mardi 31 octobre 2017

Comme disait Rimbaud

Arthur Rimbaud
" Aux Etats-Unis, pour avoir une chance d'être publiés, les auteurs sont quasiment obligés de passer par des ateliers d'écriture. Les stars des lettres (sic) y interviennent ", nous informe Livres-Hebdo Alors, si les étoiles des lettres y interviennent, forcément...
Qu'en aurait pensé Rimbaud ? Il écrivait à Paul Demeny, le 15 mai 1871, ceci : "Je veux être poète, et je travaille à me rendre Voyant. (...) Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens.  Toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, -- et le suprême Savant ! -- Car il arrive à l'inconnu ! "
On dira, à juste titre : Rimbaud n'écrivit pas des romans, monsieur le libraire.
Pendant ce temps, les cours d'écriture forment une tendance depuis plusieurs années au pays des Illuminations. Il en existe chez les éditeurs eux-mêmes, Gallimard par exemple. Leïla Slimani, prix Goncourt en 2016 pour Chanson douce (Gallimard)  parle ainsi de son expérience : « Je ne crois pas qu'on apprenne à écrire. En revanche, on peut débloquer certaines choses, renouveler son envie, se désinhiber au contact de quelqu'un. Quand j'ai suivi les ateliers Gallimard, j'étais dans un moment de grand doute, je venais d'envoyer un roman qui avait été refusé. Je me suis retrouvée avec des amoureux de littérature, et ça m'a redonné envie d'écrire. Mais ces ateliers sont surtout efficaces pour ceux qui ont déjà l'écriture en eux. »
Jean-Philippe Arrou-Vignod, auteur bien connu de la jeunesse, a consigné, lui, son expérience dans un livre proposé à ceux qui ressentent le prurit littéraire, pour partager " un savoir-faire et le goût de son métier. ".
Jean-Philippe Arrou-Vignod, Vous écrivez.
Le roman de l'écriture, Gallimard,
208 pages, 18 €

lundi 30 octobre 2017

Laoshu, un Sempé chinois

Laoshu, Un monde simple et tranquille, traduit
du chinois et présenté par Jean-Claude Pastor,
Picquier, 26 €
Un monde simple et tranquille !
Vous avez bien lu : Un monde simple et tranquille.
Non, mais quel doux provocateur ce Laoshu ! Il n'a pas froid aux yeux, et terriblement chaud au cœur, pour s'exprimer ainsi, ce gobe-lune dont le nom (un pseudonyme) signifie " Vieil arbre ".
S'exprimer comment, précisément ? Eh bien, à mi-chemin de la tradition poétique et picturale chinoise et de la plus actuelle actualité -- dont il s'agit pourtant, si le libraire a bien compris, de savoir se détacher, se déprendre et prendre le chemin des nuages, de la neige, des arbres en fleurs, un livre des poètes classiques à portée de main.
Il s'agit d'un livre de dessins accompagnés de poèmes courts que les Occidentaux bavards trouvent souvent " minimalistes ". Ou bien naïfs -- leur auteur ne se présente certainement pas comme un fier-à-bras cynique et revenu de tout.
Bien sûr, il est un peu trop à la mode de se dire que les " gens pensent trop ". Il arrive bien qu'ils ne pensent pas assez.
Mais prendre un petit verre de poésie en compagnie de cette vieille branche de Vieil arbre ne saurait nuire à votre journée, ni à la suivante et quelques autres encore.

Chacun a ses défauts,
Nul n'est meilleur qu'autrui.
Nous sommes tous voués à une fin,
Qui peut prétendre être supérieur ?
Seul le désir permet de répondre au monde,

Seul le détachement nous rend libres.
Le vent s'est levé !
 

dimanche 29 octobre 2017

Paul Léautaud en forme

Paul Léautaud, Journal littéraire,
Folio, 1312 pages, 14,90 €
" Tout livre qu'un autre aurait pu écrire est à mettre au panier. "
" Savoir bien écrire mal, dis-je quelquefois. "
" Ecrire de telle façon, d'une manière si bien accordée à l'homme qu'on est, qu'on reconnaisse tout de suite l'auteur rien qu'à lire trois phrases, c'est donné à très peu. "
" C'est un curieux  mécanisme intellectuel que celui de l'écrivain. Il m'est arrivé d'avoir de grands chagrins. Avec ma manie de tout écrire, je les ai mis sur le papier.  Aussitôt consolé. "
" Rien ne fait mieux écrire que d'écrire sur ce qu'on aime. "
Avec Paul Léautaud (1872-1956) ce petit jeu des citations pourrait continuer longtemps. Car s'il a, somme toute, produit peu de livres et aucun roman, son célèbre Journal littéraire  est une mine pour ce genre d'exercices :  le trait d'esprit (souvent injuste, méchant parfois), le non-conformisme, la vacherie, la flânerie littéraire sans ordre et l'auto-dérision. Ce monument occupe un rayon entier de bibliothèque, mais on pourra en lire des extraits chez Folio.
Les éditions Horay republient aujourd'hui une sélection de bons mots de Léautaud qui furent collectés par Hubert Juin, un parfait critique littéraire et homme de lettres oublié, qui a préfacé impeccablement le recueil. Avec en quatrième de couverture ce regret exprimé par Léautaud que partage le libraire : "Dire qu'il faudra partir un jour, alors que tant de gens continueront à faire l'amour. "
Le Petit ami, disponible dans la collection L'Imaginaire, reste un ouvrage stupéfiant de légèreté et de liberté de ton, tandis que Léautaud y expose une sensibilité souvent cachée sous l'ironie et une permanence tendance à ronchonner.
Paul Léautaud, Le Petit ami,
L'Imaginaire, 224 pages, 8,90 €




