samedi 5 mars 2016

Se souvenir ou ne pas se souvenir...

Lydia Flem, Je me souviens de
l'imperméable rouge que je portais
l'été de mes vingt ans, Seuil,
246 pages, 17 €
On se souvient que Georges Pérec avait emprunté en 1978 ses célèbres " Je me souviens..." à Joe Brainard.
 "Je me souviens des jeux à l'élastique à l'école. " ; " Je me souviens des malabars achetés chez la confiseuse au coin de la rue. "; " Je me souviens de lectures sous les draps, le soir
à la lampe de poche. " Et ainsi de suite.
Depuis, l'idée a fait son chemin et on ne compte plus les souvenirs qu'ont pu provoquer ceux de Pérec. Jusqu'à devenir une sorte de jeu apprécié dans les salons.
Lydia Flem vient de revisiter à son tour Pérec qui avait revisité Brainard en nous offrant un Je me souviens de l'imperméable rouge que je portais l'été de mes vingt ans. Pérec avait listé 480 Je me souviens ; Lydia Flem 479.
Léger avantage à Pérec.
Et puis, arriva celui qui devait arriver : Mathieu Lindon.
Mathieu Lindon qui vient tout mettre par terre. Car, lui,
ne se souvient pas. Si peu même qu'il confie : " Je ne me souviens pas de la différence entre ne pas se souvenir et ne plus
se souvenir, il y eut pourtant un moment où elle me passionna. "
Mathieu Lindon prend d'autres libertés avec le modèle :
ses Je ne me souviens pas ne sont pas numérotés ; ni ne sont aussi brefs. Mais on ne sent pas vraiment perdu.
Se souvenir ou ne pas se souvenir : la question est d'actualité en cette année anniversaire de la mort de Shakespeare.
Mathieu Lindon, Je ne me souviens pas,
P.O.L., 157 pages, 14,90 €

vendredi 4 mars 2016

Echos d'Hugo

Henri Gourdin, Les Hugo, Grasset,
480 pages, 22 €
Les Hugo : ce titre ne signifie pas que, pour son auteur, il y ait eu plusieurs Victor en lui (encore que cela pourrait se concevoir et s'argumenter). Ni différents Hugo successifs (ce qui correspond à la vérité, la deuxième partie de sa vie exprimant des choix différents de la première). Non, ce que Henri Gourdin propose dans ce nouveau livre (après Adèle, l'autre fille de Victor Hugo et Léopoldine, l'enfant muse de Victor Hugo) est une multi-bibliographie de la parentèle hugolienne.
Depuis le père officiel de Victor, le général
Léopold-Sigisbert Hugo, jusqu'à Jean Hugo,
le peintre, décédé en 1984 sans oublier François-Victor Hugo, fils de Victor et grand traducteur de Shakespeare.
Cinq hugoliennes générations se retrouvent ainsi réunies pour la première fois.
On retrouve Hugo (Victor) dans une des très belles publications auxquelles nous a habitués la maison Victor Hugo, à Paris. Très belles physiquement et très belles par les thématiques, originales et pointues à la fois, qui sont abordées.
Eros Hugo. Entre pudeur et excès, est le titre du livre, en même temps que celui d'une exposition ayant lieu sur le lieu du crime, dans un des coins de la place des Vosges, ce qui ne gâte rien.
C'est le décalage entre la grande sagesse des écrits de Victor en matière d'amour et le dérèglement de sa conduite intime, dont on a souvent fait des gorges chaudes, qui se trouve au centre du débat.
Le libraire kife, on l'avait compris.

Eros Hugo. Entre pudeur et excès,
Maison de Victor Hugo/Paris Musées, 35 € 

jeudi 3 mars 2016

L'art de la chronique

 
Dany Laferrière, L'Art presque perdu de ne rien faire,
Grasset, 432 pages, 20,90 €
Les recueils de chroniques, d'articles, d'essais ont la cote chez les éditeurs.
Une petite cote encore, qui n'atteint pas celle du roman, mais qui ne déplaît pas au libraire : une chronique, un article, un essai peuvent couvrir tous les champs. De l'histoire à la philosophie, en passant par l'esthétique et la musique ou le sport (Antoine Blondin, par exemple, était fortiche dans ce dernier domaine).
Les chroniques, les articles, les essais peuvent être savants, corrosifs, badins, insolents, d'humour et d'humeur.
Ils peuvent être chronologiques, ramassés sur un thème ou partir dans tous les sens.
À la différence de la nouvelle, ce ne sont pas des fictions.
Ce qui n'empêche qu'ils peuvent être des œuvres d'art : tournez-vous vers Alexandre Vialatte. Voyez aussi Léon-Paul Fargue et Georges Borgeaud du côté des classiques du XXe siècle et pour rester dans le domaine français.
Du côté contemporain et tout récent, vous trouverez un bon exemple chez Dany Laferrière.
Pierre Jourde vient de publier, lui, le deuxième tome de C'est la Culture qu'on assassine (Hugo Doc).
Parmi les humoristes (après les riches heures de Pierre Desproges), arrive à l'instant Didier Tronchet et les cent chroniques de son " Petit imprécis de culture approximative " : L'Univers à peu près (Les Echappés)
Chez les Américains, très proche de la littérature et des écrivains français, est arrivé un nouveau recueil de Paul Auster qui ne déçoit pas.

