire) ...

... on fait vite connaissance avec son, ou ses, univers.
On découvre le plan d'un de ses livres. On apprend qu'il est long comme un jour sans pain,
mais... pas toujours respecté.
Il faut que vive l'imagination.
Elle nous révèle d'autres secrets pour faire vivre les
personnages, chanter les phrases, rythmer l'action.
Et l'humour n'est pas absent.

Ni même un  petit pas de danse...
  
D'ailleurs, l'après-midi en profite pour passer trop vite.
Il y a les questions, il y a les réponses, il y a la photo des participants, Muriel, Géraldine et les autres.
Il y a aussi les dédicaces, les dernières confidences, et le train impitoyable
(quoique invisible sur cette photo)
qui doit ramener Muriel chez elle, au bout de l'aventure.