jeudi 26 octobre 2017

Marie-Hélène Lafon et le rythme de la ville

Marie-Hélène Lafon, Nos vies,
Buchet-Chastel, 192 pages, 15 €
Notre amie Marie-Hélène Lafon sera sur le plateau de La Grande librairie jeudi 2 novembre.
A ses côtés se trouveront Patrick Modiano, Pierre Michon, Jeanne Balibar et François-Henri Désérable (qui avait fait partie de la sélection du Prix des Lecteurs A la Page en 2015 pour Evariste).
Elle présentera Nos vies, son dernier roman  Buchet Chastel), qui se situe, chose rare chez elle, dans l'univers parisien et " les solitudes qui le tissent ". Malgré le nom doux-amer de la rue où se noue le roman : la rue du Rendez-vous, derrière la place de la Nation.

mercredi 25 octobre 2017

Le Rêve de Patrick Modiano

Patrick Modiano, Souvenirs dormants,
Gallimard, 105 pages, 14,50 €
Un personnage qui lit Les Rêves et les moyens de les diriger du marquis Léon Hervey de Saint-Denys (1822-1892) et y ajoute la lecture du
" spectateur nocturne ", alias Nicolas Restif de la Bretonne (1734-1806), auteur des Nuits de Paris, ne saurait laisser le libraire indifférent.
Mais si, de surcroît, le même personnage fréquente le petit bar qui répond au nom " Le Rêve ", sis  vers le haut de la rue Caulaincourt, dans le dix-huitième arrondissement de la capitale, comment le libraire ne lui en serait pas reconnaissant ?
Comment les souvenirs personnels, même ceux d'un infime libraire de province, n'interviendraient-ils pas dans sa lecture d'un récit ou d'un roman ? Le souvenir personnel n'est-il pas, au contraire, l'un des éléments actifs dans le plaisir de lire (et dans celui d'écrire, mais ceci est une autre affaire, dont traite Georges Picard dans son récent Cher lecteur) ?
Car le libraire infime de province a bien connu le petit bar, si bien nommé " Le Rêve ", dans un moment reculé de son mince existence sur les pentes de Monmartre.
C'est là, à deux pas de l'allée des Brouillards que hantait Gérard de Nervalau pied d'un escalier dominant une petite place, que ce café offrait son asile à certaines de ses discussions et rencontres adolescentes.
" Le  Rêve " n'est donc pas qu'un rêve ; "Le Rêve " (avec son beau comptoir qui mange la petite salle de devant, laquelle est séparée d'une minuscule arrière-salle par une cloison typique), n'a pas seulement abrité des rêves de jeunesse : il a de l'existence dans la vraie vie ; le rêve s'épanche dans la vraie vie. Ce que ne contrediraient ni Hervey de Saint-Denys ni Patrick Modiano.
Le personnage de Souvenirs dormants, un titre réussi, fréquentait cet établissement dans les années 1965, nous dit son auteur (Modiano lui-même ?). Il lisait les journaux à la terrasse. Pile quand l'infime libraire de province y entrait, bousculant les pages de L'Aurore et de France Soir qu'un homme tenait largement dépliées ce jour-là. Les souvenirs dormants se réveillent. Ils sont faits pour ça.

Georges Picard, Cher lecteur,
Corti, 192 pages, 17 €

mardi 24 octobre 2017

Le plaisir du voyageur

Jean-Didier Urbain, Une histoire érotique du
voyage, Payot, 272 pages, 20 €
Se spécialiser dans l'étude du tourisme avait conduit Jean-Didier Urbain à consacrer, après L'Idiot du voyage, un autre volume aux voyages ratés : Le Voyage était presque parfait.
Les "mésaventuriers " (n'en sommes-nous pas tous ?) y voyaient radiographiés leurs mécomptes : visites loupées, monuments décevants, " bonnes affaires " illusoires, nourriture déconcertante, les éditeurs de guides reçoivent régulièrement quantité de plaintes dont ce livre rendait compte.
Après avoir comptabilisé les déplaisirs rencontrés au loin, Jean-Didier Urbain s'attache aujourd'hui au voyage, à l'attirance pour l'ailleurs, sous l'angle inverse : celui du plaisir. 
" Transportant la recherche du plaisir hors des alcôves et autres huis clos érotiques habituels en des espaces extérieurs ou insolites, le désir ne fait pas que projeter et cristalliser sa quête dans des objets de substitution, soutient l'historien. Ici, la recherche du plaisir ne se déplace pas. Elle s'étend. Et le voyage apparaît alors comme un moyen majeur pour effectuer cette extension érotique ", conclut-il.
Plaisir paysager,  jubilations montagnardes, caresse de
l'herbe qui incite Maupassant à écrire au sujet d'un pique-nique au bord du gour de Tazenat (Auvergne) : " Et tout le monde s'étendit dans l'herbe avec une joie animale et  délicieuse. Les hommes s'y roulaient, y enfonçaient leurs mains ; et les femmes, doucement couchées sur le flanc,  y posaient leur joue comme pour y chercher une fraîche caresse. " Ou extases tahitiennes de Gauguin, dont il est beaucoup question en ce moment : " Là à Tahiti, je pourrai, au silence des belles nuits tropicales, écouter la douce musique murmurante des mouvements de mon cœur en harmonie amoureuse avec les êtres mystérieux de mon entourage. "
Jean-Didier Urbain, Le Voyage était presque
parfait, essai sur les voyages ratés, Petite
Bibliothèque Payot, 718 pages, 12,80 €

