samedi 10 octobre 2015

Chasse aux papillons

Eugène Le Moult, Mes chasses aux papillons,
Kincksieck, 376 pages ,21 €
Il n'y a donc pas que Jean-Henri Fabre (1823-1915) et ses splendides Souvenirs entomologiques.
Eugène Le Moult (1882-1967) en est un autre et les éditions Klincksieck ont eu raison de republier 
Mes chasses aux papillons.
Pessimiste, Le Moult écrit : " L'homme est, de tous les animaux, le plus cruel ; il détruit pour le plaisir de détruire, alors que les bêtes sauvages, à de rares exceptions près, tuent pour se nourrir et se garder en vie. "
C'est en Guyane que vint à Eugène Le Moult la vocation de chasseur de papillons. Il se mit à capturer de magnifiques papillons bleus d'azur, les Morpho, qui devaient lui assurer une immense réputation.
Et la fortune.
Il parcourut le monde et rapporte dans son récit  mille péripéties liées à sa passion qu'on aurait pu croire plus tranquille.
La collection  De Natura Rerum dans laquelle est publié l'ouvrage se pique (normal, hélas, pour les papillons !) de mêler rigueur scientifique, plaisir de la lecture et plaisir des yeux.
Le libraire, enchanté, estime que son but est atteint.




vendredi 9 octobre 2015

Qui est Robert Walser ?

Robert Walser, L'Enfant du bonheur
et autres proses pour Berlin, traduit
de l'allemand par Marion Graf, Zoe,
298 pages, 21,50
A côté de ses romans Les Enfants Tanner (1907),
Le Commis (1908) et L'Institut Benjamita (1909), Robert Walser (1878-1956), écrivain suisse de langue allemande,  est l'auteur de nombreuses "petites proses" dans lesquelles son "esprit poétisant " fait merveille. Merveille, le mot pourrait s'écrire au pluriel et devrait être pris au pied de la lettre : dans ses petites proses Robert Walser transforme les menus faits, les choses minuscules, la banalité quotidienne, en merveilles. Sa langue est stupéfiante de précision ; les personnages qu'il esquisse sont aussi évanescents que lui-même : l'auto-dérision est un art qu'il pratique " avec la nonchalance d'un fainéant de génie ". Il n'a pas son pareil, entre enthousiasme et désillusion, pour nous bouleverser sans avoir l'air d'y toucher.
Contrairement aux histrions, il s'en voudrait de faire intempestivement valoir son existence. Voyez :

"C'était en décembre et je logeais dans un pavillon de musique. Avec une décembresque décence, les étoiles, de toute leur hauteur et de tout leur éloignement, scintillaient directement dans ma chambre qui était entièrement vitrée. Dans cette chambre, meublée on ne peut plus simplement, je me permettais, dans une merveilleuse liberté, de penser à ma bien-aimée. Ceux qu'on aime et auxquels on pense sont beaux. Dehors, la neige couvrait le sol. Avant de me coucher, je sortais quelquefois gaiement pour aller danser un petit quart d'heure sur le tapis blanc, et il n'y avait absolument personne pour le remarquer. "

 
Admiré par Robert Musil et Kafka, une brillante carrière dans les lettres lui semblait promise. Une période de dépression semble l'en avoir éloigné. Ou protégé.  Il n'en continua pas moins à publier dans les journaux des textes, petites proses, dialogues et poèmes sous forme de feuilleton.
Il cessera d'écrire en 1933, après être entré dans une clinique psychiatrique quatre ans plus tôt. Ses amis découvriront l'ampleur et la profondeur subtile de ses écrits après sa mort.
On retrouvera son corps dans la neige, une nuit qu'il avait marché jusqu'à l'épuisement.
Une nuit de Noël.


Robert Walser


jeudi 8 octobre 2015

Avec Marie Sizun

Marie Sizun, interrogée par le journal La Montagne,
 ce jeudi 8 octobre à l'occasion de sa venue à la librairie samedi prochain.
Photo Claude Monier.
" La nuit quand tu dors, il arrive des choses comme si c'était vrai. Des choses mystérieuses qu'au réveil tu as un peu oubliées mais dont le souvenir intermittent et incomplet te ravit et t'étonne : lieux inconnus et si beaux où tu t'es promenée ou, au contraire, retour furtif et tendre au petit appartement parisien ; personnages nouveaux qui t'éblouissent ou visages familiers que tu retrouves  avec bonheur ; voix d'une douceur connue ou d'une tessiture surprenante...
Le miracle des rêves de la nuit, tu voudrais tellement, au matin, pouvoir en parler, raconter...
Mais à qui ? "

Marie Sizun, La Maison-Guerre (Arléa)
Prix des Lecteurs A la Page 2015
 
 
 
 

mercredi 7 octobre 2015

Un peu de silence

Oui, taisons-nous un peu.
Rendons-nous disponibles.
A ceci.
 
Grand masque wauja (Mato Grosso)

Masque d'esprit Hudoq (Iles de la Sonde)

Masque (Nigeria, Yoruba)
Ces masques font partie de l'étourdissante collection du musée Branly.
Les éditions La Martinière
en ont reproduit une centaine
dans un fantastique imagier
Trésors de maques du Musée du quai Branly.
Taisons-nous donc.
 
