samedi 13 février 2016

Les conseils d'écriture d'Antoine (Albalat)

Antoine Albalat, Comment il ne faut
pas écrire, édition établie, annotée
et postfacée par Yannis Constantinidès,
Mille et une nuits, 124 pages, 4 €
Les lectures en vue de sélectionner les romans du Prix des Lecteurs A la page 2016, IXe du nom, battaient leur plein. 
Le libraire regardait d'un air rêveur la pile de romans qu'il avait mis de côté.
C'est alors qu'il se souvint des conseils (largement négligés) d'Antoine Albalat
(1856-1935) dans Comment il ne faut pas écrire :
" Tous les dix ans, à peu près, l'art et le style changent, disait Antoine, et le désir de trouver
du nouveau pousse les écrivains à varier leurs procédés. On renchérit pour attirer l'attention ;
on exagère pour montrer qu'on a du talent.
Mais la nouveauté se fane vite, et il arrive souvent qu'un livre vieillit précisément par les qualités qui firent sa vogue (...) La conclusion, c'est que pour faire une œuvre qui dure, il ne faut ni chercher le succès ni suivre la mode. Un ouvrage ne résiste au temps que s'il est écrit dans le génie de la langue
et si le genre d'observation qu'il contient relève de tous les pays et de toutes les époques. "
Le libraire décida de méditer à fond les manettes ces conseils. Et il reprit ses lectures.
 
 
Le prix 2013 en librairie
 

vendredi 12 février 2016

Actualité Vialatte

    La première sélection du prix Alexandre Vialatte 2016 vient d'être rendue publique. La voici :
    Olivier Bourdeaut, En attendant Bojangles (Finitude)
    Philippe Claudel, De quelques amoureux des livres (Finitude)
    Christian Garcin, Les Vies multiples de Jeremiah Reynolds (Stock)
    Gérard Oberlé, Bonnes nouvelles de Chassignet (Grasset)
    Jean-Michel Ribes, Mille et un morceaux (L'Iconoclaste)

    Le prix Alexandre Vialatte est doté par le Groupe Centre-France de 6105 euros, ce qui correspond à " la somme de la hauteur du Puy-de-Dôme et de la longueur du Fleuve Congo ", font savoir les organisateurs du prix.
    Jacques A Bertrand avait été le lauréat du prix 2015, pour Brève histoire des choses (Julliard) et pour l'ensemble de son œuvre.
    De leur côté, les éditions Le Dilettante viennent de republier La Maison du joueur de flûte.  En un mot comme en cent, Vialatte est en forme.

    
    Alexandre Vialatte, La Maison du joueur
    de flûte, préface de Ferny Besson,
    Le Dilettante, 128 pages, 15 €
     

jeudi 11 février 2016

Premiers voyages en Afrique

Voyages en Afrique noire d'Alvise Ca' Mosto
(1455 et 1456), Relations traduites de l'italien
et présentées par Frédérique Verrier
" L'Afrique de Ca' da Mosto est étonnamment riante, fraîche et boisée. La terre est si fertile qu'elle fait tout germer et la présence d'arbres hauts et verts est un leitmotiv du voyage.
Le Vénitien est l'un des premiers voyageurs occidentaux à décrire la nature tropicale (climat, durée des jours et des nuits, saison des pluies, températures...).
L'espace libre de la forêt sénégalaise "où chacun peut se servir " est opposé à l'espace clos et privé du potager européen. D'un côté une nature luxuriante et généreuse, de l'autre une nature laborieuse et muselée.
Nul doute que l'île de Madère, ce "jardin où pousserait de l'or", apparaisse au Vénitien comme une colonie modèle. "
La question qui vient à l'esprit du naïf libraire en lisant ces lignes de présentation des Voyages en Afrique noire d'Alvise Ca' da Mosto (1455 et 1456) est :  Pourquoi cet homme d'affaires n'est-il pas plutôt resté chez lui ?
Reste son témoignage, d'une écriture charmante, d'une curiosité multiple et sympathique aux habitants de l'Afrique noire avec lesquels il espère commercer.
Le volume republié par les éditions Chandeigne/Unesco est d'une facture parfaite, comme tous les livres qui paraissent à son enseigne. Papier, mise en page, typographie en font un ouvrage digne des belles bibliothèques.

Dans le fleuve Gambie

mercredi 10 février 2016

Décapage

Décapage n° 54, 173 pages, 15 €
La revue Décapage est née il y a 54 numéros.
C'est donc une dame qui a traversé diverses expériences. Le librairie l'a connue un peu plus confidentielle. La voici depuis quelque temps recentrée et parlant sur un ton incessamment décontracté. Le ton de moult mooks (magazine+book = mook, qui ne le sait ?).
Au sommaire, un dossier consacré à Jérôme Ferrari (" auteur discret et rare " dit Décapage).
Une thématique dans laquelle la rédaction a interrogé une palanquée d'écrivains pour savoir ce qu'ils faisaient de " leurs journées passées à faire autre chose qu'écrire " (ce qui suppose qu'ils font quelque chose quand ils écrivent).
Une rencontre imaginaire avec un " petit rigolo " (dit Décapage) nommé William Faulkner.
Et diverses chroniques dont l'unité tient à ce que les écrivains y parlent beaucoup d'eux-mêmes. Mais de manière décontractée. Toujours.
A part ça, Décapage diffuse des autocollants,
comme ceux-ci :

