samedi 1 octobre 2016

Les lettres d'André Breton

André Breton, Lettres à Simone Kahn
1920-1960, présentées et éditées par
Jean-Michel Goutier, Gallimard, 383 pages, 23,50 €
Comment le libraire a-t-il pu l'oublier ? Honte à lui, qu'il se couvre la tête de cendres !
Le 28 septembre était le jour de la disparition d'André Breton (en 1966).
Au mois de juin dernier a paru un volume de ses lettres à Simone Kahn, que l'auteur de Nadja avait rencontré au jardin du Luxembourg et qui devint sa première épouse en 1921. Ils se sépareront en 1929.
De Simone, Aragon dira magnifiquement : 
" Elle vient du pays des oiseaux-mouches, ces petits éclairs de musique, elle ressemble au temps de tilleuls "

Mais revenons à Breton qui écrit à Simone Kahn, le 19 août 1920 :
" Je voudrais lire un livre entièrement dans ce ton : ' Dès que l'aurore a paru, les jeunes filles vont cueillir des roses...  ' Ce n'est même pas bête ;
avez-vous entendu parler de quelque chose de semblable ? "
le 1er septembre 1920 : " (...) Les choses qui me semblent laides, je fais en sorte de n'avoir aucun contact avec elles. "
Le 20 septembre 1920 : " Il est impossible d'écrire quelque chose de beau sans amour. Je crois que la poésie ne peut avoir d'autre source. "
Deux jours plus tard (écoutez bien, pesez chaque mot, car l'on a si souvent caricaturé Breton)  :
" Si j'étais l'auteur d'une Saison en enfer, je voudrais être aussi l'auteur d'un Saison au paradis. "
Le 26 septembre : " Je crains noir pour que blanc arrive. "
Le 7 juillet 1925, ayant la guerre du Maroc à l'esprit : " Qui parle donc après cela d'écrire encore des poèmes, et le reste ? "

Le groupe surréaliste, photographié par Man Ray. Simone au cœur.


vendredi 30 septembre 2016

Regain de Michel Serres

Michel Serres, Darwin, Bonaparte et le Samaritain,
Le Pommier, 250 pages, 19 €
Il a fait grand beau, hier.
Le libraire a en outre lu ces lignes dans le dernier livre de Michel Serres :

« Je supplie mes lecteurs de consulter ce tableau, déjà cité plus haut, de l’afficher devant leurs yeux, de le consulter en permanence, pour ne pas se laisser abuser par les annonces quotidiennes des médias, qui ne parlent que violences, assassinats et cadavres pour entretenir la terreur. Homicides et violences ne cessent de baisser dans le monde. En particulier, voici des chiffres officiels donnés par et pour les États-Unis, concernant l’année 2011 : dix-sept citoyens de ce pays moururent d’attentats terroristes, aussi bien sur leur territoire qu’en Afghanistan ou en Irak ; en comparaison, le tabac fit, la même année, dans le même pays, quatre cent mille victimes (10% des morts dans le monde, alors que les guerres y sont pour 0,31%), les accidents d’automobile deux cent mille, l’alcool quatre-vingt mille ; il y eut, enfin, cinquante mille homicides par balle, grâce à la liberté du port d’armes. Alors que ces citoyens ont une chance sur sept cent mille d’être tués par la chute d’un astéroïde, ils ont une chance sur dix millions de mourir du terrorisme. Cependant, l’État américain dépense des centaines de milliards de dollars pour se protéger contre ce monstre. Absurde, cet état de choses se répète de manière à peu près équivalente dans les autres pays occidentaux (...) Enfin, la courbe des violences ne cesse de baisser dans le monde : en France, le nombre de meurtres a été, depuis le Moyen Âge, divisé par deux ; en Europe occidentale, ce même nombre d’homicides a été, en sept siècles, divisé par cent. Nous vivons en paix plus que, drogués, nous le croyons. »





jeudi 29 septembre 2016

Maurice Sendak : encore !

Maurice Sendak, Loin, très loin, traduit par
Françoise Morvan, MeMo, 54 pages, 15 €
Maurice Sendak est surtout connu dans la littérature enfantine pour  Max et les Maximonstres.  Mais, après celle de La Fenêtre de Kenny, la republication chez MeMo de deux pépites originellement parues dans les années 1950 montre que Maurice en avait  bien davantage sous le pied.
Loin, très loin dont il est l'auteur du texte et de l'illustration, est un petit chef-d'œuvre d'humour rêveur. Le jeune Martin fait équipe avec un chat, un cheval et un moineau pour se rendre au pays où ... nous ne voulons pas révéler où.
Un trou, c'est pour creuser associe très étroitement le texte de Ruth Krauss et les illustrations gorgées de tendresse de Maurice Sendak. C'est comme un dictionnaire illustré des choses les plus définitivement drôles, et fondamentalement simples, que l'on peut faire ou observer dans le cycle de la vie. " Les orteils, c'est pour danser dessus " ; " Un château, c'est pour construire avec du sable " ; " La boue , c'est pour sauter dedans, glisser dedans et crier youplaboummyouplaboum ".
Vérités implacables.
Le texte a été traduit par Françoise Morvan et il est encore à souligner la qualité des traducteurs que s'est toujours valu Sendak en français : d'Armel Guerne à Pierre Leyris, en passant par Bernard Noël.