 


lundi 23 octobre 2017

Avec les Anges et les fleuves

Le Matricule des Anges, n° 187,
52 pages, 6,50 €
Azad Ziya Eren, qui nous avait fait le plaisir et l'honneur de nous rejoindre le 30 septembre dernier, figure au menu du Matricule des Anges  en sa cent-quatre vingt septième livraison.
Ainsi que Kenneth White (Lettres aux derniers lettrés, Isolato) et Gaston Criel (L'Os quotidien, Le Sonneur).
Ce qui fait trois raisons, au moins, de se pencher sur ce numéro.
Pendant ce temps, la revue La Loire et ses terroirs, " magazine du fleuve et des hommes ", fête ses vingt-cinq ans d'âge. Il y est davantage question de géographie, d'orographie, voire de chansons de mariniers, que de littérature. Mais la poésie de l'eau n'est pas loin. Ni l'Allier et ses abords.
Ce qui fait de nombreuses raisons de s'y pencher.
La Loire et ses terroirs N° 100,
216 pages, 20,00 €

samedi 21 octobre 2017

Nouvelles chroniques

Fabrice Hadjadj, Dernières nouvelles de l'homme
et de la femme aussi), Tallandier, 346 pages,
18,90 €
 
Par leur titre, ces chroniques de Fabrice Hadjadj font immédiatement penser à Alexandre Vialatte -- et leur auteur ne s'en cache nullement, qui a su contourner la petite difficulté en le féminisant.
Par le ton (qui évite le pathos, s'efforce de rester léger, ce qui n'est pas une ligne facile -- ni forcément souhaitable -- à tenir), elles ont une certaine parenté avec celles d'Umberto Eco dont le libraire parlait il y a peu. Par le contenu aussi.
Le monde moderne, l'homme moderne, les outils modernes, les joujoux modernes,  en forment le sujet, un et multiple : le présent est parfois un peu trop présent.. Frédéric Hadjadj s'en extrait par sa culture, son humour, le maintien d'une perspective spirituelle.
S'il existait un " Prix de la page 145 " comme il existe un " Prix de la page 111 " (et maintenant un " Prix de la page 112 "), le libraire l'attribuerait à Dernières nouvelles de l'homme (et de la femme aussi) pour la citation qu'elle contient d'Adolf Portmann, l'auteur de La Forme animale. Ce livre superbe (et épuisé !) est tout entier consacré à démontrer que " la vie excède toute conception utilitariste ".
Ouf ! murmure le libraire.
 


vendredi 20 octobre 2017

Ce que lisent les Français

Dans Livres Hebdo ce matin :

" Une étude comparative menée par le magazine J’aime lire à vingt ans d’intervalle (1997 et 2017), et dévoilé ce jeudi 19 octobre, montre que la pratique de la lecture est restée stable en 20 ans.
 En 2017, comme en 1997, 52 % des Français déclarent avoir lu (souvent ou de temps en temps) lorsqu’ils étaient jeunes. De même, la disparité entre les sexes reste la même. En 1997, 41% des femmes déclaraient lire souvent quand elles étaient jeunes contre seulement 19% des hommes. Vingt ans plus tard, 40% des femmes pour 18% des hommes disent avoir lu souvent dans leur jeunesse.

L’étude de J’aime lire dévoile deux nouveautés. En 2017, 63 % des parents ayant au moins un enfant entre 7 et 12 ans déclarent proposer des livres qu’ils ont aimé à leurs enfants, contre 48 % en 1997. Les types de lectures ont également évolué, avec une percée de la bande-dessinée : pas du tout citée en 1997, elle l'est pour 5% des français en 2017, et monte à 9% chez
les 25-30 ans.
 Jules Verne, la Comtesse de Ségur, Le Club des Cinq avaient marqué les esprits en 1997. Vingt ans plus tard, la Bibliothèque rose (et notamment le Club des Cinq) et la Bibliothèque verte dominent le palmarès. "

dimanche 15 octobre 2017

Viva Eco !

