Christophe Reydi-Gramond, Un mensonge explosif, 10/18, 405 pages, 8,40 € |
Voici quelques extraits de l'entretien qu'il avait accordé à Médiapart le 23 mai 2014, histoire de vous mettre l'eau à la bouche :
J. Pourriez-vous nous donner un aperçu de votre parcours d’écrivain ? Comment êtes-vous arrivé à l’écriture ?
Christophe Reydi-Gramond : J'ai l'impression de n'être jamais "arrivé" à l'écriture parce que j'ai le sentiment d'être né dans les bouquins et de n'en être jamais sorti. Ma mère prof de lettres écrivait, plus tard mon père marin aussi, tous nos appartements ont toujours été tapissés de livres jusqu'au plafond, j'ai lu toute mon enfance y compris des livres qui n'étaient pas "de mon âge", parce qu'on n'avait pas la télévision et que lire me paraissait aussi évident qu'à un politicien de mentir. Et puis un jour, j'ai fait comme le héros de Le Meilleur des mondes : j'ai réalisé que s'il y avait des livres, c'est qu'il y avait quelque part des gens pour les écrire. Alors je me suis dit que ce quelque part était ma place, de toute évidence.
J. Comment vous est venue l’idée d’écrire un roman centré sur l’affaire AZF ?
C. R-G. : Je cherchais une bonne histoire à raconter. Je pense que quand on tient une bonne histoire, on a fait 80% du boulot. Après, le style, la narration, les personnages, tout ça c'est très bien mais si on n'a pas LA bonne histoire au départ, c'est un peu comme de la mousse sans bière, juste un faux-col. Or les bonnes histoires, la réalité en est une pourvoyeuse fidèle, généreuse et illimitée. L'affaire AZF m'avait, comme à beaucoup de gens je pense, laissé un arrière-goût d'enfumage, l'impression qu'on avait pris les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages. Je me suis dit que de la traiter comme une fiction serait en quelque sorte lui rendre la monnaie de sa pièce. (...)
J. Avez-vous élaboré un plan détaillé de cette histoire (plutôt complexe) avant de commencer l’écriture? L’avez-vous suivi ?
C. R-G. : Non, je ne fais pas de plan avant d'écrire. Je promets d'essayer d'en faire un la prochaine fois, parce que ça fait sérieux et, maintenant que je suis un auteur publié, il faut que je fasse gaffe à mon standing. Mais en vrai, les plans me dépriment. J'ai déjà suffisamment d'agendas dans ma vie. Et puis, j'ai horreur des polars où l'on comprend comment ça va se terminer dès la page 30. Alors je me dis que si moi-même je ne sais pas comment mon bouquin va tourner au chapitre suivant, il n'y a aucune chance que le lecteur le devine ! (...)
J. Treize ans après l’explosion, malgré les jugements de justice qui ont conclu à la thèse de l’accident chimique, la controverse et les doutes sur la cause réelle de l’explosion ne sont pas terminés. Quelle est votre intime conviction sur le sujet : accident industriel ou attentat ? (...)
C. R-G. Mon intime conviction est double : 1) la version officielle n'est probablement pas vraie, 2) fort peu de gens savent ce qui s'est réellement passé ce jour-là et je n'en fait pas partie. Il est même possible que ce ne soit ni un accident, ni un attentat. Mais je ne suis pas policier, ni magistrat, ni même journaliste. Mon propos c'est de raconter une histoire, bonne si possible, pas de révéler une quelconque vérité. En cela mon roman n'a rien de "complotiste". (...)
J. J’ai eu le sentiment qu’en intégrant à votre récit, de façon savoureuse, les thèmes Ummites et Cosmistes, vous avez totalement lâché la bride à votre imagination. C’est quelque chose qui pour vous fait partie du plaisir de l’écriture ?
C. R-G. L'affaire Ummo et le Cosmisme n'ont rien d'imaginaire, malheureusement, mais c'est vrai que ça été du pur bonheur de manipuler ce matériau incroyable ! Oui, le plaisir d'écrire est important, il est même premier en ce qui me concerne. J'écris régulièrement depuis 25 ans sans avoir quasiment rien publié (2 ouvrages jeunesse il y a 15 ans), alors si ce n'était pas pour le bonheur que cela me procure, je ferais des albums de timbres. Et puis, j'aime bien que la frontière entre réalité et fantastique soit poreuse, sans qu'on sache très bien lequel déteint sur l'autre.
J. Vous avez imaginé toute une série de personnages très forts, très denses, qui cohabitent avec certains personnages bien réels (le premier ministre de l’époque, par exemple). (...) Comment vous est venue l’idée de ce personnage ?
C. R-G. Il est venu assez tôt dans la construction. J'avais besoin d'un Pontifex, un pont entre deux rives, capable de relier non seulement le passé au présent mais aussi l'idéologie au business, le bien au mal et les personnages entre eux. Orcine est pour moi un personnage très incarné bien que composite, cela ne m'étonne pas qu'il vous ait plu. D'abord, j'ai utilisé les initiales de quelqu'un que je côtoie tous les jours, cela m'a aidé à penser à lui comme à une vraie personne. Ensuite, j'ai calqué sa bio sur celle d'un scientifique réel, le Pr Jean-Pierre Petit, dont je trouve le côté Ufologue touche-à-tout sympathique (même si je ne le connais pas). (...)
J. Ce roman est publié par Liana Levi dans la collection « policiers », même s’il déborde le cadre d’un polar traditionnel. Comment considérez-vous la littérature policière ? Quels sont vos auteurs préférés, dans ce domaine ?
C. R-G. Ne le répétez pas (ce ne serait pas bon pour mon nouveau standing) mais je ne lis pas beaucoup de polars modernes. A part peut-être Fred Vargas, à petite dose, et Ellis Peters, mais sinon j'en suis resté à John Le Carré, James Hadley Chase, Raymond Chandler... Pire - car il est fort peu en vogue -, ma préférence dans ce domaine va à Vladimir Volkoff. C'est vous dire... Quant à ce que mon roman déborde du cadre, je veux bien vous croire, mais je mets un penny sur la tête de celui qui me dira ce qu'est le cadre d'un polar.
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