jeudi 11 août 2016

Relâche

Le blog s'offre une petite relâche
jusqu'au 16 août.
A la Page reste ouverte aux horaires habituels
(sauf les 14 et 15 août)


mercredi 10 août 2016

Cinquante nuances de grès à Vichy

Hélène Bédague, Alexandre Bigot, chimiste et céramiste,
Editions Louvre Victoire, 352 pages, 50 €
Parue au mois de mai dernier, cette très belle monographie d'Alexandre Bigot (1862-1927) permet de découvrir un artiste céramiste de premier plan. Spécialiste du grès flammé, il ouvrit sa propre usine de fabrication dans le Loir et Cher et  oeuvra dans deux directions : pour produire des objets  d'art (vases, plats, orfèvrerie), d'une part et, d'autre part, pour " hisser le grès émaillé au rang des matériaux
de construction ", nous dit Hélène Bédague.
Bien que ne connaissant pas nécessairement son nom, tout le monde ou presque a pu voir des céramiques de Bigot car il collabora avec les architectes les plus marquants de son époque, qu'il s'agisse d'Auguste Perret, d'Henri Sauvage, de Frantz Joudain ou d'Hector Guimard, pour lequel le libraire a un gros petit faible. Les ébouriffantes céramiques du Castel Béranger,  à Paris XVIe, c'est lui ; le fronton émaillé du magasin de La Samaritaine à Paris, c'est lui ; des villas à Arcachon, à Trouville, des magasins à Nancy, c'est lui aussi ; des frontons d'églises, place des Abbesses à Paris, Brézé ou  Oran, c'est toujours lui.
Et les établissements thermaux de Vichy ? Vous l'aviez deviné : les trois dômes bleus de l'Etablissement thermal, la frise qui court le long du bâtiment, son bassin, diverses salles de bain, c'est toujours Alexandre Bigot qui en fut le créateur.
Amplement illustrée, comme il se doit avec un tel sujet, la monographie d'Hélène Brague présente une magnifique recension de cet artiste de la ligne courbe, de sa faune, de son bestiaire (la salamandre était son emblème, on n'en sera pas surpris) intimement lié à l'esprit Art nouveau.



mardi 9 août 2016

" Vis lumineux... "

Alexandre Duyck, Chantal Mauduit. Elle grimpait
sur les nuages, Guérin, 221 pages, 25 €
Ce seront nos derniers moments montagnards de l'été, et nous les passerons en compagnie de l'alpiniste Chantal Mauduit, disparue sous une avalanche lors d'une excursion dans l'Himalaya.
" Elle grimpait sur les nuages ", écrit son biographe Alexandre Duyck, précisant : " Au printemps 1994, elle recopie du Baudelaire ( "Le Voyage ") dans l'un de ses carnets : Mais les vrais voyageurs sont ceux là seuls qui partent / Pour partir ; cœurs légers, semblables aux ballons, / De leur fatalité jamais ils ne s'écartent, / Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons ! "
Cette jeune femme un peu bohème vit
" tranquillement " (sic) à cheval entre ses deux paradis, l'Himalaya et les Alpes. Un temps, elle rêva de devenir championne de ski, pratiqua le parapente, puis se lança à l'assaut des sommets de 8 000 mètres.
Elle en franchira six et nourrissait le projet d'enchaîner quatorze ascensions de cette altitude.
 Le 11 mai 1998, un an après la publication de son livre J'habite au Paradis, son corps sera retrouvé, ainsi que celui de son ami sherpa, sur les pentes du Dhaulagiri, au Népal, enseveli sous la neige.
Alexandre Duyck sait nous rendre plus que sympathique celle qui écrivait à même la toile de sa tente : " Vis lumineux, créé un poème et va : accrois l'espace de la terre. "

