vendredi 9 février 2018

Albert Einstein, célèbre et cachotier

Marie Benedict, Madame Einstein, traduit de
l'anglais (Etats-Unis) par Valérie Bourgeois,
Presses de la Cité, 332 pages, 20,50 €
" Eh bien, je ne m'étonne plus de cette réflexion que M. Einstein a eue vous concernant : " Ma femme m'est indispensable pour beaucoup de choses, y compris mon travail. C'est elle la mathématicienne de la famille. "
Elle, c'est-à-dire, Madame Einstein (1875-1948), Mileva Einstein, Mileva Marić de son nom de jeune fille, la première épouse d'Albert (1879-1955). C'est qu'il existe un débat, apparemment difficile à trancher, concernant l'apport de Madame Einstein aux activités scientifiques de son mari, qu'elle rencontra à Zürich, où elle étudiait la physique et les mathématiques. Elle était âgée de vint-et-un ans.
Quel fut son rôle exact dans l'élaboration de la théorie de la relativité, et cette femme aussi attachante que brillante ne fut-elle pas placardisée par son illustre époux, dont elle favorisa la carrière ? Tel est le thème du roman de Marie Benedict.
Sa célébrité valut à Albert, justifiés ou non, de nombreux honneurs. Comme ces lettres que lui adressaient les enfants et dont a paru un florilège. Ici, celle de Michael, de Elins Park, en Pennsylvanie, le 18 mars 1953 :

Cher docteur Einstein,
J'aimerais vous souhaiter un  très joyeux anniversaire. Notre classe travaille sur l'univers et cela m'intéresse beaucoup. Votre théorie sur la courbure de la lumière m'intéresse beaucoup. On a pris une bouteille d'eau, on a mis un bâton dedans et on a vu que la lumière le courbait. Si jamais vous avez un peu de temps (ce qui m'étonnerait), pourriez-vous s'il vous plaît m'envoyer des renseignements ? Quand je serai grand, je voudrais être savant.
Sincères salutations
Michael

Cher professeur Einstein, testes réunis
et présentés par Alice Calaprice,
traduits de l'anglais par Hélène Hinfray,
Payot, 140 pages, 15 €


jeudi 8 février 2018

J'aime mon libraire indépendant

Le libraire a repéré cette affiche et cette déclaration de foi
chez ses collègues de la région Nouvelle-Aquitaine.
Il l'a trouvée très belle et très maligne.


Et si, vous aussi, vous déclariez dès aujourd'hui et jusqu'à plus soif votre flamme à votre libraire indépendant ? Et si vous nous adressiez, au 5 de la rue Sornin à Vichy,
ou par tout moyen à votre convenance, sur une feuille A4, vos mots tendres ?
Finies les grosses factures ! Envolés les relevés de banque !
Rien que du soleil !
Rêve du libraire.

mercredi 7 février 2018

Monsieur le libraire : deux places pour l'Amérique du Sud

Benjamin Péret, Les Arts primitifs
et populaires du Brésil.
Edition de Jérôme Duwa et Leonor Lourenço
de Abreu, éditions du Sandre, 215 pages, 35 €
Le libraire connaît aujourd'hui deux excellentes façons de s'envoler vers l'Amérique du Sud.
En direction du Brésil, d'abord, en compagnie de Benjamin Péret, qui y fit plusieurs voyages en tant que poète-ethnographe. Après Dans la zone torride du Brésil (éditions du Chemin de fer), que le libraire avait signalé en son temps,  Les Arts primitifs et populaires du Brésil vous offre la chance insigne de vous transporter auprès des peuples indiens et des objets en bois, en plumes ou en terre de leur fabrication, photographiés et présentés par Benjamin Péret.
Le deuxième moyen de vous envoler vous est offert par Juan José Saer, l'auteur de L'Ancêtre, dont Le Fleuve sans rives vous conduira pour sa part en Argentine. Trois pages de lectures, et sans doute moins, suffisent à vous assurer que vous êtes bien au royaume de la littérature. Vous n'avez plus ensuite qu'à vous laisser  immerger d'un " immense cercle d'eau ".
Le Fleuve sans rives, que republie Le Tripode, fut traduit par Louis Soler (1937-2003), un doux ami du libraire, à qui l'on doit également et notamment, des traductions de Miguel Torga. Allez, bien le bonjour du libraire qui ne vous a pas oublié,  très cher Louis, où que vous soyez.
Juan José Saer, Le Fleuve sans rives,
traduit de l'espagnol (Argentine) par
Louis Soler, postface de Jean-Didier Wagneur,
Le Tripode, 340 pages, 21 €

