samedi 14 octobre 2017

Le moment du chiffon

Antoine Compagnon, Les Chiffonniers de Paris,
Gallimard,  496 pages, 32 €
Le chiffonnier (" personne qui fait le commerce de vieux chiffons, de vieux objets, achetés ou ramassés dans les rues ")  occupe au XIXe siècle une place de choix dans les rues de Paris. Rues diurnes ou, souvent, nocturnes. Le chiffonnier occupe aussi et, peut-être, par voie de conséquence, une place importante dans la littérature de l'époque.
 Baudelaire, bien sûr, Huysmans, l'excellent Louis-Sébastien Mercier et Théophile Gautier ainsi que, moins connus, Privat d'Anglemont et Champfleury l'introduisirent dans leurs physionomies parisiennes. Sans compter les nombreuses illustrations de Daumier et de Gavarni qui utilisèrent la figure du chiffonnier au moment où celui-ci trônait, si l'on ose écrire, parmi les métiers ambulants de Paris, avec son croc et sa hotte.
Antoine Compagnon, professeur de littérature française au Collège de France, a réuni sur le compte des chiffonniers et des chiffonnières (à ne pas confondre avec fripiers, brocanteurs et marchands d'habits) une impressionnante documentation qui nous plonge dans le petit peuple de la ville lumière.
Ce beau volume relié est réhaussé d'une abondante iconographie qui s'arrête elle-même avec la disparition du personnage du "trilleur " ou du "triqueur " à l'orée du XXe siècle.
Les glaneurs et glaneuses d'Agnès Varda,  affirme en conclusion Antoine Compagnon, ont pris sa succession.


vendredi 13 octobre 2017

Messieurs les correcteurs, encore un effort

Merci Paris. 20 écrivains amoureux de leur quartier,
Tallandier, 334 pages, 17,90 €
Le libraire a quelques manies. Certaines plus compréhensibles que d'autres. On admettra donc peut-être qu'il guette, depuis son poste de Vichy, ce qui est relatif dans les livres à Valery Larbaud : qu'il s'agisse de citations, d'allusions, de références, de révérences ou de souvenirs. Et qui est plus fréquent qu'il n'y paraît.
Il est un détail, cependant, qui ne lui échappe guère, un détail de nature orthographique portant sur le prénom de l'auteur de Fermina Márquez (comme sur celui d'un ancien haut personnage de la République française) : Larbaud se prénommait Valery, sans accent aigu, et non Valéry.
Il y a pire péché, pire salmigondis, pire galimatias. A qui le dites-vous...
Cela n'empêche. Le libraire s'agace de la phrase : "S'asseyant sur une des marches de l'échelle qui permettait d'accéder aux rayons supérieurs, il me lisait de façon emphatique (un peu à la manière de Jouvet) des passages de Léon-Paul Fargue, de Valéry Larbaud, de Jean Follain... " , comme il vient de lire à la page 241 de Merci Paris, 20 écrivains amoureux de leur quartier.
Le libraire resterait muet, et éviterait de donner une nouvelle preuve de son sale caractère, s'il ne se passait guère plus de deux ou trois semaines sans que les correcteurs au service des éditeurs ne laissent passer le lancinant accent aigu sur le prénom de Larbaud.
Le libraire pourrait dire, comme Sarah Belmont, dont vient de paraître Fautes(s) de mots : " Pas de ma faute, si j'aime traquer les fautes, les miennes avant toute chose ".
Sarah Belmont, Faute(s) de mots,
Le Temps qu'il fait, 108 pages, 14 €


jeudi 12 octobre 2017

Albert Londres de retour à Vichy

Les Rencontres Albert Londres, huitièmes de ce nom,
auront lieu à l'Aletti Palace de Vichy les 21 et 22 octobre prochains.
Empruntant leur thématique au livre de Londres
Marseille, porte du sud (Arléa),
ces journées, dont le programme suit,
 verront le lancement des Cahiers Albert Londres.
Le prix d'entrée aux conférences-débats est de 10 € pour les deux jours.
 

