samedi 11 février 2017

Porter ses pas dans Paris

Alexander Werth, Les Derniers jours de Paris,
Slatkine, 287 pages, 20 €
Journaliste britannique, correspondant du Guardian à Paris, Alexander Werth (1901-1969) a tenu en français son journal de L'Occupation. Ce sont des notes prises au jour le jour en juin 1940, avant qu'il faille quitter la capitale. Un carnet parisien, rédigé avec le pressentiment que la fête (celle de la ville, celle de la vie) était terminée pour une génération. Et qu'il fallait vite revoir les lieux aimés.
" Je fourre dans la valise diverses choses auxquelles je tiens -- parmi lesquelles trois livres : Candide, Les Âmes mortes de Gogol et le Journal de Gide ; et dans ma poche je mets La France de Péguy. J'enveloppe le Matisse ; mais il n'y a pas de place dans la valise pour le Derain ; tant pis, il faudra le laisser. C'est  dommage. Au bureau, je regarde ma table de travail ; dans les tiroirs, il y a des papiers et des lettres ; rien de compromettant ; je ne prends pas la peine de les détruire. Je regarde par la fenêtre, et j'ai une envie folle de faire encore une promenade dans ces rues de Paris dont je connais tous les pavés. Si seulement je pouvais aller sur la rive gauche ! Mais c'est trop loin. Je sors, et je remonte le boulevard des Italiens jusqu'un peu plus haut que le carrefour Drouot. Le magasin de chez Pillot est toujours rempli de chaussures ; les rues sont pleines de monde ; il y a même un cinéma ouvert. Etrange. Des autos filent, moins nombreuses toutefois que ce matin. Il fait chaud. Il y a du soleil. C'est un vrai jour d'été parisien. "
Claude Eveno, né en 1945,  a passé son enfance et sa jeunesse dans la capitale d'après-guerre, quand l'occupant avait heureusement déguerpi.  Ceci est son journal de promenades urbaines, quinze " voyages " menés le nez au vent des rues, des places et des jardins. Enseignant en urbanisme, il connaît son sujet, il a sa propre culture urbaine et sait qu'une ville ne se compose pas uniquement de zones monumentales, de quartiers vedettes. Il choisit ses parcours en surface, fait ses tours et ses écarts comme il le sent, là où la physionomie des rues l'attire, au centre ou à la lisière. Chaque pas, chaque pierre comptent dans cet arpentage minutieux.

Claude Eveno, Revoir Paris,
Christian Bourgois, 347 pages, 18 €


jeudi 9 février 2017

La libido du libraire

A l'approche du 14 février, jour de la Saint-Valentin,
certains ouvrages fleurissent opportunément sur l'étal du libraire.
Voici trois de ces fleurs qui vous laissent cinq jours de réflexion :
 
Brigitte Bulard-Cordeau,
Expressions amoureuses expliquées,
Chêne, 96 pages, 4,90 €
 
Jean-Claude Kaufmann,
Saint-Valentin mon amour,
Les Liens qui libèrent, 234 pages, 18 € 
Jean-Claude Bologne,
Histoire du coup de foudre,
Albin Michel, 318 pages, 21,50 €

mercredi 8 février 2017

Rimbaud à vendre


Non, il ne s'agit pas d'un album conseillé par Géraldine lors de l'un de ses SAMEDI BD !
Ce que vous voyez-là est un dessin réalisé par Arthur Rimbaud âgé de dix ans. Sotheby's mettra en effet bientôt aux enchères six dessins de la main d'Arthur (sur un ensemble de sept), intitulés Plaisirs du jeune âge.



Rappelons que les Poésies complètes du moins scolaire des poètes se trouvent sur les rayons du libraire à prix raisonnable. Par exemple dans l'édition du Livre de poche.


Arthur Rimbaud, Poésies complètes,
288 pages, 3,10 €

mardi 7 février 2017

Chamfort (Sébastien-Roch Nicolas, pas Alain) aujourd'hui

Eric Chevillard, L'autofictif à l'assaut des cartels,
L'Arbre vengeur, 224 pages, 15 €
" Longtemps j'ai voyagé au bout de la nuit. "

" Les tsunamis de mes kamikazes sont mes amis. "

" C'est le seul moyen de fuit la société en faisant bonne impression, aussi je ne la laisse à personne : la vaisselle. "

" Sur quel terrain se battront à armes égales Kasparov et Kalachnikov ? "

" Mon plagiaire a fait mieux que moi comme le prouvent ses ventes encore inférieures aux miennes. "

" La chat a des moustaches en fil de pêche. L'hameçon est au bout de sa patte. Il ne manque pas non plus de patience. Mais sa queue d'anguille reste insaisissable. "

lundi 6 février 2017

Une rencontre remarquable



Pour brosser les portraits de Charlotte Delbo, Germaine Tillon et Milena Jesenkà,  Jacqueline Bourgeade (à droite sur la photographie), Catherine Delisle-Pelletier (à gauche) et Milie Moratille (au centre) s'étaient donné rendez-vous à la librairie A la Page.

Elles furent écoutées par un auditoire aussi attentif que nombreux, qui apprécia leur façon de marier la ferveur et l'érudition.
Quelques preuves photographiques réunies par Daniel De Meerleer et un grand merci à toutes et à tous :


 
 


 

 

dimanche 5 février 2017

Retour en Bourbonnais

Harry Alis, Petite ville,
Pré-Textes, 264 pages,  18 € 
" Il s'agit d'un roman sous forme de lettres.
Le narrateur, écœuré  de l'existence parisienne, revient en Bourbonnais, son pays natal. Il veut changer ses habitudes et observer la vie provinciale. Il s'installe donc dans un hôtel de Larcy (Lurcy-Lévis) et, presque chaque jour, il écrit à son meilleur ami. "
Ainsi les éditions Pré-Textes présentent-elles par la voix de Simone Raynaud,  Petite Ville (1886), roman d'un auteur tombé dans l'oubli : Harry Alis, nom de plume d'Hypolite Percher.
Journaliste et écrivain, Alis/Percher naquit dans l'Allier en 1857 et mourut en 1895 sur l'île de la Grande Jatte, rendue célèbre par le tableau de Seurat... et par le duel au cours duquel le romancier perdit la vie. Comme Evariste Galois, Pouchkine et Robert Caze, romancier naturaliste, comme lui, et aussi oublié que lui.
Harry Alis prit un risque en situant son roman, d'une veine réaliste et fortement autobiographique,
dans une ville où chacun connaît son voisin (souvenez-vous de ce qu'il arriva à Pierre Jourde).
Extrait :
" M. le maire, qui n'était pas fâché de voir la femme, acquiesça. Boutin, au point où en étaient les choses, jugea inutile de mettre opposition. Le gendarme fut posté à la porte et les autorités visitèrent les pièces l'une après l'autre. Au premier, enfin, dans la chambre à coucher, ils trouvèrent mademoiselle Juanita, de l'Alcazar, assise en son costume de parade. Ils s'arrêtèrent interloqués. Boutin, réfléchissant aux conséquences du scandale, paraissait un peu confus. Juanita se mit à bailler, puis, ennuyée de se voir examinée comme une bête curieuse, elle dit :
Quand vous aurez fini de me dévisager ? C'est bien moi en chair et en os. Même que ça commence à m'embêter d'être calfeutrée comme ça. Ils sont pas mal gnoles vos administrés, mon petit père municipal. "
Le roman fit scandale, en effet, et Petite ville est le troisième roman que les éditions Pré-Textes font revivre, après Passage d'Angeline (Albert Fleury) et La Haine maternelle (Simone de Tervagne).
Harry Alis