vendredi 21 octobre 2016

Connaissez-vous Oscar Dominguez ?

Dans son billet du 17 octobre (" La magie ineffacée du livre ") ,
le libraire avait cité l'autre jour en passant le nom d'Oscar Dominguez (1906-1957).  Il ne résiste pas au plaisir de reproduire aujourd'hui quelques décalcomanies réalisées par ce peintre, proche ami des surréalistes.
Dominguez s'associa à des nombreuses activités du groupe et nomma
" décalcomanies du désir ou décalcomanies sans objet préconçu " ces dessins  obtenus en collant une feuille de papier sur une vitre ou une autre feuille, préalablement recouverte d'encre (généralement noire ; mais les couleurs, et la peinture à l'huile, furent aussi introduites dans ce procédé).
Des " corrections " ou des ajouts étaient parfois pratiqués, donnant un nouveau sens aux taches dues aux adhésions et aux coulures aléatoires.
Dans la production si abondante de livres d'art, il manque une monographie récente d'Oscar Dominguez, dont l'apport ne se limite pas aux décalcomanies. Le libraire, qui ne manque pourtant pas de livres sur ses rayons et son étal, soyez en sûrs, s'en ferait l'écho.

 






jeudi 20 octobre 2016

Des nouvelles de Christophe Reydi-Gramond

L'auteur d'Un mensonge explosif (Liana Levi)
que nous avons eu le plaisir de recevoir lors de la parution de son premier roman
sera à l'Abbaye-Saint-Gilbert de Saint-Didier-La-Forêt
DIMANCHE 6 NOVEMBRE 2016 à 14 heures
pour présenter et dédicacer Hostis corpus (Piranha)
son deuxième roman policier.
Christophe Reydi-Gramond, Hostis corpus,
Piranha, 266 pages, 18,90 €
" Ce thriller captivant, écrit l'éditeur, est au fond une interrogation
 sur la nécessité de croire : que ce soit au communisme, en Dieu ou dans la Science,
la rationalité est-elle autre chose finalement qu'une autre croyance ?
Que sait-on, que croit-on et que croit-on savoir, jusqu'’à la prochaine expérience ? "
 
Voici une vidéo (tournée chez Mollat, à Bordeaux)
dans laquelle Christophe Reydi-Gramond
présente son livre
 

 

mercredi 19 octobre 2016

Jusqu'où peut aller Francis Hallé ?

Francis Hallé, en collaboration avec
Eliane Patriarca, Atlas de botanique poétique,
Arthaud,  124 pages, 25 €
A chaque parution, ou presque, le libraire le chronique. Pourquoi faillirait-il à la règle avec cet Atlas de botanique poétique tout frais ?
" La but de cet ouvrage est de montrer que la forêt équatoriale n'est pas " l'enfer vert " qu'y ont vu trop souvent les colonisateurs et les aventuriers ; c'est, bien au contraire, un univers quelque peu magique où l'on vit fort agréablement pour peu que l'on observe avec sympathie les petites merveilles qui s'offrent au visiteur occasionnel presque à chaque pas ; il y trouvera amplement de quoi satisfaire ses exigences en matière d'esthétique, de dépaysement et de poésie.
Pour celles et ceux que la biologie passionne, la vie ne sera plus seulement agréable, elle se changera en vrai feu d'artifice d'excitants questionnements. "
" Un univers magique " ; de " petites merveilles à chaque pas " ; l'esthétique, le dépaysement, la poésie et les feux d'artifice : le libraire kiffe !
Francis Hallé vient aussi de préfacer (avec Thierry Thévenin) un joli livre de portraits d'arbres et d'animaux : Les Arbres dont je suis fait et autres retours sauvages. L'arbousier, le cyprès, l'aubépine ou le grenadier y voisinent avec la tourterelle des bois, le mouflon corse, le chat sylvestre ou le congre. Belle arche de Noé sauvée des eaux par un homme qui a été apiculteur, sculpteur, céramiste, éleveur et jardinier nommé Maurice Chaudière. Un homme qui n'a pas sa langue dans sa poche et à tout du conteur.