Trésors de maques du Musée du quai Branly,
La Martinière, 214 pages, 14,90 €
 
 

mardi 6 octobre 2015

A Paris

Nicolas d'Estienne d'Orves,
Dictionnaire amoureux de Paris,
716 pages, 25 €
Pourquoi ne pas prolonger la lecture du Dictionnaire amoureux de Paris que vient de publier Nicolas d'Estienne d'Orves (Plon) par deux autres œuvres amoureuses parues dernièrement ?
Philippe Le Guillou,
Paris intérieur,
L'arpenteur, 80 pages,
9,90 €
L'une est signée Philippe Le Guillou, amoureux du cœur (!) de Paris. Du quartier du Sentier et des alentours immédiats, dont il connaît intimement l'histoire, les recoins, les petits commerces, les petits métiers.
L'autre s'apparente à un classique puisqu'elle est l'œuvre d'Henri Calet (1904-1956), l'un des grands arpenteurs de la capitale du XXe siècle,  avec Léon-Paul Fargue, Eugène Dabit (l'auteur d'Hôtel du Nord), les surréalistes,
André Hardellet, Jacques Réda...
Ces Huit quartiers de roture, écrits en 1949, n'avaient jamais été publiés et concernent les promenades que fit Calet dans les XIXe et XXe arrondissements, de La Villette aux Buttes-Chaumont. On y retrouve le ton désabusé, l'humour à fleur de peau de l'auteur du Tout sur le Tout et sa prédilection pour les petites gens.
Le livre, paru au Dilettante, est accompagné d'un CD contenant de larges extraits des émissions radiophoniques auxquelles donna lieu Huit quartiers de roture.
Henri Calet, Huit quartiers de roture,
Le Dilettante, 222 pages, 20 €

lundi 5 octobre 2015

Ennemis et flatteurs

Plutarque, Comment tirer profit de ses
ennemis, traduit du grec et présenté
par Pierre Maréchaux, Rivages poche,
175 pages, 8,15 €
Les moralistes ne sont pas nés en France
 et avec La Rochefoucauld (1613-1680).
La preuve : Plutarque (46-125), dont
les éditions Rivages poche (re)publient
deux traités fort utiles pour la vie en société. Oui, en 2015.
Le premier est intitulé Comment tirer
profit de ses ennemis ; le second, plus long,
Sur le moyen de distinguer le flatteur d'avec l'ami.
" Plutarque y introduit tout l'art d'un
causeur érudit, mêlant à l'occasion plaisanteries, anecdotes, mythes, discussions conformément aux
bons usages de l'élégance, de la politesse et de la rigueur ", écrit Pierre Maréchaux dans sa préface.
La réflexion que suggère immédiatement
ces deux textes, c'est que l'ennemi est moins dangereux,
en un sens, que le flatteur. L'un peut nous conduire
à nous perfectionner dans le combat que
nous menons contre lui. Tandis que l'autre,
en cherchant à nous plaire ne vise qu'à
endormir notre vigilance.
" Ondoyant et divers, tel est le flatteur ", prévient
Plutarque. Tandis que " les vices des ennemis
nous rendent nos vertus plus chères. "
A méditer, songe le libraire.


Buste de Plutarque

dimanche 4 octobre 2015

La science amusante

Il était une fois Arthur Good, alias Tom Tit. Nous étions au XIXe siècle et les éditions Larousse publiaient 300 expériences scientifiques à réaliser par les enfants ou en famille. Il y a dix ans, le même éditeur a republié ce chef-d'œuvre de vulgarisation, avec les célèbres gravures de Poyet qui les ornait, comme celle que l'on voit ici à gauche.
Tom Tit proposait des tours qui devaient distraire les dimanches de pluie sans matches de rugby à la télévision ni librairie ouverte dans le quartier (A la Page est ouverte le dimanche entre 15 et 18 h 30).
Des tours de magie que l'on pouvait réaliser sans s'énerver (bien sûr) avec les objets usuels dérobés dans les cuisine ou dans la boîte à outils du grand-père : des assiettes, des fourchettes, des bouteilles de champagne vide, des morceaux de savon.
On retrouve cet esprit agréablement frapadingue dans le livre de Florian Briant, publié chez Belin, et intitulé Electrocuter un cornichon et autres expériences galvanisantes. Il fait suite à Faire léviter de l'eau et autres expériences ébouriffantes.
L'auteur est agrégé de sciences physiques et diplômé de l'école des Mines de Nancy. Il faut ce qu'il faut. Ses expériences gondolantes nous familiarisent avec la zététique, le sens vestibulaire, la thermoception et les ondes électromagnétiques. Entre autres.
Chaque expérience est minutieusement expliquée et peut être réalisée. L'histoire des sciences (et, un peu, de la magie) y est présente. On ne peut se refuser le plaisir de ces cornichons-là (non plus).

Florian Briant, Electrocuter un cornichon et autres
expériences galvanisantes, Belin, 176 pages, 19,90 €