Umberto Eco, Chroniques d'une société liquide,
traduites de l'italien par Myriem Bouzaher,
Grasset, 510 pages, 23 €
" Il est possible que, dans quelques siècles, le seul moyen d'avoir des nouvelles du passé, tous les supports électroniques s'étant démagnétisés, soit un bel incunable. Et, parmi les livres modernes, survivront ceux qui ont été fabriqués avec du papier précieux, ou ceux proposés aujourd'hui par beaucoup d'éditeurs en papier non acide.
Je ne suis pas un passéiste? Sur un disque dur portable de deux cent cinquante gigas, j'ai enregistré les plus grands chefs-d'œuvre de la littérature universelle et de l'histoire de la philosophie : c'est bien plus commode d'y récupérer en quelques secondes une citation de Dante ou de la Somme théologique de Thomas d'Aquin plutôt que de se lever et d'aller chercher un volume lourd sur des étagères trop hautes. Mais je suis heureux que ces livres restent sur me étagères, garantie de mémoire pour le jour où les instruments électroniques auront trépassé. "

Umberto Eco, Chroniques d'une société liquide, qui vient de faire son apparition sur l'étal du libraire.









samedi 14 octobre 2017

Le moment du chiffon

Antoine Compagnon, Les Chiffonniers de Paris,
Gallimard,  496 pages, 32 €
Le chiffonnier (" personne qui fait le commerce de vieux chiffons, de vieux objets, achetés ou ramassés dans les rues ")  occupe au XIXe siècle une place de choix dans les rues de Paris. Rues diurnes ou, souvent, nocturnes. Le chiffonnier occupe aussi et, peut-être, par voie de conséquence, une place importante dans la littérature de l'époque.
 Baudelaire, bien sûr, Huysmans, l'excellent Louis-Sébastien Mercier et Théophile Gautier ainsi que, moins connus, Privat d'Anglemont et Champfleury l'introduisirent dans leurs physionomies parisiennes. Sans compter les nombreuses illustrations de Daumier et de Gavarni qui utilisèrent la figure du chiffonnier au moment où celui-ci trônait, si l'on ose écrire, parmi les métiers ambulants de Paris, avec son croc et sa hotte.
Antoine Compagnon, professeur de littérature française au Collège de France, a réuni sur le compte des chiffonniers et des chiffonnières (à ne pas confondre avec fripiers, brocanteurs et marchands d'habits) une impressionnante documentation qui nous plonge dans le petit peuple de la ville lumière.
Ce beau volume relié est réhaussé d'une abondante iconographie qui s'arrête elle-même avec la disparition du personnage du "trilleur " ou du "triqueur " à l'orée du XXe siècle.
Les glaneurs et glaneuses d'Agnès Varda,  affirme en conclusion Antoine Compagnon, ont pris sa succession.


vendredi 13 octobre 2017

Messieurs les correcteurs, encore un effort

Merci Paris. 20 écrivains amoureux de leur quartier,
Tallandier, 334 pages, 17,90 €
Le libraire a quelques manies. Certaines plus compréhensibles que d'autres. On admettra donc peut-être qu'il guette, depuis son poste de Vichy, ce qui est relatif dans les livres à Valery Larbaud : qu'il s'agisse de citations, d'allusions, de références, de révérences ou de souvenirs. Et qui est plus fréquent qu'il n'y paraît.
Il est un détail, cependant, qui ne lui échappe guère, un détail de nature orthographique portant sur le prénom de l'auteur de Fermina Márquez (comme sur celui d'un ancien haut personnage de la République française) : Larbaud se prénommait Valery, sans accent aigu, et non Valéry.
Il y a pire péché, pire salmigondis, pire galimatias. A qui le dites-vous...
Cela n'empêche. Le libraire s'agace de la phrase : "S'asseyant sur une des marches de l'échelle qui permettait d'accéder aux rayons supérieurs, il me lisait de façon emphatique (un peu à la manière de Jouvet) des passages de Léon-Paul Fargue, de Valéry Larbaud, de Jean Follain... " , comme il vient de lire à la page 241 de Merci Paris, 20 écrivains amoureux de leur quartier.
Le libraire resterait muet, et éviterait de donner une nouvelle preuve de son sale caractère, s'il ne se passait guère plus de deux ou trois semaines sans que les correcteurs au service des éditeurs ne laissent passer le lancinant accent aigu sur le prénom de Larbaud.
Le libraire pourrait dire, comme Sarah Belmont, dont vient de paraître Fautes(s) de mots : " Pas de ma faute, si j'aime traquer les fautes, les miennes avant toute chose ".
Sarah Belmont, Faute(s) de mots,
Le Temps qu'il fait, 108 pages, 14 €


jeudi 12 octobre 2017

Albert Londres de retour à Vichy

Les Rencontres Albert Londres, huitièmes de ce nom,
auront lieu à l'Aletti Palace de Vichy les 21 et 22 octobre prochains.
Empruntant leur thématique au livre de Londres
Marseille, porte du sud (Arléa),
ces journées, dont le programme suit,
 verront le lancement des Cahiers Albert Londres.
Le prix d'entrée aux conférences-débats est de 10 € pour les deux jours.
 

