Bruce Chatwin, Utz, traduit de l'anglais par Jacques Chabert, Grasset, Cahiers rouges, 126 pages, 7,50 € |
" Les romans russes ou l'histoire d'amour de ses parents à Marienbad, avaient convaincu Utz que dans une ville d'eaux l'inattendu se produisait, immanquablement.
Deux êtres solitaires, que des ennuis de santé ou les malheurs de l'existence avaient conduits là, se croisaient pendant leur promenade de l'après-midi. Leurs yeux se rencontraient au-dessus d'une plate-bande d'œillets municipaux. Mus par l'attirance naturelle des contraires, ils s'asseyaient sur le même banc de fonte et, mal à l'aise, échangeaient leurs premières phrases conventionnelles (" Venez-vous souvent à Vichy ? -- Non. C'est mon premier séjour. -- Moi également "). Une soirée enchanteresse se terminait dans l'une ou l'autre de leurs chambres.
La liaison s'achevait par des adieux déchirants ("Non, ma chérie, je vous en prie ne venez pas à la gare "). Ou bien, lorsque la séparation paraissait inévitable, ils prenaient la décision irrévocable qui les liait l'un à l'autre pour le reste de leur vie.
Utz était arrivé à Vichy avec cette idée romantique selon laquelle, s'il lui fallait prendre une résolution, il la prendrait. "
Utz est le personnage de Bruce Chatwin (1940-1989), gentleman marcheur, dont ce roman fut le dernier.Collectionneur d'art invétéré, Utz se lance à Prague sur les pas de l'empereur Rodolphe II, lui-même esthète, passionné d'objets exotiques.
Les pages vichyssoises qui conduisent Utz de la rue Clémenceau aux rives de l'Allier et leurs restaurants, sont douce-amères, pour ne pas dire plus. De minimes erreurs topographiques jalonnent le récit, étrange et mélancolique, dans lequel passe l'étrange figure du golem.
" La journée, chaude et ensoleillée, lui permit de déjeuner dehors sur la terrasse, sous un auvent dont la toile ver et blanc claquait paresseusement au souffle de la brise. Devant chaque couvert, on avait disposé trois verres à vin. Il observa les peupliers qui formaient des Z sur la rivière et les hirondelles de rivage qui effleuraient la surface des eaux. Sur l'autre bord, des pêcheurs et leur famille avaient étalé leur pique nique sur l'herbe. "
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