mercredi 11 octobre 2017

Eloge du rêveur de mots

Georges Picard, Cher lecteur,
Corti, 190 pages, 17 €
" Bon nombre des plus belles journées de mon existence, je les ai passées à réfléchir et à rêver, un livre ou un stylo à la main, dans la solitude et le silence, loin de l'agitation sociales et de ses contraintes asphyxiantes. Ce que j'ai le mieux compris, c'est ce que j'ai perçu par mes lectures et, à la rigueur, ce que j'ai découvert en écrivant. Certains copains de mon adolescence me traitaient de " rat de bibliothèque " (jusqu'à ce que je les humilie à la course, j'y étais bon, je parle du cent mètres). "
Le libraire se reconnaît bien dans cet autoportrait que trace Georges Picard (mais lui, plutôt que le cent mètres, c'était plutôt le football qu'il pratiquait).
Et aussi dans cet autre passage de Cher lecteur : " Un livre qui se referme sans laisser au cœur du lecteur un sentiment de nostalgie n'est qu'un simple passe-temps. Il y a une douleur à quitter ce que l'on aime, humain ou bouquin, mais, dans ce dernier cas, la petite douleur causée par le mot Fin se mêle au plaisir de pouvoir recommencer immédiatement la lecture. "
Une autre stratégie du lecteur enragé consiste à ralentir, par tous les moyens honnêtes (se lever, regarder par la fenêtre rêveusement, croquer une pomme, admirer les arbres, ranger son bureau) la lecture qui est en train de le ravir.
D'ailleurs, le libraire n'a pas encore refermé le livre de Georges Picard. Manière de rester plus longtemps en bonne compagnie.

Un rêveur de mots : Gaston Bachelard

mardi 10 octobre 2017

Fin de l'homme dans les arts et ailleurs

Thomas Schlesser, L'univers sans l'homme, Les arts contre
l'anthropomorphisme (1755-2016),
Hazan, 287 pages, 56 €
L'idée que l'Humanité approcherait de sa fin se répand dans de nombreux livres. Elle se déploie chez les transhumanistes, chez certains écologistes ou les amis de la cause animale comme, aussi bien, chez les défaitistes. Au fond, chacun ne serait pas mécontent d'administrer, sans faire plus de détail dans les responsabilités, une énorme fessée à ce genre humain malfaisant, encombrant, polluant, remuant...
N'est-ce pas à cette idée que, dans son livre richement documenté, est amené à se rendre l'auteur de L'Univers sans l'homme ? Une idée qu'il affirme avoir vu courir dans l'œuvre des artistes depuis le milieu du XVIIIe siècle, ou du moins dans certains courants de l'art et de la pensée..

" J’essaie de tracer une histoire de l’art qui soit un contrepoint au grand paradigme de la Renaissance faisant de l’homme le point de convergence et la mesure de toute chose ", répond Thomas Schlesser, au journal Libération. Avant de poursuivre : " Mais c’est moi qui fais des lectures de ces artistes en montrant un aspect de leur œuvre qui est anthropocritique, eux-mêmes ne s’affichent pas toujours comme tels. Je fais partie d’une génération qui a grandi dans l’idée qu’il n’y avait rien de pire que l’ethnocentrisme, relayée par Lévi-Strauss ou Aimé Césaire. Et je me suis aperçu que l’histoire que je tentais de raconter était celle d’artistes qui allaient plus loin que la critique de l’ethnocentrisme. Plutôt que de casser le sentiment de centralité d’une civilisation, ils cassent le sentiment de centralité de l’humanité tout entière. C’est la portée sociale et philosophique de l’ouvrage. "
L'expression " l'univers sans l'homme" est empruntée à Baudelaire, qui ne souscrivait pas à cette perspective. Ni André Breton, qui la repéra dans les courants de la sensibilité moderne, pour finir par la rejeter : " Cette fin du monde n'est pas la nôtre ", devait-il écrire dans " La lampe dans l'horloge ", en 1948.
" L’esthétique de l’univers sans l’homme est celle du vertige, physique et métaphysique ", dit encore Thomas Schlesser. Mais quel homme en sera saisi si tous ont disparu, se demande ce nigaud de libraire.

lundi 9 octobre 2017

Défense de la librairie indépendante

      
Voici le communiqué qu'a publié le Syndicat de la librairie française,
 le 6 octobre 2017

 

Communiqué de presse
 
Destruction d’emplois, évasion fiscale, exploitation sociale,
le vrai prix de l’expansion d’Amazon.

 Amazon a inauguré cette semaine à Boves, à proximité d’Amiens, en présence du Président de la République, son cinquième centre logistique en France. Le groupe américain a par ailleurs annoncé l’ouverture, en 2018, d’un sixième entrepôt, deux fois plus grand, en région parisienne.
Localement et à court terme, il s’agit d’une bonne nouvelle pour les personnes qui vont retrouver un emploi, même si la majorité des postes seront en intérim ou en CDD. Néanmoins, il est urgent de répondre à la fascination que peut provoquer Amazon en rappelant le prix de son expansion et ses effets présents et à venir sur l’économie, la culture ainsi que sur nos territoires et notre manière de vivre ensemble.

 Amazon détruit plus d’emplois qu’il n’en crée

Le modèle d’Amazon s’appuie sur une automatisation toujours plus grande des tâches accomplies dans ses entrepôts, à tel point que la multinationale américaine a acheté, pour près d’un milliard de dollars, le fabricant de robots Kiva. 45 000 de ces robots sont aujourd’hui produits et utilisés par Amazon. Le nombre de nouveaux robots croît plus rapidement (+ 50 % en deux ans) que celui des embauches de salariés.

