samedi 9 décembre 2017

L'oxygène de janvier

Joël Gayraud, La Paupière auriculaire,
Corti, 260 pages, 19,50 €
" Je pourrais dire de ma bibliothèque qu'elle constitue mon exsoquelette spirituel, qui grandit avec moi, s'accroit autour de moi, comme la carapace du homard ou de la tortue, et que le nombre de rayonnages peut rendre compte de mon âge aussi bien que les cernes de l'aubier trahissent l'âge d'un arbre. Cet exsoquelette n'est pas une simple carapace, mais un organe sensible, et s'apparente par là à la fonction  respiratoire de notre peau ; ma bibliothèque me protège des agressions de plus en plus intolérables du monde extérieur, mais aussi régule les échanges entre lui et moi. Ces milliers d'ouvrages, lus, relus, soulignés et annotés, jouent le rôle d'une membrane qui me permet de filtrer et d'amener jusqu'à moi la meilleure partie de ce qui s'est pensé au dehors. "
Voilà ce que l'on pourra lire, dès le 4 janvier, dans La Paupière auriculaire, de Joël Gayraud, qui paraîtra aux éditions José Corti.
Impatiemment attendu, chez le même éditeur, Parce que l'oiseau de Fabienne Raphoz.


Fabienne Raphoz, Parce que l'oiseau,
Corti, 192 pages, 15 €

jeudi 7 décembre 2017

Haïku et sonnets

Laurent Albarracin, Plein vent, 111 haïku,
Pierre Mainard, 48 pages, 10 €
Et la poésie dans tout cela ? Voici ce que répond Laurent Albarracin en 111 haïku précisément, des haku de Plein vent. Ce qui donne ces résultats exquis :

Une noix qui tombe
et le silence
se fait coquille

Ecureuil
courant sur la route
grignote la route

Echappe d'une haie
ce juron délicieux :
le merle

Tout y est : la précision de l'observation ; la rapidité de la notation (en 17 syllabes ou non) ; un rien de la malice indispensable.

Et encore :

Crapaud
sourire fendu jusqu'aux flancs
boîte de quelque perle

Robert Marteau a choisi le sonnet (14 vers) et l'alexandrin (12 pieds). Comme ceci :

La vie a été un long loisir, consacrée
Toute à la frivolité, aux jeux de l'amour,
Aux hasards du jeu, à jouer la tromperie.
Ce fut un emploi du temps rigoureusement
Réglé où les imprévus étaient ménagés
Et chaque quiproquo prévu de longue date.
Derrière soi ne pas laisser la moindre trace
Sans qu'il soit question de s'en préoccuper,
Faire de tout son août et jamais n'engranger rien,
Faire d'ailleurs son lieu sans un pas qui y aille,
En ses châteaux loger seulement ses chimères,
Ponctuel improviser l'attente, se rendre
Au rendez-vous manqué rien que pour se le dire,
La vie étant à tout prendre un trop bref loisir.

Robert Marteau tient de la sorte un " journal en sonnets ", dont cet exemple, noté le 19 août 2005.
Robert Marteau, La Venue (liturgie VIII,
2005-2006), Champ Vallon,
192 pages, 16 €

mercredi 6 décembre 2017

L'alliance des produits culturels et des machines à laver : c'est possible !

Toujours bien renseigné, Livres Hebdo de ce jour annonce cette chimère (animal mythique à la tête de lion, au corps de chèvre et à la queue de dragon, dit le dictionnaire. Encore un animal !) : " Le groupe Fnac Darty a annoncé son plan stratégique Confiance + qui doit lui permettre d'enregistrer une croissance supérieure à ses marchés et une marge opérationnelle de 4,5% à 5%.
Dans un communiqué de presse paru le 4 décembre, Fnac Darty dévoile les grandes lignes de son plan stratégique (...). Etabli à moyen terme, celui-ci repose sur de nombreuses initiatives dont " l'ouverture de plus de 200 magasins en franchise en France et dans le monde " et la mise en place d' " un plan d'investissements dédié à la digitalisation des magasins, aux plateformes e-commerce (...) ".



