samedi 28 avril 2018

Le Japonais des Années folles


Tandis que le Musée des Arts d'Afrique et d'Asie de Vichy est sur le point de rouvrir ses portes jusqu'au 31 octobre, vous ne pourrez visiter l'exposition Foujita du Musée Maillol que jusqu'au 5 juillet.
Heureusement, le plus parisien des Japonais et le plus japonais des Parisiens se voit consacrer un beau catalogue, concentré sur la période 1917-1931, c'est-à-dire avant son retour dans le Japon impérial, où sa position prête à discussion.
Les différentes facettes du peintre s'y trouvent réunies, jusqu'à son goût pour la photographie et son activité dans les arts décoratifs. La dernière période de sa vie, qui ne se déroule qu'épisodiquement en France, est rapidement évoquée in fine.

Foujita. Peindre dans les Années folles,
Fonds Mercator, 192 pages, 34,95 €

vendredi 27 avril 2018

Métamorphoses de l'Imaginaire

La collection L'Imaginaire fait peau neuve
avec une nouvelle charte graphique.
Toujours sur fond blanc, comme la précédente maquette

de Robert Massin
(et en clin d'œil, peut-être à la collection " Blanche "
des éditions Gallimard dans laquelle elle puise
la plupart de ses titres),
elle fait la part belle à une typographie de création
et rend hommage aux calligrammes d'Apollinaire.


Georges Pérec, W ou Le souvenir
d'enfance, L'Imaginaire, 224 pages,
5,99 €

Guillaume Apollinaire, Lettres à Lou,
L'Imaginaire, 548 pages,
12,90 €

Marguerite Duras, India Song,
L'Imaginaire, 160 pages,
7,50 €
Apollinaire : " La nuit tous les chats sont gris..."
 

jeudi 26 avril 2018

La Confiance en soi

Emerson, La Confiance en soi et autres essais,
traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Monique Bégot,
Rivages, 234 pages, 9 €
Sous le titre La Confiance en soi et autres essais, est proposée une réédition de cinq essais du philosophe transcendantaliste Ralph Waldo Emerson (1803-1882). Loin de se valoir la popularité de son jeune protégé Henry David Thoreau, Emerson sort peu à peu de l'ombre. Les essais présentés sont issus de plusieurs "suites" publiées par Emerson, que le lecteur aurait aimé voir précisément datés, sans nuire, au contraire, à une édition de poche, destinée aux non spécialistes. Ils s'échelonnent de 1836 à 1850.
Le premier de ces essais (La Nature) a connu plusieurs traductions et de plus fluides et précises, tandis que La Confiance en soi et les trois autres textes n'étaient plus accessibles.
On y découvrira ce genre de propos réconfortants :
" Ce que je dois faire est tout ce qui me concerne, non pas ce que pensent les gens. Cette règle également ardue dans la vie pratique et la vie intellectuelle peut servir à mesurer toute la différence entre la grandeur et la bassesse. Elle est d'autant plus ardue que vous trouverez toujours des gens pour penser qu'ils savent ce qu'est votre devoir, mieux que vous ne le savez vous-même. Il est facile, étant dans le mondes de vivre selon l'opinion du monde ; il est facile, dans la solitude, de vivre selon la nôtre, mais il a de la grandeur, celui qui, au milieu de la foule garde avec une suavité parfaite l'indépendance de la solitude." " Qui voudrait être un homme doit être non conformiste. "
Charles Pépin publie sa propre version de la philosophie d'Emerson (et de quelques autres), en puisant ses exemples dans les vies à succès de nos contemporains ou quasi : Madonna, Patrick Edlinger, John Lennon, Serena Williams. Les noms de Nietzsche, Bergson et Marc Aurèle sont également invoqués.

Charles Pépin, La Confiance en soi.
Une philosophie, Allary, 216 pages, 18,90 €

mardi 24 avril 2018

Henriette et Heinrich

Patrick Fort, Le Voyage à Wannsee,
Gallimard, 192 pages, 18 €
On ne peut pas ramener le romantisme allemand du premier XIXe siècle au dénouement tragique d'une amitié -- d'un amour -- fou. Mais qu'un certain nombre de ses traits importants y soient résumés ne fait pas de doute.
Le 21 novembre 1811, les corps sans vie du dramaturge, poète et philosophe Heinrich von Kleist et de son amie Henriette Vogel sont retrouvés côte à côte. Leur mort n'est pas due à un assassinat mais à un double suicide.
Patrick Fort s'est attaché, par le truchement d'un ami commun, à reconstituer la froide détermination du jeune couple à s'anéantir ensemble. Son projet s'appuie sur des documents d'époque et sur la correspondance que Vogel et Kleist adressèrent à leur entourage, dont cette lettre stupéfiante datée du jour même de sa mort et envoyée par Henriette :  
" Mon très cher ami ! Votre amitié qui s'est avérée toujours si fidèle et si dévouée pour moi va se trouver mise à très rude et extraordinaire épreuve. Car il faut que vous sachiez que nous -- je veux dire votre ami Kleist et moi-même -- nous nous trouvons ici, sur la route de Postdam, dans l'auberge Stimming, en situation cruelle et précaire : en effet, nous sommes morts tous les deux d'une balle de pistolet, et nous attendons de la bonté d'un ami bienveillant qu'il veuille bien faire mettre en terre nos fragiles dépouilles..."
Les sentiments qui défilent dans ce roman sont à bien des égards sujets à dispute et démonétisés. La délicatesse, la douceur et la ferveur y ont plus de part que dans beaucoup d'autres. De Berlin, en novembre 1811, Henriette Vogel à Heinrich von Kleist, ces mots presque incompréhensibles : " (...) mon harmonieux, mon parterre de jacinthes, mon aurore, mon crépuscule, mon océan de douceur, ma harpe éolienne, ma rosée, mon arc-en-ciel, mon tout petit enfant sur mes genoux, mon cœur chéri, ma joie dans la souffrance, ma renaissance, ma liberté, mon esclavage, mon sabbat, mon calice d'or, mon atmosphère... "