Maurice Chaudière, Les Arbres
dont je suis fait et autres retours
sauvages, Actes Sud, 264 pages;
20 €

mardi 18 octobre 2016

Une enfance à Majorque

José Calos Llop, Solstice, traduit de l'espagnol
par Edmond Raillard, Jacqueline Chambon,
128 pages, 15 €
Les récits d'enfance (ou les romans évoquant cette période de la vie) seraient-ils en train de rentrer en grâce auprès des éditeurs ? Plusieurs signes le laissent penser, comme l'excellent Solstice du Majorquin José Carlos Llop, dont Jacqueline Chambon avait déjà publié Le Rapport Stein dans lequel le passé et l'autobiographie prenaient tout leur poids.
Dans Solstice, qui relate les étés passés par un enfant avec sa famille sur une île des Baléares dans les années 1960, les réminiscences sont chargées de tant de précision et de vie qu'il est difficile de penser que le " je " du narrateur ne soit pas inspiré par celui de l'auteur. Que Llop soit, par ailleurs, poète ne nous surprendra pas tant son langage a de directe justesse -- ce qui ne l'écarte nullement de l'expression ordinaire des gens ordinaires. Plutôt que d'une recherche d'originalité à tout prix, la force de ses mots  procède d'une intensité du vécu, dont l'enfance est une période généralement exemplaire, et remémorée à un stade de l'existence qui permet d'en maîtriser le récit.
Le libraire a trouvé que le septième chapitre du livre, intitulé Elle, était l'un des plus touchants du livre. " Un été, elle glisse et tombe douloureusement sur le derrière. Nous rentrons à la maison en la portant, comme une reine antique, dit-elle, se moquant d'elle-même et dissimulant sa douleur pour ne pas nous alarmer. Je ne me rappelle pas comment nous nous débrouillons pendant plusieurs jours sans elle, comment nous mangeons, mais je sais qu'elle se remet et qu'elle recommence à se baigner tous les matins. et à se promener tous les soirs. Sa vitalité est infinie, comme son sens de l'humour : elles n'a jamais l'air fatiguée, elle ne l'est jamais, ou bien elle le cache. On ne l'entend jamais se plaindre; pas même de la chaleur qui est d'une rigueur africaine. Elle est gaie comme ses robes imprimées de fleurs ou de dessins géométriques, comme les foulards qu'elle se met sur la tête les jours où il y a du vent, comme son rire qui est vraiment en cristal (...) "
Elle, naturellement, est la mère du narrateur.
Solstice fut rédigé en castillan, et non en catalan (petite trahison de l'enfance ?), langue que l'on parle à Majorque. Le roman (puisque ce terme figure en sous-titre de l'œuvre) peut également se lire comme une ode en prose à la Méditerranée, des côtes catalanes à Hydra et aux rives dalmates.

José Carlos Llop, Le Rapport Stein,
traduit de l'espagnol par
Edmond Raillard, Babel, 112 pages, 6,80 €

lundi 17 octobre 2016

La magie ineffacée du livre

Jean-Christophe Bailly,
La Magie du livre,
Bayard, 64 pages, 12,50 €
Dans la collection "Les petites conférences ", qui vise un    public d'enfants à partir de dix ans et ceux qui les accompagnent (l'idée en est venue de la belle expression qu'avait forgée Walter Benjamin : Lumières pour enfants), Jean-Christophe Bailly a prononcé une dissertation orale intitulée La magie du livre. que publient les éditions Bayard. On peut y lire les lignes suivantes en réponse à une question de l'audience :