Paul Auster, La Pipe d'Oppen,
traduit de l'anglais (américain)
Actes Sud, 184 pages, 18,80 €





mercredi 2 mars 2016

Le Grand Jeu

Claire Barré, Phrères, Robert Laffont,
246 pages, 18 €
Le groupe formé en 1922 par René Daumal, Roger Gilbert-Lecomte, Roger Vaillant et Robert Meyrat autour de leur revue Le Grand Jeu est moins connu que celui des surréalistes.
Il a tenu cinq ans, de 1927 à 1932, comme une société poétique et initiatique secrète. Et qui s'y frotte s'y pique, car le niveau d'exigence, d'absolu, qu'il s'était fixé n'avait d'égal que celui dont approchèrent Jacques Vaché ou Antonin Artaud. Même révolte, même jusqu'au-boutisme, à la vie à la mort.
« Le Grand Jeu est irrémédiable ; il ne se joue qu'une fois. Nous voulons le jouer à tous les instants de notre vie », dira Roger-Gilbert Lecomte.
Intraitables avec eux eux-mêmes, avec leur époque, avec la société occidentale, Nathanaël (le surnom de René Daumal) et Gilbert, les deux phrères, finiront par se séparer, et Gilbert par s'anéantir dans la drogue.
Mais Phrères, le roman dans lequel Claire Barré retrace leur jeunesse, s'arrête avant ce point : 
« Les deux incandescents se dévisagent en silence. Pressentant les heures glorieuses, les drames obscurs.
"On s'aime tous les deux. On s'aime pas vrai ?" interroge Lecomte dans un souffle.
-- Plus que ça même. »
A qui voudra approcher de l'intérieur le groupe des phrères simplistes, le libraire suggère la lecture de La Défaite, le récit-culte, rageur et auto-critique, de Pierre Minet, le cinquième phrère du Grand Jeu. On y on retrouve les existences météoriques de Daumal et de Gilbert-Lecomte et leurs aventures incomplètes, nécessairement incomplètes.


Pierre Minet, La Défaite, Allia,
251 pages, 9 €

mardi 1 mars 2016

Un livre tranchant


Marc Prival, David G. Morel, Michel Sablonnière,
Georges There, L'Art du coutelier à Thiers et
dans sa région, éditions des Monts d'Auvergne,
355 pages, 55 €
" Douk-douk ", " rifloir ", " parsonnier ",
" soubare ", " allochons ", " linerlock " :
avec  le vocabulaire technique de la coutellerie, on peut faire des tas de poèmes incompréhensibles : " peilharots ", " sabre d'abattis ", "galalithe "...
Mais le mérite de L'Art du coutelier à Thiers et dans sa région où l'on découvre ce lexique
dépasse de loin ce jeu innocent, mais négligeable, avec les mots.
Ce sont six siècles d'histoire d'une activité, d'un bassin de production, d'un savoir-faire, d'hommes et de familles qu'il embrasse et restitue.
La coutellerie s'est installée dans le bassin de Thiers au XVe siècle, à côté des papetiers,
des tanneurs et des fabricants de fils, entre autres artisans et industriels.
Le livre, superbement illustré, en retrace le développement, le rayonnement, puis l'apogée au XIXe siècle.
Un de ses chapitres est consacré à " la culture et à l'imaginaire ", où l'on trouvera des chansons, des contes, des romans liés à l'exercice de la coutellerie.
Un autre, passionnant, traite de l'urbanisme thiernois et de l'architecture des maisons dans ses rapports avec l'industrie des couteaux. De l'origine à nos jours. 
Les auteurs présentent eux-mêmes leur livre sur cette vidéo :
 


lundi 29 février 2016

En lisant Charles-Louis Philippe



Charles-Louis Philippe, Marie Donadieu,
Editions Ombres, 222 pages, 10,20 €
" Il sortirent, ils ne réfléchirent pas beaucoup
et s'arrêtèrent dans un café du boulevard Saint-Michel.
Il était imposant, avec trois étages, dont un sous-sol,
avec des chaises en cuir, avec des tables lourdes, en marbre épais, avec des vitraux, avec les plafonds conventionnels du Quartier Latin, où l'on a peint des étudiants qui lèvent la jambe autour d'une grisette, avec des lampes électriques,
avec des fumées qui se rejoignaient de table en table
et voyageaient au-dessus de la salle, par nappes, avec on ne savait quoi qui se gonflait autour de vous.
 
(Charles-Louis Philippe, Marie Donadieu)







                                          Et, samedi 27 février 2016...
 
 
                                                               Christiane Veschambre...
 
 
lut et interprèta Charles-Louis Philippe,
5, rue Sornin, à Vichy.


 
 
 

dimanche 28 février 2016

Le Prix Goupil 2016

Qui succédera à Jean-Christophe Tixier, le lauréat du prix Goupil 2015 ?
L'un des cinq auteurs des romans suivants
sélectionnés par Géraldine :
 
Johan Heliot
Les Sous-vivants,  Seuil jeunesse
 
Muriel Zürcher,
Robin des graffs, Thierry Magnier

Stéphane Tamaillon,
L'Ultramonde, Seuil

Amandine Penna,
La Revanche de la coccinelle
Oskar

Marie Vermande-Lherm,London panic !
Sarbacane

Adoubé par le jeune jury,
le nom du lauréat sera connu à la fin du mois de mai.