mardi 5 décembre 2017

La Billebaude et les animaux légendaires

Revue La Billebaude N°11, 96 pages, 19,90 €
La Billebaude est une somptueuse revue consacrée à la nature. Plus précisément,
dit son équipe éditoriale, aux " usages et aux représentations de la nature ". Pour son onzième numéro, elle aborde un sujet passionnant et directement relié au billet précédent du libraire : les animaux imaginaires.
" L'homme, affirme Philippe Dulac, n'a jamais pu et ne pourra jamais envisager sa vie sans la compagnie des animaux, et ce couple ne se satisfait pas des rencontres de la vie réelle. Il lui faut, pour s'épanouir pleinement, des rencontres qui relèvent du rêve. "
Paul Shepard, lui, a rédigé une lettre adressée aux hommes (excusez : aux humains) par les animaux, dans laquelle il souligne combien ces derniers " nous ont inspirés et habités en modelant nos imaginaires ". " D'eux nous tirons nos danses, nos parures, nos symboles. " Et d'interroger : " Que font leur disparition massive, aujourd'hui, et leur statut de masse domestiquée ou de sauvage menacé, à nos vies intérieures, à nos arts, et à notre imaginaire ? "
Pour ce numéro, David Christoffel et Nathalie Blanc ont étudié, de leur côté, le comportement d'animaux inventés, tels que l'albatros d'Amsterdam (Diomedea amsterdamensis), le martin triste (acridotheres tristis) ou la fourmi de feu. Suzanne Doppelt et Jean-Louis Giovannoni ont fait de même avec l'escargot de Corse et le rat noir, ce qui ne peut que ravir les poètes.
Le sujet est inépuisable, somptueusement illustré et mis en page.

lundi 4 décembre 2017

Zoo de rêve et rêve de zoo

Charlotte Sleigh, Zoo de papier. 500 ans d'art naturaliste,
traduction Christian Vair, Citadelles et Mazenod,
256 pages, 49 €
On parle parfois d' " architecture de papier " pour qualifier des projets de construction qui n'aboutissent jamais, destinées à rester à l'état de plans ou de maquettes. Le propos du Zoo de papier est autre. Il enferme des animaux de papier, c'est-à-dire de splendides images de sciences naturelles conservées depuis le XVIe siècle. Les amis des bêtes en seront donc deux fois ravis. Le plus beau, d'ailleurs, est que ces tableaux, ces planches, ces estampes qui affichent l'intention d'être fidèles à la réalité du corps animal, de ses poils, de ses plumes, de ses cornes, des ses écailles dépassent leur rôle d'information et envahissent l'imaginaire de celui qui les regarde. Qu'ils se nomment toucan, poisson-globe, poulpe, salamandre ou loup d'Abyssinie, leur parade est merveilleuse. La science naturelle se fait poésie, la science naturelle fait rêver.
Peindre le rêve est du reste le titre d'un deuxième livre que publient les éditions Citadelles et Mazenod. Où il apparaît que le corpus des rêves peints est très fourni et qu'il est bien plaisant d'y trouver des artistes méconnus ou oubliés, comme Eugène Carrière (1849-1906), Füssli (1741-1825), Thomas Cole (1801-1848) ou, dans une moindre mesure, Odilon Redon (1840-1916). De La Tour, Gauguin, Le Lorrain et y sont présents eux-aussi, et comment !
Le libraire trouve, par ailleurs, bien dommage, et révélateur, que les peintures du rêve aient presque complètement disparues du champ artistique, comme représentation et comme processus créatif, depuis les surréalistes. C'est l'un des enseignements de ce livre et du texte très riche de Daniel Bergez.

Daniel Bergez, Peindre le rêve,
Citadelles et Mazenod, 256 pages, 69 €

dimanche 3 décembre 2017

Gaëlle Vermeer et Marie-Hélène Millet

Gaëlle Josse, Vermeer entre deux songes,
Invenit, 56 pages, 12 €
" Ekphrasis ", ce mot grec signifie " description ", ou exégèse, d'une œuvre d'art. C'est aussi le titre que les éditions Invenit ont donné à l'une de leurs collections dont l'idée de départ est simple : " confier au regard sensible d'un auteur une œuvre " remarquable ", trésor emblématique ou insoupçonné d'un musée. "
En sont résultées une quarantaine d'évocations signées par des plumes très variées, allant de Hubbert Haddad, Colette Nys-Mazure, Carolyn Carlson ou Régine Detambel jusqu'à Maurice Pons, Lucien Suel et Jacques Jouet, chargés d'ekphrasiser Hopper, le douanier Rousseau, Klee, Matisse ou Bruegel.
Les deux derniers titres parus sont l'œuvre de deux romancières bien connues et aimées d'A la Page, Gaëlle Josse et Marie-Hélène Lafon. L'une décrivant " La Jeune fille assoupie "de Vermeer ; l'autre s'attachant à la " Brûleuse d'herbes " de Millet.


Marie-Hélène Lafon, Millet, pleins et
déliés, Invenit, 26 pages, 12 €