Chantal Mauduit, J'habite au Paradis,
184 pages, 17 €




lundi 8 août 2016

Vers le Mont Analogue

René Daumal, Le Mont Analogue,
L'Imaginaire, 179 pages, 8,50 €
La littérature de montagne est née lorsque Pétrarque gravit le mont Ventoux au XIVe siècle.
Saussure avec ses Voyages dans les Alpes, et les romantiques, suivirent sa voie (sauf Chateaubriand
qui n'aimait pas les Alpes).
Puis, vinrent des géographes, comme Elisée Reclus
et son Histoire d'une montagne. Et de nombreux autres, mêlant l'amour de la nature, le sport et le plaisir de s'élever.
René Daumal et son Mont Analogue occupent dans cette filiation une place vraiment à part. Commencé en  1939, ce " roman d'aventures alpines, non euclidiennes
et symboliquement authentiques ", selon son sous-titre, 
ne fut publié, inachevé, qu'en 1952, après la mort de son auteur.
Le Dictionnaire des lettres françaises présente cette œuvre dans les termes suivants : " Grand marcheur, passionné d'altitudes, l'auteur imagine dans ce roman l'ascension d'une montagne plus haute que toutes les autres, mais située dans un continent invisible, bien que réel. L'équipe d'alpinistes qui s'est constituée autour du professeur Sogol ( anagramme de Logos) doit d'abord admettre la réalité de ces sommets insoupçonnés et en reconnaître la position avant de s'y risquer (...) L'ascension n'est pas le symbole d'une quête individuelle, mais d'un enseignement que l'on partage dans l'espoir que d'autres pourront la mener plus haut (...) ".
Lancés à la recherche de ce point où la base et le sommet, la Terre et Ciel se touchent, Pierre Sogol et son équipe (une caravane de douze personnes -- douze apôtres ?) courent toujours les montagnes en quête du visible et de l'invisible, malgré la mort de René Daumal il y a soixante-deux ans.
René Daumal

dimanche 7 août 2016

Pratiques de l'ascension

Gilles Rotillon, La Leçon d'Aristote :
sur l'alpinisme et l'escalade, Editions du Fournel,
181 pages, 18 €
Il y a de nombreuses façons de pratiquer la montagne -- comme il y a différents milieux montagnards, bien entendu. Et il y a aussi une histoire de la fréquentation des montagnes. C'est aux périodes récentes de cette évolution que s'attache, en une très belle réflexion,  Gilles Rotillon dans La leçon d'Aristote : sur l'alpinisme et l'escalade.
L'auteur, qui vit au Mont-Blanc, connaît les hauteurs depuis de nombreuses années et son père lui-même était déjà un alpiniste ; il sait de quoi il parle lorsqu'il évoque la main-mise de plus en plus prononcée de l'industrie des loisirs et des institutions sur la pratique de l'escalade.
Ecoutons Gilles Rotillon : " Le bien central de l'escalade, à partir duquel des échanges marchands peuvent se faire, c'est la falaise équipée " béton ". C'est son invention récente, il y a une quarantaine d'années, qui permet un développement important du nombre de grimpeurs et la possibilité de l'apparition d'une demande solvable pour un marché spécifique. Cette innovation résout la question de la sécurité qui était plus ou moins réglée par la présence du guide en alpinisme (pour ceux qui en avaient les moyens). On l'a vu l'équipement de ces falaises modernes suit des normes techniques très précises, concernant par exemple la résistance d'un point d'assurage désigné dans un document de la FFME présentant les normes fédérales comme un amarrage qui " doit répondre aux exigences de la norme européenne NF EN 959 juillet 2007 (...) "
Ah ! la norme fédérale, jusque dans les contrées sauvages...
C'est probablement à elle que pense échapper la protagoniste du roman de Céline Minard,
Le Grand Jeu, qui ne doit apparemment rien au Grand jeu de René Daumal et de son Mont Analogue, dont le libraire reparlera. Installée sur les sommets, dans la solitude la plus implacable, armée de son outillage de survie, ne voilà-t-il pas qu'elle découvre l'existence d'une autre ermite sur un sommet voisin. Et que va s'engager une sorte de jeu du chat et de la souris sur les pentes glacées.
Le Grand Jeu sera sur la table du libraire le 17 août.

Céline Minard, Le Grand Jeu,
Rivages, 190 pages, 18 €