Petite biographie de Maurice Sendak

" Benjamin d'une famille de trois enfants, d'origine hongroise, Maurice Sendak est né à New York dans le quartier populaire de Brooklyn. Dès l'âge de neuf ans, il crée et illustre, avec l'aide de son frère Jack, des livres pour les enfants. En 1951, début de sa carrière professionnelle, Maurice Sendak fait publier plus de soixante ouvrages par le suite.
Maurice Sendak bouscule les traditions du livre pour enfants aux Etats-Unis. Il fit l'objet de violentes attaques lors de la parution en 1963 de Max et les maximonstres. On lui reprochait de mettre en scène des images violentes et de remettre en question l'autorité des parents. Depuis, ce chef-d'œuvre est un des best-sellers de la littérature enfantine.
Il a reçu en 1970 le prix Hans Christian Andersen pour l'ensemble de son œuvre et restera l'un des plus talentueux illustrateurs de son époque.
Maurice Sendak s'est éteint le 8 mai 2012 à l'âge de 83 ans (...) "
(www.ricochet-jeunes.org)


Ruth Krauss, Maurice Sendak,
Un trou, c'est pour creuser, traduit par
Françoise Morvan, MeMo, 32 pages, 14 €
 

mercredi 28 septembre 2016

Le philosophe et le romancier

Charles Pépin, Les Vertus de l'échec,
Allary éditions, 232 pages, 18,90 €
Parfois, le philosophe rencontre le romancier.
" Il est des victoires, écrit Charles Pépin,  le philosophe, qui ne se remportent qu'en perdant
des batailles -- énoncé paradoxal mais qui, je crois,
contient quelque chose du secret de l'existence
humaine.  Hâtons-nous donc d'échouer, car alors nous rencontrons le réel plus encore que dans le succès. 
Parce qu'il résiste, nous le soumettons à la question ;
nous le regardons sous tous les angles. Parce qu'il nous résiste, nous y trouvons un appui pour prendre notre élan."

Et Laurent Gaudé, le romancier : " Nous avons perdu. Non pas parce que nous avons démérité, non pas à cause de nos erreurs ou de nos manques de discernement,
nous n'avons été ni plus orgueilleux ni plus fous que d'autres, mais nous embrassons la défaite parce qu'il n'y a pas de victoire et les généraux médaillés, les totems que les sociétés vénèrent avec ferveur, acquiescent, ils le savent depuis toujours, ils ont été trop loin, se sont perdu trop longtemps pour qu'il y ait victoire. Ecoutez nos défaites. "
Laurent Gaudé,
Ecoutez nos défaites, Actes Sud,
286 pages, 20 €

lundi 26 septembre 2016

Les voix de Gaëlle Josse

Gaëlle Josse, De vives voix,
Le Temps qu'il fait, 88 pages,
13 €
" Pourquoi écrire ? Pour éveiller, pour découvrir ma voix. Entreprise d'extraction, d'excavation, de forage, par tous les temps, par tous les vents, jusqu'à atteindre et libérer le gisement enclos dans les gangues du souvenir, de la pensée, de la sensation, le remonter à la surface et lui donner forme. Jusqu'à reproduire la note entendue en songe. Trouver l'accord entre mon écriture et moi, entre ma voix et moi. Me voilà sage-femme et parturiente de ma  propre voix. Partition, parturition. La page blanche, la page vierge, comme l'air qui accueille le chant à venir. Air, aire d'accueil. Essais, tentatives, brouillons, ratures. Arpèges, vocalises. Un jour, la note juste. "

Ces lignes sont tirées du nouveau livre de Gaëlle Josse De Vives voix.
Et Gaëlle Josse, nul ne l'ignore, est la lauréate du Prix des Lecteurs A la Page 2016.
Vous pourrez entendre sa voix tout votre soûl le 18 novembre prochain, date de sa venue à Vichy.

Photo de la bibliothèque personnelle de Gaëlle Josse
par Gaëlle Josse elle-même

dimanche 25 septembre 2016

Rêvez, il en restera toujours quelque chose

Victor Hugo, Le Promontoire du songe,
préface d'Annie Lebrun, L'Imaginaire,
112 pages, 6 €
Hugo, dans Le Promontoire du Songe :
" Rêves, rêves, rêves. Les uns grands, les autres chétifs. L'habitation du songe est une faculté de l'homme. L'empyrée, l'élysée, l'éden, le portique ouvert là-haut sur les profonds astres du rêve, les statues de lumière debout sur les entablements d'azur, le surnaturel, le surhumain, c'est là la contemplation préférée. "

Rimbaud dans Les Illuminations :
" J'ai tendu des cordes de fenêtre à fenêtre, des guirlandes de clocher à clocher, des fils d'or d'étoile à étoile, et je danse. "

Hugo, dans Le Promontoire du Songe encore :
" Tous les matins chacun fait son paquet de rêveries et part pour la Californie des songes. "

Ces mots vous touchent ? Alors, rendez-vous à Marseille, au musée Cantini entre le 17 septembre 2016 et le 22 janvier 2017 pour l'exposition " Le Rêve ". Ou bien procurez-vous son catalogue du même titre.
Il se trouve non loin du canapé rouge.

[Collectif] Le Rêve, Réunion des Musées Nationaux,
193 pages, 35 €