samedi 18 février 2017

Que vivent les Alpes !

Dictionnaire thématique des Alpes, sous la
direction de Sylvain Jouty  avec le collaboration
de Daniel Léon, Glénat, 1024 pages, 27 €
Quel plaisir de vagabonder entre les pages de ce Dictionnaire thématique des Alpes ! Pour être sérieux (le libraire en donnera plus bas quelques preuves), l'ouvrage s'offre aussi à fouetter l'imagination. Tous les souvenirs, flous ou précis, qui furent emmagasinés durant nos séjours, ou nos passages, par ces montagnes se trouvent ressuscités à sa lecture. Ces torrents, ces petits lacs au printemps, ces formes géologiques, ces racines, ces airelles (baies " légèrement hypnotiques "), ces bouquetins, ces clématites, ces noms de lieux parfaitement magiques : Jungfrau, Val d'Aoste, Brienz, Engadine, Grandes Jorasses, Lauterbrunnen, col du Brenner...
Mais savez-vous ce qu'est un torrent ? Eh bien, c'est un " petit organisme hydrologique situé en amont du système fluvial, drainant les vallées de montagnes et alimentant les rivières et les fleuves en débit liquide et solide. " Savez-vous ce que désigne la nivation ?  Ou une nappe de charriage ?  Un poljé ? Un spigolo (à ne pas confondre avec un gigolo) ?
Ce vocabulaire, qui n'est pas dénué de poésie, nous introduit à l'important aspect scientifique de l'ouvrage. Celui-ci est divisé en sections : Géographie, Environnement ; Territoires ; Histoire ; Patrimoines, Cultures, etc., etc. Il donne les clés de la faune, de la flore, de l'humanisation, de l'équipement, du climat, de la géographie des Alpes.
Chaque notice est, de surcroît, rédigée dans une langue impeccable, dont raffole le libraire.
Un dictionnaire des Alpes qui comporte, pour finir, des entrées René Daumal, Corinna Bille, Ludwig Hohl, Rigoni Stern ? Le libraire en redemande.
Il va essayer de ne pas laisser retomber son enthousiasme à l'aide d'un petit traité intitulé L'Euphorie des cimes, où il est question de la montagne et de dépassement de soi. Puis, après sa journée passée auprès de ses clients, il ira se reposer.

Anne-Laure Boch, L'Euphorie des cimes,
Transboréal, 94 pages, 8 €

vendredi 17 février 2017

On a retrouvé Proust

Marcel Proust, A la recherche du temps perdu,
Quarto, 2408 pages, 35 €
En voulez-vous la preuve ? Voici la photographie issue d'un petit film exhumé par Jean-Pierre Sirois-Trahan , un chercheur canadien et authentifié par les proustiens.
Selon le journal Le Monde, " il s’agit d’un film de mariage, celui d’Armand de Guiche et d’Elaine Greffulhe, qui montre l’aristocratie du faubourg Saint-Germain. Parmi les invités de marque, un inconnu. A la différence des autres hommes, coiffés pour l’occasion d’un haut-de-forme et habillés d’une jaquette, l’homme porte un chapeau melon et un pardessus gris perle. Il descend précipitamment les escaliers de l’église de la Madeleine, à Paris (à la 37e seconde dans la vidéo). "
Le libraire ne pouvait manquer cet instantané.


jeudi 16 février 2017

Le roman de demain

Sophie Divry, Rouvrir le roman,
Notabilia, 208 pages, 14 €
" Finalement, c'est une idée simple, affirme Sophie Divry à la première ligne de son essai. Pour moi,
le roman, loin d'être un genre mort, bourgeois ou dépassé, réservé aux amateurs d'histoires simples, demeure un genre des plus inclusifs et des plus féconds pour engager la littérature dans des voies créatives nouvelles. Le roman n'est pas contraignant, compromis, pauvre, forcément narratif, vulgaire ou corrompu. Plus que jamais, il est, comme disait Virginia Woolf, " le plus hospitalier des hôtes ", réfractaire à toute limite, monstre hybride et stimulant, ouvert à toutes les fantaisies (...) ".
Il n'y a plus qu'... Ou, comme disent les amis anglais : " the proof of the pudding is in the eating ", c'est à ses fruits que l'on connaît l'arbre.
Du reste, les huit romans sélectionnés pour le Prix des Lecteurs A la Page 2017, prouveront sans doute que Sophie Divry a raison. Incessamment. Tenez-vous informés.
Jury en pleine action (2016)

mercredi 15 février 2017

Le charme d'une photo

Regardez bien ces deux couvertures : l'illustration qu'elle utilise est signée Norman Parkinson (1913-1990), photographe de mode anglais.
Mais, petite panne d'imagination des maquettistes ou hasard, la même photographie se trouve mise à contribution pour deux romans situés dans des cadres entièrement distincts...
C'était notre terre, de Mathieu Belezi (paru en premier, l'honnêteté oblige de le dire), se déroule en Algérie. Tandis que le roman de Carla GuelfenbeinÊtre à distance, prend place au Chili.

