samedi 30 juillet 2016

Je crois aux livres...

Jean Starobinski, La Beauté du monde,
Quarto, Gallimard, 1342 pages, 30 €
Voici quelques réponses données par le critique et essayiste Jean Starobinski (dont Quarto vient de publier La Beauté du monde, un fort volume d'essais) à un questionnaire relatif à ses raisons d'écrire :

Ecrivez-vous : Pour tenter de résoudre des problèmes personnels ? Pour établir un contact avec autrui ? Pour le plaisir d'inventer d'autres univers ? Pour cerner la réalité de plus près ? Contre quelqu'un ? Contre quelque chose ?
Contre l'obscurité, la confusion, l'oubli, la mort ? Pour mieux comprendre et faire mieux comprendre

Dans quelle mesure vos livres sont-ils autobiographiques ?
Dans la mesure où celui qui s'oublie le plus complètement ne peut éviter de se trahir, de se manifester...
 
Vous considérez-vous comme un " écrivain " ou comme un " écrivant " ?
Je ne veux rien m'interdire. La poésie et les " idées " ne s'excluent pas.

Croyez-vous aux livres ? (Sinon, pourquoi écrivez-vous alors ?)
Je crois aux livres comme je crois aux maisons et aux arbres.

En 1920, la revue La Révolution surréaliste avait posé la même question à ses contemporains. Parmi les réponses les plus brèves, ces deux-là :

Max Jacob : Pour mieux écrire !
Blaise Cendrars : Parce que.
L'enquête de la Révolution surréaliste

vendredi 29 juillet 2016

Nostalgie des sciences

Georges Colomb, La Classe de sciences,
Armand Colin, 264 pages, 12,90 €
La nostalgie a de beaux jours devant elle.
Ainsi pense, du moins, le monde de l'édition. De plus en plus nombreuses sont les rééditions en facsimile des bons vieux ouvrages du bon vieux temps, jouant sur la corde sensible du lecteur.

La géographie et l'histoire sont particulièrement sujettes à ces remémorations. Mais ici, c'est un  manuel de sciences naturelles que reprennent à l'identique les éditions Armand Colin, leur premier éditeur en 1925.
Illustré de vignettes pédagogiques à la manière des meilleurs graveurs du XIXe siècle, ou des images d'Epinal, il est l'œuvre de Georges Colomb  (1856-1945), dont le nom est parfaitement oublié. Mais peut-être pas son pseudonyme : Christophe (pas le chanteur), l'auteur du Facteur Camembert, de L'Idée fixe du savant Cosinus et des Malices de Plick et Plock.
Ouvrage caractéristique de l'esprit de la IIIe République et d'une " science vertueuse ",
La Classe des sciences frappe par la simplicité de son organisation visuelle et textuelle destinées à développer le sens de l'observation des enfants. Les animaux des campagnes posent gentiment côte à côte sur les planches en pleine page. Les fossiles font de même. Sans omettre les plantes et leurs racines.
A propos de plantes, L'Atlas de poche des plantes des champs, des prairies et des bois à l'usage des promeneurs et des excursionnistes (1910) répond au même sentiment : " Les textes de ces livres, nous avertit son éditeur, rédigés dans un style de vulgarisation scientifique délicieusement suranné, sont exactement identiques à ceux de la publication originale. "
Reste que, ici, les planches en couleur sont de toute beauté et restituent, bien mieux que ne saurait le faire la photographie, le charme des plantes des bords de chemin, les plus humbles, les plus touchantes, les plus éphémères. Arrêtez-vous un instant devant la Moutarde des champs, le Compagnon blanc, le Bleuet, la Centaurée Jacée et tant d'autres. Et ouvrez les yeux.

Atlas de poche des plantes des champs, des prairies et des bois à l'usage des promeneurs et des excursionnistes,
Editions Le Bibliomane, 336 pages, 19,50



jeudi 28 juillet 2016

A vos pieds



A vos pieds, Actes Sud/Musée des Confluences,
14 pages, 19 €
Babouche ou godillot, sandale ou savate, tong ou bottine, sabot ou escarpin, la chaussure se déploie en grande pompe !
En fait " quand ils ne vont pas nus, les pieds se parent d'une minuscule architecture qui les habille et qui peut en dire long sur nous. Rien d'anodin, en effet,  dans le choix de nos chaussures. Les messages qu'elles transmettent sont aussi importants que leur rôle de protection du pied ", comme l'écrit l'une des responsables de l'exposition " A vos pieds ".
Et ce double rôle de protectrice et de messagère, la chaussure l'a tenu à travers l'histoire et les civilisations. Les exemples qui en sont donnés par le livre que publient Actes Sud et le musée des Confluences nous en persuadent aisément. De la chaussure d'enfance à la chaussure de prestige, en Corée, en Syrie, chez les Iroquois, en Italie, chez les chamanes australiens ou en Chine, les objets photographiés sont magnifiques d'astuce et de beauté, tant par leur matière, leur texture que par leur couleur.
Mais la chaussure dit aussi bien le prestige que la pauvreté ; elle est princière, mais aussi rafistolée ou banalement quotidienne. "Que se passerait-il si nous regardions dans tous les souliers qui nous ont portés ? " s'interroge Xavier G-Solis en conclusion. " Des premières éraflures sur notre première paire de chaussures -- première parure sociale -- jusqu'à notre dernière pantoufle, cet examen dévoilerait-il des choses essentielles ? Notre biographie serait-elle révélée ? Ce que nous sommes serait-il mis au jour ? "