Une étude du MIT, publiée en mars 2017, montre que chaque robot introduit sur le marché du travail détruit six emplois et entraîne une baisse du salaire moyen sur le marché du travail du fait d’une demande accrue d’emplois. Sur cette base, Amazon aurait déjà détruit près de 300 000 emplois dans le monde, soit autant que le nombre de ses salariés !

A cela il faut ajouter les dizaines ou centaines de milliers d’emplois détruits chez les concurrents d’Amazon terrassés par sa politique de dumping financée par une capitalisation hors normes. Cette politique prédatrice ne touche pas seulement de grandes chaînes concurrentes mais également des commerçants indépendants dont la présence est essentielle à la vitalité économique et sociale des territoires et particulièrement des centres-villes que l’expansion d’Amazon contribue à désertifier.

Des conditions de travail d’un autre âge

Les témoignages affluent aujourd’hui sur la souffrance au travail des salariés d’Amazon[1]. Cadences exténuantes, pressions et intimidations érigées en système, surveillance, délation… La réalité du travail chez Amazon est aux antipodes de l’impératif joyeux qu’il adresse chaque jour à ses employés « Have fun » !!

 Evasion fiscale et concurrence déloyale

Au lendemain de l’inauguration de son nouvel entrepôt, l’on apprenait qu’Amazon était condamné par la Commission européenne à verser 250 millions d’euros d’impôts impayés. Le Président de la République française a salué cette décision qui reconnaît le caractère illégal des montages financiers d’Amazon et qui va dans le sens de sa volonté de taxer les « GAFA » à la hauteur du chiffre d’affaires qu’ils réalisent dans chaque pays européen.

Tricher ainsi avec l’impôt, c’est réduire la capacité de la collectivité à développer les services publics et c’est également fausser la concurrence à l’égard des autres acteurs économiques.

 Oui, les alternatives à Amazon existent !

En disant cela, les libraires indépendants se rangent-ils dans un monde ancien et crispé ? Loin s’en faut ! Ce serait oublier qu’ils représentent le premier circuit de vente de livres en France. La fréquentation et la satisfaction de leurs millions de clients est la meilleure illustration de la pertinence de leur modèle, aux antipodes de celui d’Amazon, car fondé sur la relation humaine, l’inscription dans la vie d’un quartier, d’une ville, d’une communauté, sur la hiérarchisation de l’offre et l’orientation des lecteurs parmi les centaines de milliers de livres disponibles… 

Les libraires indépendants accompagnent également les lecteurs sur Internet. C’est ainsi qu’ils sont plus de 700 à s’être fédérés autour du site librairiesindependantes.com.  En un clic, le client connaît la disponibilité du titre qu’il recherche dans les librairies à proximité et peut le réserver et le retirer en magasin, le faire livrer à son domicile ou l’acheter en numérique.

Grâce à la mutualisation des stocks des 700 librairies partenaires, librairiesindependantes.com propose une offre plus vaste que celle d’Amazon, et, grâce au retrait en magasin, des délais plus courts, un coût moins élevé (absence de frais de port, réduction de 5% sur le prix des livres dans le cadre des programmes de fidélité) et un meilleur respect de l’environnement en réduisant le transport par camion.
 
Pour l’emploi, pour la défense de notre qualité de vie, de nos territoires, et pour le plaisir de flâner, de découvrir et d’échanger, le meilleur choix, c’est celui des librairies indépendantes. 


 
 

dimanche 8 octobre 2017

Poètes en bandes dessinées

Vandermeulen, Casanave, Nerval l'inconsolé,
Caterman, 156 pages, 22,50 €
Le roman n'est pas la seule forme littéraire à intéresser les auteurs de bandes dessinées. Les poèmes et leurs auteurs aussi.
Charles Bukowski, Prévert, Rimbaud (le plus célébré, peut-être), Villon, sans oublier Lautréamont (le libraire biche), voire John Milton et son Paradis perdu ont été des sources d'inspiration.
La vie de Gérard de Nerval vient de susciter la curiosité de David Vandermeulen (scénario) et Daniel Casanave (dessins). " Avant tout, écrit le scénariste, parce que la vie de Nerval, bien plus qu'une autre, fut un véritable drame romantique " et parce qu'il est bon que la postérité venge le doux Gérard de son infortune.
Avant Nerval, Casanave a défendu, nottament, Verlaine,  et Baudelaire ; Vandermeulen s'est attaché au Faust de Goethe.
C'est également à Baudelaire que Christophe Renault et Michels Mabel, entourés de nombreux illustrateurs, viennent de rendre hommage. La partie documentaire est plus présente dans cet album, où sont reproduits et illustrés quelques uns des poèmes les plus célèbres de l'auteur des Fleurs du mal. Son dandysme, sa bohème, son spleen, sa poésie vécue y sont également évoqués dans une perspective didactique.

Poèmes de Baudelaire en BD, Petit à petit,
112 pages, 16,90 €