mercredi 11 octobre 2017

Eloge du rêveur de mots

Georges Picard, Cher lecteur,
Corti, 190 pages, 17 €
" Bon nombre des plus belles journées de mon existence, je les ai passées à réfléchir et à rêver, un livre ou un stylo à la main, dans la solitude et le silence, loin de l'agitation sociales et de ses contraintes asphyxiantes. Ce que j'ai le mieux compris, c'est ce que j'ai perçu par mes lectures et, à la rigueur, ce que j'ai découvert en écrivant. Certains copains de mon adolescence me traitaient de " rat de bibliothèque " (jusqu'à ce que je les humilie à la course, j'y étais bon, je parle du cent mètres). "
Le libraire se reconnaît bien dans cet autoportrait que trace Georges Picard (mais lui, plutôt que le cent mètres, c'était plutôt le football qu'il pratiquait).
Et aussi dans cet autre passage de Cher lecteur : " Un livre qui se referme sans laisser au cœur du lecteur un sentiment de nostalgie n'est qu'un simple passe-temps. Il y a une douleur à quitter ce que l'on aime, humain ou bouquin, mais, dans ce dernier cas, la petite douleur causée par le mot Fin se mêle au plaisir de pouvoir recommencer immédiatement la lecture. "
Une autre stratégie du lecteur enragé consiste à ralentir, par tous les moyens honnêtes (se lever, regarder par la fenêtre rêveusement, croquer une pomme, admirer les arbres, ranger son bureau) la lecture qui est en train de le ravir.
D'ailleurs, le libraire n'a pas encore refermé le livre de Georges Picard. Manière de rester plus longtemps en bonne compagnie.

Un rêveur de mots : Gaston Bachelard

mardi 10 octobre 2017

Fin de l'homme dans les arts et ailleurs

Thomas Schlesser, L'univers sans l'homme, Les arts contre
l'anthropomorphisme (1755-2016),
Hazan, 287 pages, 56 €
L'idée que l'Humanité approcherait de sa fin se répand dans de nombreux livres. Elle se déploie chez les transhumanistes, chez certains écologistes ou les amis de la cause animale comme, aussi bien, chez les défaitistes. Au fond, chacun ne serait pas mécontent d'administrer, sans faire plus de détail dans les responsabilités, une énorme fessée à ce genre humain malfaisant, encombrant, polluant, remuant...
N'est-ce pas à cette idée que, dans son livre richement documenté, est amené à se rendre l'auteur de L'Univers sans l'homme ? Une idée qu'il affirme avoir vu courir dans l'œuvre des artistes depuis le milieu du XVIIIe siècle, ou du moins dans certains courants de l'art et de la pensée..

" J’essaie de tracer une histoire de l’art qui soit un contrepoint au grand paradigme de la Renaissance faisant de l’homme le point de convergence et la mesure de toute chose ", répond Thomas Schlesser, au journal Libération. Avant de poursuivre : " Mais c’est moi qui fais des lectures de ces artistes en montrant un aspect de leur œuvre qui est anthropocritique, eux-mêmes ne s’affichent pas toujours comme tels. Je fais partie d’une génération qui a grandi dans l’idée qu’il n’y avait rien de pire que l’ethnocentrisme, relayée par Lévi-Strauss ou Aimé Césaire. Et je me suis aperçu que l’histoire que je tentais de raconter était celle d’artistes qui allaient plus loin que la critique de l’ethnocentrisme. Plutôt que de casser le sentiment de centralité d’une civilisation, ils cassent le sentiment de centralité de l’humanité tout entière. C’est la portée sociale et philosophique de l’ouvrage. "
L'expression " l'univers sans l'homme" est empruntée à Baudelaire, qui ne souscrivait pas à cette perspective. Ni André Breton, qui la repéra dans les courants de la sensibilité moderne, pour finir par la rejeter : " Cette fin du monde n'est pas la nôtre ", devait-il écrire dans " La lampe dans l'horloge ", en 1948.
" L’esthétique de l’univers sans l’homme est celle du vertige, physique et métaphysique ", dit encore Thomas Schlesser. Mais quel homme en sera saisi si tous ont disparu, se demande ce nigaud de libraire.

lundi 9 octobre 2017

Défense de la librairie indépendante

      
Voici le communiqué qu'a publié le Syndicat de la librairie française,
 le 6 octobre 2017

 

Communiqué de presse
 
Destruction d’emplois, évasion fiscale, exploitation sociale,
le vrai prix de l’expansion d’Amazon.

 Amazon a inauguré cette semaine à Boves, à proximité d’Amiens, en présence du Président de la République, son cinquième centre logistique en France. Le groupe américain a par ailleurs annoncé l’ouverture, en 2018, d’un sixième entrepôt, deux fois plus grand, en région parisienne.
Localement et à court terme, il s’agit d’une bonne nouvelle pour les personnes qui vont retrouver un emploi, même si la majorité des postes seront en intérim ou en CDD. Néanmoins, il est urgent de répondre à la fascination que peut provoquer Amazon en rappelant le prix de son expansion et ses effets présents et à venir sur l’économie, la culture ainsi que sur nos territoires et notre manière de vivre ensemble.

 Amazon détruit plus d’emplois qu’il n’en crée

Le modèle d’Amazon s’appuie sur une automatisation toujours plus grande des tâches accomplies dans ses entrepôts, à tel point que la multinationale américaine a acheté, pour près d’un milliard de dollars, le fabricant de robots Kiva. 45 000 de ces robots sont aujourd’hui produits et utilisés par Amazon. Le nombre de nouveaux robots croît plus rapidement (+ 50 % en deux ans) que celui des embauches de salariés.