mardi 9 février 2016

Les insectes

Lafacadio Hearn, Insectes,
Le Sonneur, 326 pages, 19,50 €
Lafcadio Hearn est un bien intéressant personnage. Né en Grèce en 1850, mais citoyen irlandais, 
il s'installa au Japon en 1890, après diverses tribulations. Il devait mourir à Tokyo en 1890,
après être devenu l'un des plus éloquents interprètes
de la civilisation japonaise auprès des Occidentaux.
Il revient ici en interprète du monde des insectes,
pour lesquels il se passionna son existence durant.
Un peu comme Fabre, mais en moins scientifique ;
un peu comme Michelet, esprit singulier comme lui.
Les éditions du Sonneur publient dix essais sur les papillons du Japon, les moustiques, les fourmis,
les libellules, les lucioles, ainsi que sur les rapports
des diverses civilisations avec ces bestioles.
Extrait délicieux concernant une espèce de cigale
du Japon, la tsuku-tsuku-boshi :
" Au lendemain de la fête des Morts, selon l'ancien calendrier japonais (c'est en fait le seizième jour du septième mois, date incomparablement plus juste que celle de notre calendrier occidental en ce qui concerne les transformations et les manifestations de la nature), la tsuku-tsuku-boshi commence à se faire entendre. L'on dit que sa stridulation peut être comparée au chant d'un oiseau. On l'appelle également kutsu-kustsu-bôshi, chôko-chôko-uisu, tsuku-tsuku-hôshi, tsuku-tsuku-oishi, toutes appellations trouvant leurs sources dans les onomatopées. "
Tendons l'oreille, les amis, tendons l'oreille : le monde est poétique !

Lafcadio Hearn et son épouse japonaise,
Setsu Koisumi

lundi 8 février 2016

Tolstoï et Samedi BD, d'un coup d'un seul

Martin Veyron, Ce qu'il faut de terre
à l'homme, d'après Tolstoï, Dargaud,
142 pages, 19,99 €
Voici comment commence Qu'il faut peu de place sur terre, une des Scènes de la vie russe qu'écrivit Tolstoï en 1886 :

" Elles étaient deux sœurs. L’une avait épousé un marchand établi en ville, l’autre un cultivateur de la campagne. Un jour, la sœur aînée alla voir sa sœur la campagnarde, et tout en prenant leur thé, elles se mirent à causer.
— Comme je préfère mon genre de vie au tien, dit l’aînée : je suis élégamment logée, j’ai de jolies toilettes, mes enfants sont charmants dans leurs costumes bien faits ; je mange toujours de très bonnes choses, et notre temps se passe en promenades, en visites et en fêtes le soir.
— Je conviens, répondit la cadette, que tu as une douce existence, mais que de fatigues amènent les plaisirs, 
et que d’argent ils coûtent ! Vous êtes sans cesse occupés à avoir assez d’argent pour faire face à beaucoup de nécessités que nous ignorons. Nous menons une vie plus régulière et plus saine, aussi nous portons-nous mieux que vous, et ne nous inquiétons-nous guère du lendemain pour vivre ; la vie de la campagne est paisible comme le cours d’une rivière large et profonde. Le proverbe dit que le bonheur et le malheur voyagent ensemble ; nous les accueillons philosophiquement quand ils passent, comme les paysans savent accueillir des voyageurs. Enfin… nous avons toujours le nécessaire. "

Martin Veyron a eu l'idée de s'inspirer de ce conte pour en tirer un album sous le titre de 
Ce qu'il faut de terre à l'homme. Peut-être celui-ci fera-t-il partie de la sélection concoctée par Géraldine pour le prochain Samedi BD (à 11h30, avec l'apéritif au milieu), le douzième 
du nom ? Peut-être.
Quoi qu'il en soit, vous n'avez pas d'excuses à manquer Samedi BD.

Léon Tolstoï (1828-1910)

dimanche 7 février 2016

Le peintre des oiseaux américains

Fabien Grolleau et Jérémie Royer,
Sur les ailes du monde Audubon,
Dargaud, 184 pages, 21 €
Fabien Grolleau et Jérémie Royer ont eu l'excellente idée de consacrer un album à un grand oublié de l'histoire naturelle et, plus spécialement, de l'ornithologie, Jean-Jacques Audubon.
Considéré comme un classique aux Etats-Unis, où existent des écoles, des rues, des timbres de la poste et des associations portant son nom, Audubon est un peu un exilé dans sa culture d'origine, la culture française.
Il faut dire que, né en Haïti en 1785, d'une mère nantaise et d'un père breton, il quitta dès 1803 le sol français pour s'installer près de Philadelphie. Après avoir fait faillite, il se lança dans un projet fou : répertorier et dessiner toutes la variétés d'oiseaux américains.
Il constituera ainsi un incroyable portfolio de 435 portraits d'oiseaux, dont il vendra les planches
à Londres, ce qui lui permettra d'éditer un livre :
Les Oiseaux d'Amérique.  Il obtint un succès considérable
et fut à l'origine de la constitution de nombreuses sociétés savantes.
Sur les ailes du monde, Audubon, retrace en bandes dessinées la vie de cet aventurier-naturaliste de grand envergure, comme les oiseaux qu'il aimait, mort à New York en 1851.
Geai-gorge noire, dessiné par Audubon