samedi 10 décembre 2016

Audiard en Schnock

Schnock, n°21, 176 pages, La Tengo éditions,
14,50 €
" Je suis un sale mec " : Michel Audiard (1920-1985) l'a toujours faite au garçon infréquentable. Affreux, gouailleur, finalement assez sombre, d'après les dires de son propre fils, Jacques.
Le dernier numéro de la revue Schnock, sous-titré " Je m'enrhume quand je ne porte pas de casquette "à la santé du cinéaste, ne le croque pas autrement.
Ceux qui aiment l'auteur de Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages (1968)  seront ravis et les autres papys râleurs trouveront matière à s'irriter davantage.
Schnock (qui est "un terme de mépris : un vieux schnoc ", selon le Dictionnaire d'argot fin de siècle de Charles Virmaître, 1894) fait toujours bien les choses.
Et rarement dans la dentelle.
Mais justement, Audiard non plus. Bons mots, répliques qui tuent forment leurs deux fonds de commerce.
Les Meilleures répliques du cinéma prétendent, elles aussi, à la réplique qui tue. Une par jour pendant 365 jours. Ce régime fait mourir à petit feu les familles qui fréquentent les salles obscures ou sacrifient au DVD sur écran domestique.

Les meilleures répliques du cinéma, 12,99 €



jeudi 8 décembre 2016

Nathalie au pays des Merveilles

Alain Serres, Nathalie Novi, Bonnes nouvelles du monde,
Rue du monde, 28 pages, 20,20 €
L'illustratrice Nathalie Novi revient dans deux albums qui vont de l'avant.
A pleines pages aux couleurs souvent profondes, toujours joyeuses (non, il ne s'agit pas d'un gros mot), elle invoque un univers féérique. Les fleurs et les ailes sont ses alliés substantiels : il faudrait dire dans son cas substanciels, tant son appel aux oiseaux est permanent, tant ses images sont ascensionnelles.
Les titres de ses deux derniers albums -- Bonnes nouvelles du monde (texte d'Alain Serres) et Merveilles des merveilles (texte de Jennifer Dalrymple) -- pourraient être ceux de manifestes. Et valoir au-delà
de la littérature enfantine pour lecteurs de 7-8 ans.
Les amis de Nathalie sont des journalistes qui collectent des informations heureuses. Ses compagnons sont des elfes, des lutins, des farfadets. Sa royauté est celles des fées, amies des saisons et des libellules. L'air est tissé de soies et de velours. Le salon donne en grand sur la nature. Tout près médite un lapin blanc. Une carte à jouer est tombée par terre. Un colibri passe par la serrure. C'est un colibri parleur. Comme tous les colibris parleurs que le libraire a rencontré en train de se faufiler par la serrure de sa librairie, celui-ci zozote : auzourd'hui, c'est zeudi ; ze vais cueillir des zaubergines au zardin. C'est mazique, c'est mazistral !
Jennifer Dalrymple, Nathalie Novi,
 Merveilles des merveilles, 17,30 €

mercredi 7 décembre 2016

Les dédicaces battent leur plein rue Sornin


De plus, SAMEDI 10 DECEMBRE 2016, à 17 HEURES,
FABIENNE POURADIER DUTEIL
dédicacera Moinet au cœur de la confiserie Vichyssoise

 
 
DIMANCHE 11 DECEMBRE 2016, à 16 HEURES,
MICHELE STERNBERG
dédicacera  L'Affaire des Pions

 

mardi 6 décembre 2016

Brut, vous avez dit art brut ?

Lucienne Peiry, L'Art brut, Flammarion, 400 pages, 30 €
De l'art brut, le libraire reçoit des nouvelles de plus en plus nombreuses. Mais pour commencer, convient-il de dire " art in-       ventif  ",   " art hors les normes ", "art naïf  "  ou bien " art modeste  " ? Cette question terminologique ne sera sans doute jamais tranchée. Elle rend compte en elle-même de la richesse de créations jaillies hors des cadres conventionnels des écoles, des académies, des galeries et de la spéculation.
Grâce au livre de Lucienne Peiry, L'Art brut, qui reparaît dans une version augmentée, le lecteur pourra se familiariser avec les grands moments de ce courant, relever les noms qui comptent du côté des créateurs comme de ceux qui les ont fait connaître -- de Jean Dubuffet à Breton. L'imposante bibliographie qui ponctue le volume témoigne amplement de l'intérêt soulevé par ces créations marginales. Jusque dans les musées et chez les marchands d'art.

