samedi 14 février 2015

Un voyage au Japon

En matière de voyages, la nouveauté la plus voyante des derniers jours est peut-être celle du guide Michelin 2015.
Plus discrète est celle que publie la collection Babel du récit d'Antoine Piazza, Un Voyage au Japon.
Le Japon est une destination plutôt courante chez les écrivains-voyageurs, qu'ils entreprennent leur périple avec un vélo, comme ici, ou en auto-stop, ou en employant tout autre moyen de déplacement.
Surtout depuis que Nicolas Bouvier, impeccable, et intouchable en tous cas, a publié ses carnets.
Antoine Piazza n'était donc pas sans concurrence. Mais plutôt que de jeter sur le papier de simples notes, rapides comme les impressions du voyageur
et, quelquefois, trop rapides pour faire littérature, il a choisi de livrer un récit continu.
La force de frappe d'Antoine Piazza est le style. Celui que l'on trouve dans ses romans (Les Ronces ; La Route de Tassiga ; Le Chiffre des sœurs...) et  qu'il fait passer sans rupture dans cette forme d'expression. 
Pour Les Ronces, Antoine Piazza avait reçu le prix Emile Guillaumin 2006.

 
Antoine Piazza, Un Voyage au Japon
Actes Sud Babel, 166 pages; 6,80 €

vendredi 13 février 2015

Tracy Chevalier en poche

Tracy Chevalier,
La Dernière fugitive
 
Nous sommes au milieu du XIXe siècle. Deux jeunes anglaises, Honor et Grace, s'embarquent pour le Nouveau Monde. Grace doit rejoindre dans l'Ohio son fiancé, un quaker comme elle. Elle mourra lors de la traversée de l'Atlantique, mais sa sœur décidera de poursuivre seule le voyage.
Tracy Chevalier nous fait découvrir des Etats-Unis tout jeunes encore, un vaste territoire à l'occupation très espacée, une Amérique de villageois, de bûcherons, d'esclaves noirs et de ... chasseurs d'esclaves.
Malgré les risques encourus, Honor se conformera à l'éthique des quakers, opposés à l'esclavage. Elle connaîtra l'amitié d'autres femmes, un foyer pas très heureux. Surtout, elle se révélera un être splendidement doux et fort.
Tracy Chevalier s'est très précisément documentée pour nous léguer ce double portrait : d'une nation en construction et d'une femme tentant elle-même de se construire, aux prises avec son temps, ses sentiments et ses aspirations.
Le librairie se réjouit pour tous ceux qui ne l'ont pas encore lu. Les autres connaissent déjà leur chance.
Tracy Chevalier, La Dernière fugitive, roman traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Annick Neuhoff,
395 pages, 9 €

Tracy Chevalier

jeudi 12 février 2015

Samedi 14 février : c'est samedi BD

Des sièges, des tables et des bacs remplis de BD vous attendent dès 11h30 ce samedi 14 février.
Un apéritif aussi.
Et surtout, les coups de cœur de Géraldine. Une dizaine de titres soigneusement sélectionnés. Avec, peut-être, quelques coups de griffes, ici et là. Qui sait ?
Le monde des bulles, non plus, n'est pas universellement talentueux...
Comme mise en bouche, et hors sélection bien entendu, voici proposé par les éditions Shampooing (ça commence bien) le troisième volume du Guide du Mauvais Père par Guy Delisle.

On pourra dire que 190 pages pour épingler les maladresses paternelles, cela fait peu. Mais on rira sans arrière-pensées à voir ce papa d'aujourd'hui s'empêtrer dans ses réponses à sa fille ; s'enfoncer dans sa communication avec son fils ; vider le réfrigérateur de leurs boissons favorites comme le grand adolescent qu'il est ; briser en mille morceaux le cadeau d'anniversaire de l'un ; ruiner le moral de l'autre avant qu'elle entre à l'école.Tout un art.
Le libraire a bien rigolé. N'empêche vivement SAMEDI BD !
Extrait de Guy Delisle, Le Guide du Mauvais Père, 3
éditions Shampooing, 190 pages, 9,95 €


