vendredi 30 mars 2018

Le football comme métaphore de la librairie

Bernard Chambaz, Petite philosophie du ballon,
Champs essais, 172 pages, 8 €
" Rien ne m'est plus étranger et insupportable que le chauvinisme.
D'autant que le chauvinisme est une invention française, le soldat Chauvin, un grognard de fiction, ayant donné son nom de théâtre à une des pires manifestations de bêtise et d'étroitesse qui soient. Peu auparavant, Kant avait pourtant porté haut les couleurs et l'exigence d'un cosmopolitisme contemporain, indiquant le rôle fondamental d'étranger dans la construction du droit. Mieux encore, il pose que la communauté pratique du sentiment en est le fondement moral. A cette aune, rien de plus digne que d'être un citoyen du monde. "
Ceci étant dit, et bien dit, Bernard Chambaz peut se livrer avec joie à tous les déboulés, à tous les dribles, à toutes les feintes, à tous les plongeons qu'il veut balle au pied ou sur la tête. Le libraire l'avait connu amoureux de la petite reine, il le retrouve dingo du cuir dans ce livre paru de la bien nommée collection Champs. Comme il n'a pas oublié, lui non plus, le bruit tout à fait particulier que fait le ballon lorsqu'il tourne contre le filet au moment du but, ni la boue autour des crampons qui transforme par temps d'hiver vos pieds en raquettes, comme l'avait observé Montherlant déjà, ni la ballon qui tombe dans la propriété voisine après avoir franchi les barrières de protection, ni les petits ponts et les grands ponts construits par les artistes éphémères du foot sur la pelouse... eh bien le libraire s'est régalé.
Nous avons pour nous, signale pour sa part, Jean-Claude Michelena, la triplette Giraudoux, Camus et Pasolini du côté des intellectuels (ce qui ne fait pas des masses, finalement). Et surtout des millions de pratiquants depuis si longtemps énamourés.
La philosophie de ce jeu peut se ramener à ceci : " Le ' beau jeu ', offensif et spectaculaire (...) est, en effet, celui dans lequel l'équipe fonctionne comme un collectif solidaire, dans lequel chacun prend plaisir à jouer en fonction des autres et pour les autres.  Concrètement, cela signifie que, dans un match, le joueur qui reçoit le ballon ne doit jamais, en théorie,  se retrouver livré à lui-même (contraint, dès lors, de de débarrasser de la balle ou de mettre son équipe en danger en prenant un risque inutile). Il doit toujours, au contraire, voir se dessiner autour de lui  un champ de passes virtuelles (...)."
C'est exactement ce qui se passe sur la pelouse de la librairie indépendante, école de philosophie et de solidarité pratiques. Bonne fin de semaine pascale. 
Jean-Claude Michéa, Le Plus beau but était
une passe, Climats, 170 pages, 15 €

jeudi 29 mars 2018

De l'Amérique

Zane Grey, Les Cavaliers des canyons, traduit de
l'anglais (Etats-Unis) par Anne-Sylvie Homassel,
Le Sonneur, 495 pages, 24,50 €
Deux romans, actuellement sur l'étal du libraire, s'offrent à nous faire découvrir l'Ouest américain et les Américains eux-mêmes.
Zane Grey (1872-1939) est un polygraphe, auteur de plus de romans que son éditeur n'en pouvait publier, auteur de livres pour enfants, d'ouvrages sur la pêche et sur le baseball qu'il pratiqua. Il travailla un temps avec Hollywood, la grande usine à rêves de la côte pacifique, après avoir abandonné sa profession de dentiste qui l'ennuyait aussi profondément qu'une dent creuse. Il se livra sans répit aux plaisirs de l'imagination quoi galope dans le grand décor, la grande scènerie américaine. Cliquetis et martellements de sabots, poursuites effrénées, rochers en équilibre instable, armes à feu luisantes, histoires de vachers et selles de cuir : Zane Grey passe pour l'inventeur du roman-western. Ses livres se vendirent à des centaines de milliers d'exemplaires. On s'amusera à comparer ces immensités, ces solitudes et ces galops dans lesquels Grey épanche ses angoisses, aux jardins clos de l'Europe, à ses praels (prés) grands comme des mouchoirs de poche, à ses lacs pareils à des confettis.

Tout autre est le projet de Gertrud Stein (1874-1946), contemporaine de Zane Grey, mais dont l'écriture " moderniste " s'écarte largement de la sienne, moins en quête d'imagination que d'incantation. Comme ici :
" Ces quatre femmes avec leurs maris et leurs enfants  nés et à naître seront le sujet de l'histoire qui décrit l'ascension d'une famille. D'autres, personnes, d'autres dynasties, entreront dans leur vie au cours des années, les uns, de pauvres gens qui n'arrivèrent jamais à gagner leur pain, qui rêvèrent pendant que leurs voisins luttaient,  et qui sombrèrent enfin, eux et leurs enfants ; d'autres qui peinèrent tant et si bien que leurs enfants, grâce à eux, connurent la grandeur. Tous ces gens-là et tous leurs enfants nous aideront à retracer l'histoire et l'ascension de notre famille. ".
Américains d'Amérique retrace l'histoire de l'installation outre-atlantique de la famille Dehning, de la famille Hersland, de Wilkliam Beckling, Pat Moore, Arthur Keller, Jacques Flint. Gertude Stein reconstitue " leur vie intérieure, et son mouvement, et sa durée, et ses relations avec l'extérieur, avec les autres êtres, avec chaque autre être " dans un XIXe siècle aussi tournoyant que le style de l'auteur.
" Lentement, chaque moment de la vie d'un être vient s'incorporer dans l'histoire générale de tous les êtres. "
Ce pourrait être la morale d'un roman entêtant.

