samedi 28 février 2015

Entre les lèvres du baiser...

... la vitre de la solitude.
Combien de fois le libraire, étant adolescent, s'est répété les deux seuls vers
de ce poème que Roger Gilbert-Lecomte (1907-1943) intitula
 "Les frontières de l'amour " :
 
Entre les lèvres du baiser
La vitre de la solitude
 

Roger Gilbert-Lecomte,
La Vie, l'Amour, la Mort,
le Vide et le Vent
Poésie Gallimard, 7,10 €

Le poème se trouve dans ce recueil d'un poète qui pratiquait la poésie noire (comme on parle de la magie noire pour l'opposer à la magie blanche). Un poète de l'intransigeance qui, délibérément, coula à pic dans l'autodestruction, la drogue, entre les bras de Monsieur Morphée.
On pourrait lui comparer, en France, Jean-Pierre Duprey, Stanislas Rodanski, Jacques Prével, Antonin Artaud, tous quatre grands lyriques du soleil et du miroir noirs.
Roger Gilbert-Lecomte fit partie du groupe Le grand Jeu, qui ne connut d'égal en intensité que celui des surréalistes. Son ami, son phrère  lui-même, René Daumal (1908-1944), finit par rompre avec lui,  optant pour la poésie blanche, après un long débat interne.
Il semble seulement au libraire que Roger Gilbert-Lecomte méritait une anthologie plus étoffée (ses Œuvres complètes parues aux mêmes éditions Gallimard comportent deux volumes, comptant respectivement 376 et 288 pages.) Il est vrai qu'existe dans la même collection de poche un volume consacré aux Poètes du Grand Jeu.
Le livre et Gilbert-Lecomte méritaient aussi des marges dignes de ce nom... Ils méritaient

Un palais aux murs
De vent

Un palais dont les tours
Sont de flamme au grand jour

Un palais d'opale
Au cœur du zénith
 
Mais voici l'heure d'une découverte bouleversante.
Le choix de poèmes et de textes, ainsi que la présentation, sont de Zéno Bianu. Avec, en préface, un texte d'Antonin Artaud.
 
 
 


vendredi 27 février 2015

Conférence sur les villes d'Auvergne

La Bourboule
Les citadins auvergnats évoluent quotidiennement dans des formes urbaines qui vont " du spectaculaire au plus ordinaire ", affirme Bénédicte Renaud Morand.
Pour nous apprendre à mieux lire cet univers citadin elle a publié l'ouvrage Les Villes en Auvergne et viendra tenir une conférence sur ce thème ce samedi 28 février 2015, à 15h30.
Les portes de la librairie vous sont ouvertes. La conférence est gratuite et accessible à tous. A vous voir nombreux samedi.

Clermont-Ferrand. Place de Jaude

jeudi 26 février 2015

Isabelle Mestre

Isabelle Mestre
Bonne nouvelle ! Isabelle Mestre, premier Prix des Lecteurs A la Page pour L'Arpenteuse, paru au Mercure de France en 2008 (déjà... le lecteur réprime un sanglot mélancolique) reviendra prochainement à Vichy et dans le cadre de notre partenariat avec le Petit Théâtre Impérial.
Après La Femme au rivage (Jean-Pierre Huget éditeur) paru en 2011,
Isabelle publie aujourd'hui Jeanne Lanvin : Arpèges aux éditions Le Passage.
Nous en reparlerons, c'est sûr. 
Isabelle Mestre, Jeanne Lanvin : Arpèges
172 pages, Le Passage, 16 €

mercredi 25 février 2015

Edward Hopper à la première personne

Karin Müller, Edward Hopper... exprimer
une pensée par la peinture.
Coll. Je biographe, Michel de Maule, 76 pages, 17 €
Rédiger la biographie d'un écrivain, d'un personnage historique ou d'un peintre à la première personne, pourquoi pas ? Marguerite Yourcenar l'a tenté dans un grand livre : Les Mémoires d'Hadrien.
Le libraire avait consacré un billet, le 8 février dernier, au livre d'Olympia Olberti sur Etty Hillesum, également rédigé à la première personne.
Alors après je suis Hadrien et je suis Etty, Karin Müller s'est glissée dans la peau du peintre américain et nous dit : je suis Edward Hopper (1882-1967), le peintre de la mélancolie et de l'attente de quelque chose.
Son récit biographique est simple,épuré, comme l'art de Hopper. Il permet de croiser tous ceux qui ont compté dans sa carrière, Renoir, Pissarro, Degas ; son ami Dos Passos ; les lieux où il a vécu, à Paris ou au Cape Cod ; ses nombreuses lectures ; ses toiles, célèbres dans le monde entier.
L'essentiel de Hopper, en quelque sorte.


