Jing Ping Mei, chapitre IV |
A l'heure de la Foire du livre de Francfort, rendons-lui hommage.
" On exige d’une traduction ce que l’on ne saurait demander de l’œuvre qui demeure intangible telle que l’a voulue l’auteur. L’évolution de la langue, les goûts du public rendent souhaitable son renouvellement périodique. A cette révocabilité, en quelque sorte intrinsèque, s’ajoutent les inévitables remords d’un travail nécessairement imparfait par rapport à son objet et s’oppose l’irrévocabilité du texte imprimé et publié.
(...) Ne faut-il pas distinguer plusieurs espèces parmi les traducteurs ? Ceux qui retournent amoureusement chaque pierre de l’œuvre à laquelle ils sont prêts à sacrifier neuf vies, ceux en qui le critique refoulé s’épanche dans les notes qui font de la traduction une œuvre tellement plus intéressante que l’original. Ou encore ceux qui s’identifient à l’auteur au point de chercher à rivaliser dans leur travail avec la vitesse de composition de l’original, en profitant, si possible, d’une grande familiarité préalable avec l’œuvre. Est-ce une condition sine qua non pour transposer l’impondérable, le souffle qui traverse les œuvres majeures, quand il s’agit de romans ou d’épopées ? Ce n’est pas si sûr.
Faut-il respecter l’identité de l’œuvre jusqu’à en conserver les plus petites verrues en traduction ? La réponse dépend du public visé et de la nature de l’œuvre. L’une des traductrices de la collection Harlequin, appelée à produire un volume par mois, les récrivait plus qu’elle ne les traduisait, paraît-il. Ce qui est légitime dans ce cas ne saurait l’être dans une collection telle que la Pléiade, par exemple. "
André Lévy, La passion de traduire
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