 

mercredi 11 février 2015

Les fables scientifiques de Jean Deutsch

Jean Deutsch,
Le corbeau qui tenait en son bec un outil
et autres histoires naturelles,
Seuil, Science ouverte, 218 pages, 18 €
Le livre de Jean Deutsch est conçu dans la lignée des écrits de popularisation qui se sont largement développés au XIXe siècle.
Ils sont informés des plus récentes données de la science et s'adressent à un public curieux, non spécialisé, dans un langage clair et attrayant.
Jean Deutsch, nouveau Buffon, nouveau Jean-Henry Fabre, consacre douze chapitres à des histoires naturelles décalées :  le poisson aveugle, l'araignée sauteuse, la souris à pattes blanches et tutti quanti, n'ont pas de mystère pour lui.
Ni, non plus, le corbeau, donc, un oiseau qui n'a rien d'un nigaud : celui qui habite la Nouvelle-Calédonie utilise des outils pour aller quérir les vers que son trop gros bec empêche d'approcher dans les trous des arbres. Il se saisit d'une brindille, en tord l'extrémité pour en faire un crochet. Le tour est joué.

Le librairie apprécie qu'on réhabilite ainsi les oiseaux.
Il signale, à ce propos, l'un des plus beaux livres parus ces dernières années :
Le Chant des oyseaulx,
 par Antoine Ouellette,
aux éditions Tryptique
(274 pages, 25 €).
Magnifique.


mardi 10 février 2015

Et toc !


" Depuis de trop longues minutes déjà, un prétentieux pérore devant vous et toute l’assemblée. Il a le don de gâcher votre soirée. Vous aimeriez que cela cesse, vous cherchez en vain le bon mot qui le remettrait à sa place et le ferait taire. Rien ne vient ; plus frustrant encore, la formule appropriée arrive trop tard. C’est que, avoir de la répartie, cela s’apprend ! Rien de tel que de s’inspirer du talent des autres pour clouer le bec à son adversaire. "
C'est à cette œuvre utile qu'est consacré ce petit manuel du savoir s'en sortir à son avantage en société.
Son auteur, Claude Clodong, a dressé la liste d'un certain nombre de situations profondément rasantes et compilé des réparties possibles.  Adolescents, professeurs,  dames et messieurs se voient ainsi proposer des répliques définitives face aux enquiquineurs, aux séducteurs (à la mie de pain), aux Narcisses et autres beaux parleurs prêts à gâcher soirées, sorties ou réunions de travail.
Face au bavard (à la bavarde), déclarez : Il y a toujours des gens qui trouvent à ne rien dire (Raymond Queneau).
 Face au vantard (à la vantarde), osez : L'an dernier, tu étais encore un peu prétentieux, mais cette année, tu es parfait(e).
Face au vieux grincheux ( à la vieille grincheuse) qui disait à Frank ZappaSi j'en juge par vos cheveux longs, vous êtes une fille, répondez superbement comme il le fit : Et si j'en juge par votre jambe de bois, vous êtes une table  !
Et ainsi de suite. C'est ravissant. 

Claude Colong, Et toc ! Le meilleur des réparties pour moucher les emmerdeurs, les cons, les prétentieux et autres ennuyeux, Mille et une nuits, 118 pages, 4 €



Frank Zappa

Diane Ducret



Comme le librairie l'indiquait dans son billet du 18 janvier dernier, Diane Ducret sera à Vichy ce vendredi 13 février à 16 heures, au Petit Théâtre impérial, pour répondre aux questions de Sylvain Beltran, à l'occasion de la publication de son dernier livre Chair interdite.