Une étude du MIT, publiée en mars 2017, montre que chaque robot introduit sur le marché du travail détruit six emplois et entraîne une baisse du salaire moyen sur le marché du travail du fait d’une demande accrue d’emplois. Sur cette base, Amazon aurait déjà détruit près de 300 000 emplois dans le monde, soit autant que le nombre de ses salariés !

A cela il faut ajouter les dizaines ou centaines de milliers d’emplois détruits chez les concurrents d’Amazon terrassés par sa politique de dumping financée par une capitalisation hors normes. Cette politique prédatrice ne touche pas seulement de grandes chaînes concurrentes mais également des commerçants indépendants dont la présence est essentielle à la vitalité économique et sociale des territoires et particulièrement des centres-villes que l’expansion d’Amazon contribue à désertifier.

Des conditions de travail d’un autre âge

Les témoignages affluent aujourd’hui sur la souffrance au travail des salariés d’Amazon[1]. Cadences exténuantes, pressions et intimidations érigées en système, surveillance, délation… La réalité du travail chez Amazon est aux antipodes de l’impératif joyeux qu’il adresse chaque jour à ses employés « Have fun » !!

 Evasion fiscale et concurrence déloyale

Au lendemain de l’inauguration de son nouvel entrepôt, l’on apprenait qu’Amazon était condamné par la Commission européenne à verser 250 millions d’euros d’impôts impayés. Le Président de la République française a salué cette décision qui reconnaît le caractère illégal des montages financiers d’Amazon et qui va dans le sens de sa volonté de taxer les « GAFA » à la hauteur du chiffre d’affaires qu’ils réalisent dans chaque pays européen.

Tricher ainsi avec l’impôt, c’est réduire la capacité de la collectivité à développer les services publics et c’est également fausser la concurrence à l’égard des autres acteurs économiques.

 Oui, les alternatives à Amazon existent !

En disant cela, les libraires indépendants se rangent-ils dans un monde ancien et crispé ? Loin s’en faut ! Ce serait oublier qu’ils représentent le premier circuit de vente de livres en France. La fréquentation et la satisfaction de leurs millions de clients est la meilleure illustration de la pertinence de leur modèle, aux antipodes de celui d’Amazon, car fondé sur la relation humaine, l’inscription dans la vie d’un quartier, d’une ville, d’une communauté, sur la hiérarchisation de l’offre et l’orientation des lecteurs parmi les centaines de milliers de livres disponibles… 

Les libraires indépendants accompagnent également les lecteurs sur Internet. C’est ainsi qu’ils sont plus de 700 à s’être fédérés autour du site librairiesindependantes.com.  En un clic, le client connaît la disponibilité du titre qu’il recherche dans les librairies à proximité et peut le réserver et le retirer en magasin, le faire livrer à son domicile ou l’acheter en numérique.

Grâce à la mutualisation des stocks des 700 librairies partenaires, librairiesindependantes.com propose une offre plus vaste que celle d’Amazon, et, grâce au retrait en magasin, des délais plus courts, un coût moins élevé (absence de frais de port, réduction de 5% sur le prix des livres dans le cadre des programmes de fidélité) et un meilleur respect de l’environnement en réduisant le transport par camion.
 
Pour l’emploi, pour la défense de notre qualité de vie, de nos territoires, et pour le plaisir de flâner, de découvrir et d’échanger, le meilleur choix, c’est celui des librairies indépendantes. 


 
 

dimanche 8 octobre 2017

Poètes en bandes dessinées

Vandermeulen, Casanave, Nerval l'inconsolé,
Caterman, 156 pages, 22,50 €
Le roman n'est pas la seule forme littéraire à intéresser les auteurs de bandes dessinées. Les poèmes et leurs auteurs aussi.
Charles Bukowski, Prévert, Rimbaud (le plus célébré, peut-être), Villon, sans oublier Lautréamont (le libraire biche), voire John Milton et son Paradis perdu ont été des sources d'inspiration.
La vie de Gérard de Nerval vient de susciter la curiosité de David Vandermeulen (scénario) et Daniel Casanave (dessins). " Avant tout, écrit le scénariste, parce que la vie de Nerval, bien plus qu'une autre, fut un véritable drame romantique " et parce qu'il est bon que la postérité venge le doux Gérard de son infortune.
Avant Nerval, Casanave a défendu, nottament, Verlaine,  et Baudelaire ; Vandermeulen s'est attaché au Faust de Goethe.
C'est également à Baudelaire que Christophe Renault et Michels Mabel, entourés de nombreux illustrateurs, viennent de rendre hommage. La partie documentaire est plus présente dans cet album, où sont reproduits et illustrés quelques uns des poèmes les plus célèbres de l'auteur des Fleurs du mal. Son dandysme, sa bohème, son spleen, sa poésie vécue y sont également évoqués dans une perspective didactique.