" Je n'arrive pas à lire sur tablette. J'ai déjà essayé, mais je suis tellement habitué à tourner les pages que j'ai du mal. Je vois un texte qui défile sur l'écran, on imite le geste de tourner les pages et la page que je lisais avant disparaît Alors, que dans le livre, elle ne disparaît pas, elle reste là physiquement. (...) On pourrait se demander pourquoi il existe des salles de cinéma puisque nous pouvons avoir les images sur des écrans de toutes tailles. D'une certaine façon, ce n'est pas seulement la dimension de l'écran qui compte, mais la relation que nous établissons avec une image dans une salle où nous nous rendons. Le film s'imprime davantage. (...) La dématérialisation des signes et des écritures contient un peu l'idée que tout devient comme un fantôme. "

Jean Christophe Bailly est aussi l'auteur d'un tout récent livre de mémoire (qui s'adresse uniquement à un public d'adultes, cette fois) : L'Ineffacé. Titre qui résonne très bien avec sa conférence. Bailly y présente de splendides pages de manuscrits dont l'IMEC (Institut Mémoires de l'édition contemporaine) conserve les originaux. Ce peuvent être des pages de carnets ou de cahiers ornés de croquis, de ratures, de renvois, de schémas ; ce peuvent être des dessins-poèmes automatiques ; des chutes de papier peint utilisées pendant la Seconde Guerre mondiale, lors de la pénurie de papier ; ce peuvent être des décalcomanies, dont l'artiste Oscar Dominguez donna parmi les plus beaux exemples ; ou bien des fiches préparant une œuvre en cours.
Toutes ces traces, remontant à l'ère anté-numérique, font se côtoyer Antonin Artaud, Alain Resnais, Roland Barthes, Erik Satie ou Philippe Soupault, pour ne citer que quelques noms.
Jean-Christophe Bailly, L'Ineffacé,
IMEC, 162 pages, 32 €



dimanche 16 octobre 2016

Le retour au pays natal de Sylvain Tesson



Sylain Tesson, Sur les chemins noirs,
Gallimard, 142 pages, 15 €
" J'avais bu pour la vie au cours de ces dernières années, noyé des caravanes de souvenirs dans des gués de vodka. A présent : fini ! Le robinet magique était fermé. ", s'exclame Sylvain Tesson dans l'avant-propos de son dernier récit.
Alors, du Sud vers le Nord, du Mercantour au Cotentin, en traversant le Massif central et en épousant une diagonale (inverse de celle de Jacques Lacarrière, parti un jour des Vosges pour atteindre les Corbières), il prit la poudre d'escampette.
Mais cette fois, foin de Sibérie et de l' Axe du loupTesson résolut de partir au bout du monde... près de chez lui -- par comparaison avec les étendues de glace du Baïkal. "Si je m'en sors, je traverse la France à pied ! ", s'était-il juré sur son lit d'hôpital, après sa chute accidentelle et le traumatisme crânien qui en était résulté.
Il emprunta les chemins inconnus encore des foules, sinon des vadrouilleurs et de quelques ermites de  " l'hyper-ruralité ". " Je voulais m'en aller par les chemins cachés, bordés de haies, par les sous-bois de ronces et les pistes à ornières reliant les villages abandonnés. "
Finie la wilderness, que viva les proches déserts !
Pourvu qu'on leur fiche longtemps la paix, à ces sentiers, à ces hameaux à ces pierres de derrière le décor fait par les grands axes, les grandes surfaces, les grands urbanistes, les grandes vitesses, les grands couplets !
Observer les nuages, est le " plus pieux métier du monde ", conclut joliment Sylvain Tesson de sa traversée française qui croise, en Auvergne, la célèbre " diagonale du vide ". Il existe des interstices. Cette perspective sourit au libraire.

Sur l'esprit qui habite les villages montagnards (particulièrement de la Margeride et du Forez, légèrement à l'est du trajet suivi par Sylvain Tesson), le libraire recommande les travaux de l'ethnologue Martin de la Soudière.
 Peu ont su si bien donner à sentir l'atmosphère des sous-bois et la vie contemporaine des hyper-ruraux, les héros de ces endroits écartés.
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Martin de la Soudière, Poétique du village,
Stock, 270 pages, 24 €