Gertrude Stein, Américains d'Amérique,
traduit de l'anglais (Etats-Unis) par la baronne
J. Seillère et Bernard Faÿ, Bartillat,
320 pages, 20 €



mercredi 28 mars 2018

Faire connaissance avec Michel Van Zeveren et la collection Pastel

Pastel fête ses années son trentième anniversaire.
Cela tombe à pic car Michel Van Zeveren a publié presque trente albums dans la célèbre collection des éditions Ecole des Loisirs. Citons Les Moa Moa, Mè keskeussè keu sa ?, Le Voleur de bisous ou Moi, Paprika !
Michel Van Zeveren recrute ses lecteurs parmi un public d'enfants de 3 à 8 ans.
" Les histoires, confie-t-il, ont quelque part la même fonction que les rêves : faire apparaître sous une autre forme des angoisses, des désirs et les mettre à distance pour les apprivoiser et nous laisser continuer notre chemin. " Et ceci : "
Avec le temps, je réalise que je cherche à concevoir mes histoires un peu comme un tour de magie, sans chercher pour autant à ce qu'il soit extraordinaire. Au contraire, au plus on s'y reconnaîtra, au plus elles seront ancrées dans le quotidien, au plus elles auront l'air accessibles, au mieux elles me conviendront. "
Pour faire meilleure connaissance avec l'univers de Michel Van Zeveren, son éditeur met gratuitement à votre disposition une plaquette  illustrée.
Chic ! Elle est disponible au rayon jeunesse de la librairie ou, même, sur le divan rouge.

lundi 26 mars 2018

Plaisirs des prés


Alain Corbin, La Fraîcheur de l'herbe. Histoire
d'une gamme d'émotions de l'Antiquité à nos
jours, Fayard, 239 pages, 19 €
Après une histoire de la pluie et une histoire du silence, Alain Corbin propose une histoire de l'herbe non moins reposante et inspirante :

" L'herbe est porteuse d'origine, elle semble garder la saveur des premiers temps du monde. Pour chaque individu qui a été, d'une manière ou d'une autre, en contact avec au cours de son enfance, elle est composante de la scène originelle. Yves Bonnefoy le ressent quand il la retrouve et s'écrie : " C'est mon ici, et même un ici sans le moindre ailleurs. " L'herbe est désirée par l'homme, incrustée dans sa mémoire. (... )
Au milieu du XIXe siècle, Henry David Thoreau dit la sympathie que lui inspirent les hautes herbes qui poussent en lisière des cultures, sur des sols arides et négligés et que dédaignent les fermiers. Elles poussent en touffes de deux pieds de haut sur un de large. L'agriculteur ne condescendra pas à venir faucher ces herbes sauvages. " Mais moi, écrit Thoreau, je me promène hardiment entre les touffes d'herbes (...), heureux de reconnaître ces contemporaines dans leur simplicité. (...)
René Char remonte plus en amont, jusqu'aux sources de la vie : ' A en croire le sous-sol de l'herbe où chantait un couple de grillons cette nuit, la vie prénatale devait être très douce. ' "

                                                                   Alain Corbin,
                                                      La Fraîcheur de l'herbe.
 
 
 

Les souvenirs de Frédéric Jacques Temple

Frédéric Jacques Temple,
Divagabondages,
Actes Sud, 380 pages, 23 €
De tout un peu, c'est ce que l'on trouvera dans ce recueil de notes et articles de Frédéric-Jacques Temple. Des nombreuses rencontres littéraires, amicales et artistiques de toute une vie sont nés ces souvenirs confiés aux journaux et aux revues au fil du temps.
Le libraire y a retrouvé avec plaisir Jean Le Mauve, qui fut un de ces libres éditeurs artisanaux dont la profession s'honore et dont le nom est resté secret ; Max Rouquette, un classique moderne de la langue d'oc, resté inaperçu sur les rives de la Seine ; Paul Gilson, l'homme du rêve et du merveilleux ; Jean Galmot, le monpaziérois qui inspira Cendrars ; Blaise Cendrars lui-même ; et, dans le désordre, Lucien Clergue, Rémy de Gourmont, Henry Miller, Albertine Sarrazin. Et Valery Larbaud séjournant à Montpellier, la ville de Temple en Septimanie, où le jardin de la gare, nous rappelle l'auteur, abrite une stèle en l'honneur d'Amants, heureux amants.
La phrase suivante y est inscrite : " Il n'est pas grand, ce jardin, mais il est beau comme ceux de l'Asie Mineure... "
Valery Larbaud, Amants, heureux amants,
L'Imaginaire, 266 pages, 9 €



dimanche 25 mars 2018

Bérengère Cournut à Vichy (2)

Bérengère Cournut, lauréate du prix des Lecteurs A la Page
parmi les lecteurs un vendredi 23 mars de l'année 2018