Poèmes de Baudelaire en BD, Petit à petit,
112 pages, 16,90 €

samedi 7 octobre 2017

Proust, son questionnaire et sa jeunesse

Evelyne Bloch-Dano, Une jeunesse de Marcel
Proust, Stock, 286 pages, 19,50 €
Pas d'anniversaire en vue, pas de grande exposition : que se passe-t-il ? Des proustiens se déclarent de toutes parts. Profitons-en, dit le libraire !
Evelyne Bloch-Dano, déjà auteur de Madame Proust en 2004, a tiré un excellent parti du fameux, du mythique Questionnaire de Proust. Comment, demande-t-elle, ce qui était un jeu de société mondain, a-t-il " traversé le temps et fait le tour du monde " ? Au point que le document original dans lequel Proust consigna ses réponses (un album intitulé Confessions) atteignit, il y a une quinzaine d'années, plus de 120,000 euros aux enchères à Drouot.
L'essentiel est que, à partir des Confessions, Evelyne Bloch-Dano soit parvenue à identifier la société dont Marcel était entouré, celle qui forme le cadre du Questionnaire, et à approcher la personnalité qui était la sienne à l'époque. " En comparant ses réponses à celles données par des jeunes gens de son âge, est-il possible de déceler la précocité, la profondeur, l'originalité de Proust ? Tout simplement : était-il déjà exceptionnel ou, simplement, un garçon de son temps ? " " Quel jeune garçon était-il, interroge encore Evelyne Bloch-Dano,  Et surtout, dans quelle mesure ces années, ces amitiés ont-elles nourri l'œuvre future ? De Gilberte aux Champs-Elysées à la petite bande d'Albertine et des jeunes filles en fleurs, quelles traces ont-elles laissées ? "
L'album " Confessions ", contenant les réponses de Proust

vendredi 6 octobre 2017

André Lévy (1925-2017) : la passion de traduire

Jing Ping Mei, chapitre IV
Le sinologue, traducteur et théoricien André Lévy vient de disparaître. On lui devait, entre autres, la traduction du grand classique chinois Jing Ping Mei dans la collection de la Pleïade (puis chez Folio), sous le titre de Fleur en fiole d'or.
A l'heure de la Foire du livre de Francfort, rendons-lui hommage.

" On exige d’une traduction ce que l’on ne saurait demander de l’œuvre qui demeure intangible telle que l’a voulue l’auteur. L’évolution de la langue, les goûts du public rendent souhaitable son renouvellement périodique. A cette révocabilité, en quelque sorte intrinsèque, s’ajoutent les inévitables remords d’un travail nécessairement imparfait par rapport à son objet et s’oppose l’irrévocabilité du texte imprimé et publié.
(...) Ne faut-il pas distinguer plusieurs espèces parmi les traducteurs ? Ceux qui retournent amoureusement chaque pierre de l’œuvre à laquelle ils sont prêts à sacrifier neuf vies, ceux en qui le critique refoulé s’épanche dans les notes qui font de la traduction une œuvre tellement plus intéressante que l’original. Ou encore ceux qui s’identifient à l’auteur au point de chercher à rivaliser dans leur travail avec la vitesse de composition de l’original, en profitant, si possible, d’une grande familiarité préalable avec l’œuvre. Est-ce une condition sine qua non pour transposer l’impondérable, le souffle qui traverse les œuvres majeures, quand il s’agit de romans ou d’épopées ? Ce n’est pas si sûr.
Faut-il respecter l’identité de l’œuvre jusqu’à en conserver les plus petites verrues en traduction ? La réponse dépend du public visé et de la nature de l’œuvre. L’une des traductrices de la collection Harlequin, appelée à produire un volume par mois, les récrivait plus qu’elle ne les traduisait, paraît-il. Ce qui est légitime dans ce cas ne saurait l’être dans une collection telle que la Pléiade, par exemple. "
                                                                                        André Lévy, La passion de traduire


Jing Ping Mei, Fleur en fiole d'or,
traduit du chinois et annoté par André Levy,
Folio, 2 volumes sous coffret, 29,80 €








 

jeudi 5 octobre 2017

Quel fromage !

Jean-Loup Chiflet, Je n'ai pas encore le titre,
Plon, 320 pages, 18,90 €
Jean-Loup Chifflet publie Je n'ai pas encore de tire (Plon), où il résume 50 ans de sa vie dans l'édition. Anecdotes, confidences amusantes ou prudentes, s'enchaînent et se terminent par un fromage. Ou, si vous préférez, un " camembert statistique ", série de données chiffrées sur la décomposition du prix d'un livre.
Soit, nous dit le professeur Chifflet, en page 316, un
" livre vendu 10 € TTC ": Comment se découpe son prix (ou : à qui chers amis du libraire confiez-vous votre argent, votre blé, vos thunes). Voici  :

. 0,50 : TVA
. 1 € : l'auteur
. 1,50 € : l'éditeur
. 1,70 € : diffusion / distribution
. 3,80 € : libraire
. 1,50 € : impression / fabrication.

