samedi 28 janvier 2017

L'ombre et le Japon

  Jun'ichirō Tanizaki
L'ombre, soyons clairs, n'a pas bonne réputation. Que cache-t-elle ? Quoi de trouble ? Quoi de non-transparent ? Quelle noirceur -- de l'âme, des buts poursuivis ? N'est-elle pas équivoque ?
Tanizaki (1886-1965), romancier japonais, entreprend de défendre ce qui n'est pas exposé à la lumière la plus crue (dans la maison, dans les rues, dans les objets quotidiens). Il défend les zones de pénombre, le clair-obscur, le toko no ma, ce renfoncement, cette alcôve qui, dans la maison japonaise traditionnelle, abrite " les mystères " de l'ombre et de la lumière.
Rédigé au Japon en 1933, traduit en français en 1977 par René Sieffert sous l'excellent titre  d'Eloge de l'ombre, l'essai de Tanizaki reparaît aujourd'hui. Louange de l'ombre est le titre de cette nouvelle traduction dotée d'une préface qui s'efforce d'actualiser, sans toujours emporter la conviction (la traduction de Sieffert reste disponible aux éditions Verdier), notre réception de ce classique de l'esthétique.
Tanizaki avait parfaitement pressenti l'avènement du culte du visible, du blanc, de l'aveuglant dans les sociétés modernes. A tel point que celles-ci battent en retraite : éclairer tue les étoiles, les oiseaux, la nuit. La pénombre ne déplaît pas au libraire ; la ténèbre l'oblige à distinguer les détails, à affiner son regard. Telle la chouette.

Tanizaki Jun'ichirô, Louange de l'ombre,
traduit du japonais par Rioko Sekiguchi et
Patrick Honoré, Picquier, 112 pages, 13 €

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