 

mardi 6 février 2018

Forts, forts lointains

Peintures des lointains, Musée du quai Branly Jacques Chirac,
Skira, 270 pages, 45 €
" Partir pour peindre  d'autres  horizons. Le voyage est avant tout une promesse heureuse. Rupture avec le familier, il est synonyme de dépaysement et de découvertes. Les déplacements d'artistes évoqués ne sont pas ceux d'exilés. Ils rendent possible un renouveau de la création, au contact d'une lumière nouvelles, de couleurs inédites, de motifs et sujets d'inspiration inhabituels. Sensations et émotions face à l'inconnu sont recueillies à la surface de la toile et de la feuille. L'œuvre devient plus belle encore que le réel, invitant celui qui la regarde à l'évasion. C'est ainsi que les " ailleurs " suscitent rêves et fantasmes des Occidentaux. Au fil des rencontres de l'Europe avec les autres continents, des terres paradisiaques, peuplées d'habitants incarnant un âge d'or de l'humanité, investissent les imaginaires. Phénomène culturel de goût pour l'étranger, l'exotisme place sous des auspices bienveillants le rapport à l'autre et à l'ailleurs. Mais l'attirance pour d'autres cultures se nourrit d'illusions. Les images exotiques tendent à se ressembler et dissimulent fréquemment une perception superficielle ou déformées d'autres cultures. "
Le sujet est parfaitement posé. Restent ces innombrables images, fluctuant de l'idyllique au cliché, rapportées par les peintres antipodiques. Leur iconographie s'appliqua aux types humains et aux paysages d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques tels qu'on peut les voir aujourd'hui au musée Branly et tels qu'ils sont commentés dans ce beau catalogue.
L'appel du Sud fut ressenti par les écrivains aussi. Témoin Jack London qui, sur son voilier Le Snark, appareilla pour le Pacifique, la Polynésie et la Mélanésie. Son voyage dura un an et demi entre avril 19078 et novembre 1908 et lui inspira articles et romans, ainsi que de nombreuses photographies. C'est ce matériel amassé au cours de ses escales que fait admirer Jack London dans les mers du Sud.
Michel Viotte, Marianne Pourtal Sourrieu,
Jack London dans les mers du Sud,
La Martinière, 192 pages, 25 €

lundi 5 février 2018

Le Japon et ses fantômes

Lafcadio Hearn, Kwaidan, traduction
française et présentation de Jacques Finné,
José Corti, 254 pages, 21 €
Lafacadio Hearn (1850-1904) fut un drôle de citoyen du monde. Né en Grèce, élevé en Irlande totalement japonisé ensuite, après avoir traversé France, Martinique et Etats-Unis, il prit le nom de plume de Nakumo Koizumi.
Du Japon, il se fit l'étudiant et le messager en direction de l'Occident, fort ignorant de sa langue comme de sa culture et de son mode de vie. Un étudiant passionné, pas un tiède spécialiste, vite fasciné par les histoires étranges -- fantastiques ou merveilleuses ? -- que véhiculent les légendes nippones.
C'est une partie de ce trésor qu'il livra en 1904 dans un ouvrage inachevé mais qui lui valut le succès : Kwaidan (" Histoires singulières ").
Les fantômes, les goules, les fées, pas toutes gentilles, y font la ronde, sinon la loi. Avec l'aide du  traducteur Jacques Finné, on peut tirer de ces récits  la conclusion provisoire suivante : en Extrême-Orient, le surnaturel est parfaitement naturel.
Cette conviction suivra le libraire toute la journée et même au-delà.
Hearn/Koizumi