Jean Dubuffet et Alain Bourbonnais,
Collectionner l'art brut, Albin Michel, 480 pages, 49 €

Collectionner l'art brut regroupe la correspondance entre Dubuffet (1901-1985) et Alain Bourbonnais (1925-1988), c'est-à-dire entre le premier théoricien de l'art brut et le créateur de la Fabuloserie, lieu conçu pour abriter une collection d'art... fabuleuse,
il n'y a pas d'autre mot. Les lettres permettent de suivre l'action et les pêches miraculeuses des deux hommes. 
Bruno Montpied, qui s'est déjà signalé pour, notamment, son Eloge des jardins anarchiques (aux éditions L'Insomniaque), anime de son côté une collection de monographies, La Petite Brute, dans laquelle prennent place des créateurs contemporains méconnus du public. Ainsi Marcel Vinsard, qui opère en Isère et
peuple son jardin en bordure de route de "modèles " vivement colorés qui peuvent se présenter comme des ruminations des silhouettes filiformes de Giacometti.
Le libraire kiffe.
Bruno Montpied, Marcel Vinsard,
l'homme aux mille modèles,
L'Insomniaque, 72 pages, 12 €

lundi 5 décembre 2016

Promenades en Algérie

Sébastien Lapaque, Théorie d'Alger,
Actes Sud, 110 pages, 10 €
L'Algérie et la ville d'Alger sont au centre de nombreuses publications récentes. Aujourd'hui, le libraire en isole trois.
L'Alger de Sébastien Lapaque pour commencer. Il tient en une centaine de pages dans le format allongé des éditions Actes Sud. On y croise maints fantômes qui hantent les rues de " l'une des villes les plus attachantes du monde. " Chanteurs de la Casbah, amateurs de foutebal (dans la langue familière de Bab-el-Oued), balcon où de Gaulle déclara qu'il avait compris et, on s'en doute, ombre de Camus. Ombre aussi de la mère de l'auteur de L'Etranger à laquelle Sébastien Lapaque consacre de belles pages, déplorant que la mémoire et la sépulture de cette femme soient si mal honorées.
Alger, ville et architecture 1830-1940,
Honoré Clair/Barzaxh, 366 pages, 28 €
Le libraire a aussi retrouvé Alger sous un angle archi-tectural qui n'intéressera pas seulement les profes-sionnels et les étudiants, mais tous ceux que les rues des grandes villes font rêver. L'enquête se déroule sur un siècle, des années 1830 à 1940. De nombreux styles importés par la colonisation s'y côtoient, d'inspiration haussmannienne, bien sûr, mais aussi art déco et style Beaux-Arts. Les auteurs ont arpenté la ville relevant jusqu'aux menus détails de l'ornementation. Passionnant, malgré la petite taille des photographies et des documents.
Enfin, Benjamin Stora a consacré, ou participé à plusieurs livres, dont C'était hier l'Algérie, une histoire des Juifs d'Algérie, dans lequel les images (cartes postales, photos de famille, clichés des journaux, etc.) se taillent la part du lion. L'album, très vivant, et retraçant l'existence quotidienne, ses occupations, ses habitudes, ses difficultés,  couvre presque 150 ans de présence juive en Algérie, du milieu du XIXe siècle à 1962, après les accords d'Evian.

Benjamin Stora, C'était hier en Algérie, de l'Orient
à la République, une histoire des Juifs d'Algérie,
Larousse, 192 pages, 25 €

 

dimanche 4 décembre 2016

Désir noir et noir désir

Caryl Férey, Bertrand Cantat, Manusound, Marc Sens,
Condor, Gallimard, doffret livre + CD, 25 € 
Caryl Férey est l'auteur de polars frémissants et à succès comme Zulu, Mapuche ou Condor, qui nous retient aujourd'hui. Il s'agit d'une fable noire, mi-politique mi-policière, qui se déroule cette fois au Chili.  Les situations sont électriques, comme dans ce long passage, intitulé " L'infini cassé " qui s'apparente à un poème en prose inséré au milieu du roman. Gabriela et Esteban s'aiment néanmoins. Ils représentent " la beauté dans tout ce bordel ".
Caryl Férey écrit aussi pour la scène et la chanson. Peut-être est-ce ainsi que naquit la mise en musique de ce poème par Bertrand Cantat et que Gallimard glisse aujourd'hui dans un coffret composé du livre et du CD. Cantat est accompagné des musiciens Manusound et Marc Sens enregistrés en direct, en public, c'est-à-dire live en français corrigé.
Une coquille révélatrice orne la page 413 du roman, nommée " En guise de bibliographie ", et qui démarre sur ces mots : " La biographie d'un livre peut se résumer par... ".
C'est juste, un bon roman se doit d'être vécu. Cette coquille est belle. Elle a dit la vérité.