lundi 23 avril 2018

Drôle de drame

Regina Wong, Faites de la place,
 traduit de l'anglais par Maxime Berrée,
Belfond, 216 pages, 17 €
Ceci est le dialogue entre deux quatrièmes de couverture :

" Et si on faisait de la place... dans nos maisons, nos bureaux, mais aussi et surtout dans nos têtes ? ", demande l'une.
" Mais être un vrai bordélique et se laisser aller est un art ", lui répond l'autre.
" Dans ce guide moderne du minimalisme, clair et ultra-efficace, Regina Wong nous enseigne comment nous délester du superflu et vivre mieux avec moins ", reprend la première.
Qui s'entend rétorquer : " Ce livre va vous apprendre comment vivre dans le bazar (en toute chose et de la cave au plafond), en pleine conscience et dans la joie."
Oui, mais " grâce à des conseils clairs et de précieuses astuces ", Regina Wong " nous apprend à désencombrer notre environnement, mais surtout à faire le tri dans nos croyances, nos habitude est notre quotidien ", réplique l'autre quatrième de couverture.
" Il est temps de reprendre votre vie en main et de la débarrasser de la manie du rangement ", tempête la première.
" Bien plus qu'un guide de rangement, Faites de la place est une philosophie de vie ! ", conclut provisoirement sa rivale.
Bon, eh bien ! le libraire va vous laisser... Ira-t-il jusqu'à vous suggérer d'acquérir les deux : le rangement et le bazar ?

Jennifer McCartney, De la joie d'être
bordélique, traduit de l'anglais (Etats-Unis)
par Alexandra Maillard, Pocket,
122 pages, 6,40 €

dimanche 22 avril 2018

Connaissez-vous Mario Rigoni Stern ?

Mario Rigoni Stern, Le Courage de dire non,
traduit de l'italien par Stéphanie Laporte,
Les Belles Lettres, 310 pages, 15 €
Quelle bonne idée de donner la parole à un écrivain capable de tenir des propos comme ceux-ci :
" Je me considère toujours comme un non-écrivain. Je préfère faire des travaux manuels, plutôt qu'écrire. Je ne suis certainement pas un lettré. Plutôt un illettré. Je raconte des histoires, c'est tout, comme autrefois on en racontait dans les étables. "
Ou bien : "Quelqu'un qui sait bien faire un outil ou un objet est capable de comprendre intensément le matériau bois ou fer autant qu'un lecteur de Leopardi les vers de L'Infini.  Mais peut-être que cette comparaison ne rend pas bien mon idée. Ce que je veux dire, c'est que j'ai connu des lettrés dont la tête étaient fermés à toute forme d'art et des illettrés dotés d'un intérêt profond pour l'art. La culture, nous dit le Devoto-Oli (un dictionnaire italien), est " synthèse harmonieuse des connaissances d'une personne, de sa sensibilité et des ses expériences ". Que dire de plus ? "
On pourrait aussi parler des abeilles avec Mario Rigoni Stern (le libraire ayant de la suite dans les idées) : " Ce n'est pas moi qui fais le miel, ce sont les abeilles. Moi, je récolte leur miel quand il est mûr. C'est-à-dire quand elles commencent à recouvrir les alvéoles d'un petit opercule de cire. Je l'extrais avec une centrifugeuse manuelle, je le filtre et je le mets en pots. C'est tout. Je ne fais rien d'autre, je n'ajoute rien, je ne le réchauffe pas pour le stabiliser ou le faire évaporer.  Il durcit ? Je m'en moque. Il est clair ? Il est granuleux ?  Il est sombre? Il est fort ? Il est doux ?  Il est comme l'ont fait mes abeilles, c'est tout. "
A la question : " Quel genre d'animaux vous intéresse en ce moment, Rigoni Stern répond : " Des grands tétras, des tétras-lyres, des perdrix bartavelles, , des gélinottes des bois, des chamois, des chevreuils, des cerfs, des marmottes. "
Et vous quels animaux vous intéressent en ce moment ?
Les livres de Mario Rigoni Stern (1921-2008) ont été introduits en France par les éditions La Fosse aux ours, discrètes et rigoureuses.
Mario Rigoni Stern, Le Vin de la vie,
traduit de l'italien par Marie-Hélène
Angelini, La Fosse aux ours,
248 pages, 19 €