lundi 9 février 2015

Teodor le jardinier

En 1992, Teodor Cerić, étudiant en lettres, quitta son pays bombardé par l'armée serbe et vagabonda à travers l'Europe de l'Ouest. Il vécut de petits boulots, profitant des tuyaux qui lui étaient donnés ou consultant les annonces des journaux ou des commerçants pour trouver de l'embauche.
Trois ans plus tard, il rentra au pays et, en 1998, se retira non loin de Sarajevo, publiant chroniques et poèmes. Puis, il décida de se taire, jusqu'à ce que Marco Martella, son traducteur et lui-même passionné de jardins*, obtienne son accord (le lui arrache, plutôt) de publier en français Jardins en temps de guerre que voici.
Il s'agit de sept chapitres regroupant les souvenirs de jardinage de Teodor. Des jardins très différents entre eux : anglais, grecs, parisiens, italiens ; jardins de centre ville ou jardins de banlieue autour des maisons ; jardins raffinés  et jardins sauvages ; jardins ouverts et jardins clos – ceux qu'il préfère, sans doute.  Jardins dans lesquels il a travaillé non comme noble paysagiste, mais comme  désherbeur sans grade, comme poète " aux angles noirs de terre ".
De cette expérience et de celle du vaste monde, Teodor a conclu que le jardin est l'endroit où il se sent chez lui. Un espace que les guerres ont épargné. Un lieu de résistance, dont il écrit ceci : " Je le retrouve chaque matin, lorsque je sors de ma maison à l'aube et qu'immanquablement je m'arrête, ébahi devant tant de grâce qui apparaît pour moi, rien que pour moi, sortant des ténèbres. Je le regarde frémir comme une bête sauvage de la forêt qui, par je ne sais quel miracle, aurait consenti à se laisser domestiquer. "
Teodor est un jardinier de caractère. Mais existe-t-il vraiment ? Ne serait-il pas plutôt un jardinier de papier, le nom de guerre de son traducteur, comme Jorn de Précy, la précédente créature de Marco Martella ?


Teodor Cerić, Jardins en temps de guerre, récit traduit du serbo-croate par Marco MartellaActes Sud , collection " Un endroit où aller ", 152 pages, 16 €

* Marco Martella dirige la revue Jardins (éditions du Sandre).

dimanche 8 février 2015

Etty Hillesum


Pas plus tard que la semaine dernière, avec le groupe de lecture " Lions
nos pages " qui se réunit à la librairie*, nous parlions d'Etty Hillesum, cette jeune hollandaise, morte à Auschwitz en 1943 à l'âge de vingt-neuf ans.
Issue d'une famille juive lettrée, Etty Hillesum a laissé un journal d'une maturité intellectuelle et d'une ardeur spirituelle et charnelle bouleversante. D'une vigilance aigue, parfaitement consciente du sort qui l'attendait, elle a été assassinée dans le camp de concentration pour ne pas être séparée de ses parents.
Nous nous laissions aller à des comparaisons un peu hasardeuses (comme sont les comparaisons) avec Simone Weil, la philosophe : même surabondance de vie, même droiture, mêmes dispositions à la vie de l'esprit. On pourrait penser aussi à Milena, à Lou Andréa-Salomé.
Et puis,cette semaine, les éditions Presses de la Renaissance ont eu la bonne initiative de republier le roman d'Olympia Alberti : Etty Hillesum, l'amour dans l'âme. Après une longue méditation des écrits (journal et lettres) de la jeune hollandaise, Olympia Alberti a tenté de retrouver au plus profond d'elle-même l'esprit, l'âme incandescente d'Etty Hillesum et les pages manquantes de son journal.
Le roman est écrit à la première personne ; il incorpore des phrases écrites par Etty elle-même et doit permettre à un public plus large de faire connaissance avec une femme remarquable, sans rendre superflue la lecture directe du journal et des lettres (ils sont disponibles en collection de poche). 

 
Etty Hillesum, Une vie bouleversée : journal 1941-1943, traduit du néerlandais par Philippe Noble. Point Seuil, 7,70 €
Olympia Alberti, Etty Hillesum, l'amour dans l'âme, Presses de la Renaissance, 250 pages, 19 €
 
* Le groupe de lecture " Lions nos pages " se réunit tous les derniers samedis de chaque mois à 14 heures. Tout le monde peut participer. Renseignements au 04 70 59 13 33.