Vous avez bien lu le fromage : c'est ce saligaud, ou cette saligaude, de libraire qui gagne le plus d'argent, de blé, de thune dans la chaîne du livre.
Davantage, même, que l'auteur !
La petite question à se poser reste la suivante : combien de fois un libraire gagne-t-il ses 3,80 € au fond de son négoce juteux, sans même écrire les livres, ni les transporter, ni les imprimer -- autrement dit, en se promenant toute la journée parmi des milliers de joyaux qui ne lui coûtent rien et lui rapportent énormément une fois qu'il les a déposés par milliers sur des tables et quelques rayons ?
Livrons nous au calcul : S'il vend un exemplaire du livre du professeur Chifflet, le saligaud de libraire (ou la saligaude) aura gagné 3,80 €.
Si le professeur Chifflet en vend 100 (et, vraiment, là, le professeur Chifflet pourrait faire un petit effort sur les plateaux de télévision et les antennes de radio), il aura gagné, selon son propre fromage TTC, 100 € ;
l'Etat 50 € ; 
le distributeur 170 € ;
l'imprimeur 150 €.
Pour 1000 exemplaires vendus dans toute la France, beaucoup de saligauds / saligaudes de libraires se seront chacun rempli les poches de 38 € (en admettant que les officines de librairies perçoivent effectivement ce pourcentage à chaque livre vendu !) pour que le professeur donne ses leçons d'économie à 1000 € ; l'Etat 500 € ; l'éditeur 1500 €... Et ainsi de suite, vous avez compris.
Du professeur Chiflet, le libraire conseille de lire le Dictionnaire amoureux de l'humour.

Jean-Loup Chiflet, Dictionnaire
amoureux de l'humour, Plon,
720 pages, 24 €


mardi 3 octobre 2017

Gloire de la chouette et du hibou

Mike Unwin, David Tipling, lL'énigme de la chouette.
 50 histoires illustrées, Delachaux Niestlé, 288 pages, 39 €
282 grandes pages et 50 histoires richement illustrées de 200 photographies ne sont pas de trop pour résoudre l'énigme de la chouette.
" Les rencontres avec les rapaces nocturnes sont toujours des moments particuliers. Ma plus mémorable a eu lieu sur une île isolée du delta de l'Okavango, au Botswana. Mon guide m'avait entraîné à travers une lagune jusqu'à un enchevêtrement forestier devant lequel il s'arrêta, pointant du doigt un grand figuier sycomore. Il me fallut deux minutes, avec mes jumelles, pour repérer ce que, lui, avec ses seuls yeux, avait vu du premier coup : une énorme chouette au plumage orange cannelle qui nous observait depuis son perchoir des ses grands yeux noirs suspicieux. (...)
Il n'est toutefois nul besoin de fréquenter les brousses africaines pour observer des rapaces nocturnes. Mon enfance au Royaume-Uni est pleine de rencontres inoubliables", ajoute l'auteur de ces lignes, Mike Unwin.
Il n'est pas sûr que nos rencontres avec les chouettes et les hiboux soient aussi fréquentes que celles de cet ornithologue. Mais il est peu contestable qu'elles ont toutes un aspect capable de nous remuer. Qu'il s'agisse de la beauté de leur livrée, de l'extraordinaire présence de leur regard, de la majesté de leur port ou de l'étrange contexte sonore dans lequel ils nous plongent.
Cet album nous présente les rapaces nocturnes de tous les continents. 53 espèces sont abordées, avec une description de leur aspect, de leur répartition et de leur comportement,. Sans négliger les chouettes et les hiboux, rois et reines de la nuit, que nous avons dans la tête depuis l'aube des temps.

Ishtar, déesse mésopotamienne.

lundi 2 octobre 2017

Les enfants de Brassaï

 
Cette tendre photo de Brassaï, prise en 1949,
pour rappeler qu'un beau rayon photos
vous attend à la librairie
(au fond à droite, non loin du canapé rouge)

 
 

dimanche 1 octobre 2017

L'amitié des montagnes

Paolo Cognetti, Les Huit montagnes, traduit
de l'italien par Anita Rochedy, Stock,
300 pages, 21,50 €
Il n'est guère permis de douter que le narrateur des Huit montagnes ne soit le double de l'auteur de ce très beau roman. La dédicace, in fine, nous l'indique. Mais, surtout, la profonde intériorisation du récit et de ses personnages, d'une justesse qui ne trompe pas : les huit montagnes ont bien été ce lieu d'émerveillement dont Paolo Cognetti fait le centre de son livre.
C'est que la famille du narrateur vit à Milan, en exil de ses sommets et de ses glaciers, " à l'altitude des neiges éternelles ". Le père, déjà, était un amoureux des cimes et des neiges et sut transmettre sa passion à son fils. Habitants forcés de la grande ville, ils revenaient dès qu'ils le pouvaient à leurs amours, dans le val d'Aoste, au pied du Cervin.
A la mort de son père, Pietro continue la tradition familiale et retape un refuge avec l'aide de Bruno, un autre fondu de la région. Ensemble, garçon de la ville et garçon de la montagne, ils vont continuer de hanter les vallées, les forêts et les crêtes. Pendant trente ans.
" On peut dire que j'ai commencé à écrire cette histoire quand j'étais enfant, dit Paolo Cognetti, parce qu'elle m'appartient autant que mes propres souvenirs. Ces dernières années, quand on me demandait de quoi elle parlait, je répondais toujours : de deux amis et d'une montagne. Oui elle parle vraiment de ça. "
Les Huit montagnes est le premier roman de Paolo Cognetti, dont un recueil de nouvelles, Sofia s'habille toujours en noir (Liana Levi) et un carnet de randonnées, Le Garçon sauvage (Zoé), ont été traduits en français.