mercredi 27 juillet 2016

Voir clair

Jacques Lusseyran, Le Monde commence
aujourd'hui, Folio, 192 pages, 6,50 €
" Je suis devenu aveugle par accident, alors que je n'avais pas tout à fait huit ans. Complètement aveugle et définitivement. Au moins, selon les définitions et le vocabulaire de ceux qui ne sont pas aveugles. Car, pour moi, il en allait tout autrement.
Je voyais encore. L'opération visuelle ne se produisait plus par l'intermédiaire de mes yeux, cela est vrai. Mais elle se produisait : elle avait lieu au-dedans de moi, dans un espace intérieur qu'il est difficile de circonscrire, mais, après tout, ni plus ni moins que l'espace extérieur. J'insiste : toute chose qui venait à ma rencontre était aussitôt vue, vue et non touchée ou entendue : elle se dessinait, prenait forme et couleur sur un écran interne. Et cela sans que je fisse rien pour déclencher le phénomène. Au reste, comment aurais-je fait quoi que ce fût, moi qui n'avais encore que huit ans. "
Ces lignes sont extraites de Le monde commence aujourd'hui, de Jacques Lusseyran, qui poursuit :
"Cette projection visuelle des objets sur l'écran interne présentait une différence importante avec les images de la mémoire. Celle-ci, les souvenirs, je les voyais aussi, mais dans ma tête, au niveau et de mon front et de mon cerveau. Celles-là, les choses vues, je les percevais beaucoup plus largement : dans l'ensemble de mon organisme. "
Outre Le monde commence aujourd'hui (1959), Lusseyran a publié Et la lumière fut (1953). Aveugle, donc, dès son jeune âge, il fut écarté de la fonction publique en raison de sa cécité en 1943, par décision du ministre Abel Bonnard. Arrêté cette même année, pour fait de résistance active, il fut conduit à Buchenwald et libéré en avril 1945. Jérôme Garcin a retracé ces années dans Le Voyant, également paru chez Folio.
Les aveugles sont restés exclus de l'enseignement public jusqu'en 1955.
N'est pas voyant celui qui le croit.
Jacques Lusseyran, Et la lumière fut,
Folio, 432 pages, 7,70 €

mardi 26 juillet 2016

Le promeneur secret

Caroline Drillon, Marie-Claire Ricard,
L'Auvergne pour les nuls,
First, 392 pages, 12,50 €
Bien sûr, vous pouvez sillonner l'Auvergne sur les sentiers fléchés. De nombreux guides, parfois très utiles et bien faits, vous y aideront. Quelques uns se proposeront de vous offrir
des charmes insolites et pourquoi résister à certains d'entre eux ? Le temps peut manquer pour des excursions plus personnelles, au gré du vent ; l'inspiration peut faire défaut.

Les charmes insolites de l'Auvergne,
Christine Bonneton, 176 pages, 17,50 €
Vous pourriez aussi , bien que l'Auvergne ne soit pas son propos ultime, vous perdre sur les chemins de prose de l'ami François Graveline. C'est un résident. Il peut décider à tout moment de s'immerger dans l'imaginaire sur les routes et à travers champs de la géographie auvergnate. Promeneur secret, qui ne dérange pas la flore ni ne perturbe l'ordre sonore des vaches (le libraire en parlait il y a peu), il a tracé son pays. Ses capitales hébergent parfois cinquante âmes. Ses ruisseaux sont des océans -- l'océan qui l'envahit de remords. Ses planques sont discrètes, mais il a ses œuvres d'art, ses monuments. Il a ses temples.
Il a ses neiges. Il a ses ascensions. A la Chomette, au Cluzel, à Heume-l'Eglise :
on craint de révéler les toponymes, on craint de les crier trop fort. Ce n'est pas qu'on veuille
les garder pour soi seul, mais on fuit le tapage.
Majestés est le titre de son dernier livre.

François Graveline, Majestés,
99 pages, 14 €


lundi 25 juillet 2016

Histoire de titres

Si l'on demandait à des éditeurs français : " Quel est votre animal préféré ? ",
ils répondraient sans doute : " Le chat. "






Si on leur posait la question : " Quel est votre fruit préféré ? ",
ils diraient probablement : " Les fraises. "






Et  si l'on demandait : " Quel est votre chiffre favori ? ", chez Gallimard on répondrait :
" 7 ". Ou bien : " 75 " .Ou bien : " 2084 ".


 






dimanche 24 juillet 2016

Prix Goupil 2016 : à vos agendas !

Muriel Zürcher,
prix Goupil des jeunes lecteurs A la Page 2016
pour son roman Robin des Graffs (Thierry Magnier)
sera l'invitée du rayon jeunesse
SAMEDI 1er OCTOBRE PROCHAIN
 Jeunes lecteurs (et moins jeunes)
vous viendrez nombreux
à sa rencontre !