Mathieu Belezi, C'était notre terre,
Livre de poche, 510 pages, 7,60 €

Carla Guelfenbein, Être à distance,
roman traduit de l'espagnol (Chili) par
Claude Bleton, Actes Sud, 316 pages, 22,50 €

La même dame avec son chic chapeau, ses gants blancs, son sac en croco et sa mallette de voyage  se dirige vers le lecteurs d'un pas assuré.
Le cliché a du charme, c'est vrai, et les libraires ont un grand sens de l'observation.

mardi 14 février 2017

Nos nuits

Michaël Fœssel, La Nuit. Vivre sans témoin,
Autrement, 170 pages, 14,90 €
" Les hommes sont nombreux à marcher de jour et peu à le faire de nuit ", écrivait l'américain Henry David Thoreau (1817-1862). Et il ajoutait : "La nuit est une saison fort différente. Soit une nuit de juillet, par exemple. Sur le coup des dix heures, – tout le monde dort, sa journée honnêtement oubliée, – la beauté du clair de lune illumine les prés déserts où les troupeaux paissent en silence. De toutes parts, du nouveau surgit. La lune et les étoiles remplacent le soleil ; l’engoulevent succède à la grive des bois ; les papillons dans les prairies s’effacent devant les lucioles, ces pointes de feu ailées – qui eût pu l’imaginer ? "
Et cependant, lui répond aujourd'hui Michaël
Fœssel , " les raisons de ne pas aller à la nuit ne manquent pas. Celui qui veut dormir invoque l'heure avancée, le froid ou les contraintes du lendemain. Dans tous les cas s'impose le sentiment qu'une aventure nocturne (escapade ou veille) mènerait " trop loin" : non seulement au-delà de ce que peut le corps, mais dans des lieux incertains desquels on n'est pas sûr de ramener autre chose que de la fatigue. "
Le libraire, lui, se souvient de ses veillées de l'enfance et de la jeunesse et de diverses expériences de la nuit. Il penche du côté de Thoreau. Michaël Fœssel, du reste, précise : " Il y a un sens à entrer dans la nuit, même au risque de devoir en sortir. La question est devenue urgente parce que la sensation de sortir une fois pour toutes de la nuit n'a jamais été aussi grande. Pour ne plus être altérée par les crépuscules et les aubes, l'humanité dispose désormais de toute une série de techniques lumineuses. Celles-ci s'ajustent à merveille aux injonctions en faveur d'un temps homogène où aucune limite ne fait plus obstacle aux impératifs de productivité et de transparence."


... Quant aux Nuits de laitue, le roman excentrique de Barbara Vanessa, dont nous avions fait l'éloge (voir le billet du 27 août 2015), il paraîtra au format de poche au mois de mai prochain. Un peu de patience, s'il vous plaît. Et que vos nuits soient bonnes.

lundi 13 février 2017

Un mot sur Jean-Claude Pirotte

Jean-Claude Pirotte, Traverses,
Cherche midi, 90 pages, 14 €

De Jean-Claude Pirotte (né en 1939, disparu en 2014) viennent de paraître simultanément des pages de journal sous le titre Traverses (2010-11) et un recueil de poèmes, intitulé Jours obscurs. Dans le premier, il ne mâche pas ses mots, comme dans cette note du 25 octobre 2010 :
" Les livres que je reçois, comme il m'est difficile de ne pas les haïr. Et tant pis pour moi, je l'ai bien cherché comme on dit. Je me suis lancé dans cette entreprise de "chroniqueur de poésie" sans mesurer le risque de dégoût qu'elle me ferait courir. Car la plupart des poètes que me voici contraint de lire entretiennent ma répulsion pour le clinquant, la fausseté, la trivialité. La bonne volonté même, l'honnêteté de certains d'entre eux m'affligent et m'encolèrent. Comment peuvent-ils être aveugles -- ou complaisants à ce point ? "
Voilà qui est dit et fermement dit.
Dans son second livre posthume, Pirotte paie d'exemple et met en pratique sa vision de la poésie :

La chanson que nul joueur n'écoute
dans l'angle du café s'épuise
et l'on entend battre les cartes
et frapper du poing sur la table,

exactement comme il fait. Et le poème continue :

un mot seulement se détache
trèfle ou cœur sous la lampe sourde
et le tapis vert luit d'usure
et grisonne sous les coudes

il nous reste peu de temps sur terre
et pourtant la chanson recommence
le disque rayé tourne encore
quand s'éteignent les néons du bar

Rien chez lui qui soit clinquant, faux ou trivial.
Jean-Claude Pirotte, Jours obscurs,
Cerche midi, 182 pages, 18 €

dimanche 12 février 2017

Taniguchi, l'homme qui marchait

Jurô Taniguchi est décédé samedi 11 février.
Le mangaka (auteur de mangas) était en particulier connu pour Quartier lointain (1998), son plus grand succès en France, mais également L’Homme qui marche (1995) et, l'an dernier, Rêveries d’un gourmet solitaire.
Voici comment Casterman (son éditeur en France) le présente :
« Né en 1947, Jirô Taniguchi débute dans la bande dessinée en 1970 avec Un Été desséché. Depuis, au fil d'une œuvre prolifique, le mangaka le plus apprécié du public francophone explore de front une multitude de veines : fresques historiques, westerns, polars hard-boiled, sagas animalières, adaptations littéraires et récits intimistes. Le premier volume de Quartier Lointain, qui a remporté lors du festival d'Angoulême 2003 l'Alph'Art du meilleur scénario, a également reçu le prix Canal BD des librairies spécialisées. Ce titre, également plébiscité par le public, a été adapté au cinéma et au théâtre. » « Véritable passeur entre le manga et la bande dessinée occidentale, il a bâti une œuvre dont la variété de tons et de genres est exceptionnelle », ajoute Casterman.