lundi 25 juin 2018

De la délicatesse

Henri Cole, Paris-Orphée, traduit de l'anglais
(Etats-Unis) par Claire Malroux,
La Bruit du temps, 176 pages,  19 €
La délicatesse est une qualité en pleine
régression dans notre monde, songeait tris-
tement le libraire. Lorsqu'il tomba sur ces lignes, consignées par le poète américain 
Henri Cole :

" Comme moi, la panthère est une voyageuse solitaire et sa déplace à pas lents, ainsi qu'il m'arrive de le faire, avec une mélancolique intensité. Puis, soudain, elle ouvre ses yeux magnifiques et le monde la transperce :

Parfois, se lève le rideau des pupilles
sans bruit. Une image y pénètre,
parcourt le silence tendu des membres
et arrivant au cœur, s'évanouit.*

Dans son essai sur Auguste Rodin, poursuit Henri Cole, Rilke décrit les visites que le sculpteur effectuait très tôt le matin au jardin des Plantes pour dessiner les animaux endormis.
Plus tard, dans son atelier, rue de l'Université,
il observe le petit moulage antique d'un chat sauvage que celui-ci chérissait : " Il y a un moulage de panthère, de facture grecque, de la taille d'une main à peine… Si on regarde de face l'espace formé sous son corps par ses quatre fortes pattes, on a l'impression de contempler les profondeurs d'un temple de pierre indien, tant cette œuvre prend des proportions immenses et globales. "

Une mélancolique intensité, des yeux magnifiques, cette représentation d'un chat sauvage que l'on chérit, ce temple indien... Il y a donc place pour la délicatesse, et pour la grâce, se dit, un instant rassuré, le libraire.


* Poème de Rainer Maria Rilke, dans une traduction de Lorand Gaspar.



dimanche 24 juin 2018

Le prix des Lecteurs A la Page 2018 est désigné !


Le jury du Prix des Lecteurs A la Page a donné son avis, vendredi soir : Tristan, de Clarence Boulay, édité par Sabine Wespieser est son choix.
Ce premier roman succède à celui de Bérengère CournutNée contente à Oraibi et, comme celui-ci, nous entraîne loin des bases géographiques qui sont les nôtres. En plein Atlantique sud, dans un grand vide océanique où se situe l'archipel dont Tristan da Cunha (200 habitants et quelques) est l'île principale.
 L'expérience de la narratrice est authentifiée par le séjour de Clarence Boulay elle-même qui a passé huit mois à Tristan réputée l'île la plus éloignée qui soit des hommes.

Voici ce que Clarence Boulay a déclaré  sur France Culture à propos de son roman : 
J’ai voulu faire l’usage de cette distance, éprouver comment ça se passe sensiblement,       corporellement, intellectuellement d’aller vers ce point-là.  Et qu’est-ce qu'il se passe, quand notre centre, le continent, devient alors périphérie. J’ai voulu comprendre en inversant les choses. Ida se pose aussi parfois en ethnologue dans sa volonté de comprendre. Est-ce qu’on peut dissocier le scientifique de l’intime ? L’observation participante de la relation amoureuse ? Car c’est à travers ces moments d’intimité qu’Ida va vraiment comprendre les enjeux de la communauté, enjeux moraux, familiaux, d’organisation, à travers le discours de Saul.