Cape Cod evening, 1939

mardi 24 février 2015

Les essais de Virginia Woolf

Le libraire aime bien les correspondances, les journaux, les recueils d'articles et d'essais.
Formes d'écriture secondaires, laisse-t-on parfois entendre. Mais nullement insignifiantes, soutient le libraire, et bien supérieures en tous cas à un roman mauvais ou un récit moyen.
Par sa facture libre et directe, sa fantaisie, ses airs de conversation détendue ou sa gravité, son intimisme ou, au contraire, ses face-à-face avec l'actualité et les questions universelles, il nourrit les idées et les sensibilités. Chacun a envie de penser à sa suite, comme dit Marcel Conche, car l'essai, contrairement aux discours clos sur eux-mêmes ne se prétend jamais achevé, toujours à repenser.
Il existe ainsi un art de l'essai auquel en France Montaigne a donné le branle et porté à sa plus haute expression et toute une tradition anglaise, nous y venons, dont les auteurs sont moins connus ici, mais qui court du XVIIIe siècle à nos jours. Et passe donc par Virginia Woolf.
Ce recueil en donne une excellente illustration sur des thèmes variés, qui font l'un des charmes supplémentaires de ce genre d'écrits.
Une promenade nocturne, une réflexion sur la maladie, des considérations sur la paix et la guerre, une rêverie sur les pouvoirs de la lecture, des souvenirs de promenade : la malle aux trésors est ouverte. Bon voyage dans vos rêves, vos pensées et vos souvenirs !
Virginia Woolf, Essais choisis. Traduction nouvelle et édition de Catherine Bernard. Folio classique, 533 pages, 9,00 €.

Une édition anglaise d'Orlando


Juan José Saer et les Indiens

Dès la première page de ce roman oublié*, le lecteur est emporté, émerveillé. Saer, écrivain argentin (1937-2005), se fonde sur un fait réel, la captivité pendant quinze ans d'un jeune marin espagnol du XVIe siècle (on pense alors à ce qui arriva à Cabeza de Vaca et à la relation qu'il fit de son voyage) dans une tribu d'Indiens anthropophages.
A son retour, le marin de Saer, devenu un vieil homme, entreprend de raconter ce qu'il a vécu chez eux. Sans voyeurisme, ni mépris, ni pitié. Et il comprend alors que ces Indiens connaissent la vraie vie, ensorcelante, et que ces quinze années ont été les plus riches de sa propre existence.
La langue de Juan José Saer est d'une richesse  et d'une précision magnifiques. Sa traductrice, Laure Bataillon (1928-1990), qui œuvra beaucoup en faveur de la littérature latino-américaine, a été primée pour L'Ancêtre

Juan José Saer, L'Ancêtre, traduit de l'espagnol (argentin) par Laure Bataillon et suivi d'une préface d'Alberto Manguel, Tripode, 185 pages, 17 €.

* L'Ancêtre est paru la première fois en français en 1987, chez Flammarion.
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Juan José Saer

lundi 23 février 2015

L'homme qui tenait le monde dans ses pieds

Bernard Ollivier est l'auteur de Longue marche (éditions Phébus) un énorme succès de librairie : plus de 400.000 exemplaires vendus !
Dans cette trilogie, Bernard Ollivier racontait son odyssée : 12.000 kilomètres parcourus pédestrement sur la route de la Soie. Quatre saisons passées à marcher, non par goût de l'exploit sportif ou désir d'aller au bout de ses possibilités, mais pour se reconstruire après une période de dépression profonde.
Alors, les vertus de la marche, Bernard Ollivier les connaît. Et il entend les partager avec d'autres : en mai 2000, il crée l'association Seuil pour tenter de venir en aide à des adolescents en grande difficulté, condamnés à des peines de prison, en leur proposant le contrat suivant : marcher quasiment 2000 kilomètres, sac au dos, sans téléphone, ni réseaux dits sociaux et sans contrainte non plus. Ils  bénéficient de quatorze euros par jour. A tout instant, ils peuvent décider de s'arrêter.
Bernard Ollivier,
Marche et invente ta vie,
Arthaud, 230 pages, 15 €
Ce que gagnent (ou ne gagnent pas) sur eux-mêmes et sur leur destin, ces jeunes confiés par des juges, est raconté dans le livre que publie aujourd'hui Bernard Ollivier chez Arthaud : Marche et invente ta vie.
Le fonctionnement de l'association Seuil  (www.assoseuil.org) et ses buts y sont exposés en détail.
Au début du livre figure une sentence de Sartre :
" L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous. "


Le librairie rappelle modestement que Bernard Ollivier avait reçu pour son roman Histoire de Rosa qui tint le monde dans sa main (Phébus) le Prix des Lecteurs A la Page 2013.


Bernard Ollivier, invité de la librairie à l'automne 2013, pour le Prix des Lecteurs A la Page

  

dimanche 22 février 2015

Les citations du jour (2)

On parle toujours d'originalité, mais qu'est-ce que cela veut dire ? Dès notre naissance, l'univers commence à influer sur nous et cela continue ainsi jusqu'à la fin. Et d'ailleurs, que pouvons-nous appeler "nôtre", si ce n'est l'énergie, la force, la volonté ? Si je pouvais dire tout ce que je dois à mes prédécesseurs et à mes contemporains, il ne me resterait pas grand-chose.

                                                                                Goethe







                Comment rendre notre gagne-pain poétique ?
                                          
                                  Henry-David Thoreau





On n'écrit pas pour être connu, admiré, adulé et rien n'est plus absurde que l'ambition littéraire. On écrit pour connaître les inconnus qui puisent aux mêmes sources d'exigences et de jouvences, pour chercher l'Autre en soi (et peut-être le Soi des autres), et aussi pour " s'ajouter au monde ", selon la belle expression de Jean Giono, ce qui est l'exact antipode de l'ambition littéraire. Personnellement, j'ajouterai que j'ai aussi le sentiment d'écrire pour augmenter le mystère du monde et non pour le résoudre, tâche qui incombe davantage aux savants qu'aux poètes.              
                                                                            
                                                                              Jacques Lacarrière