Mathias Enard, Dernière communication à la société proustienne de Barcelone, Inculte, 120 pages, 14,90 € |
Son empan est large comme d'habitude : Beyrouth et Balkans, Russie, mer noire et Catalogne -- Barcelone du moins.
La coulée de ses vers est facile, directe :
Je cherche un cargo lituanien
Avec des Philippins buveurs de rhum
L'exotisme
Et une escale à Malte ou à La Canée
A Istanbul, allez, je ne suis pas chien...
Ça et là passe l'instantanéité des poèmes beat, leur décontraction affichée sur la route :
C'est trop calme
C'est la grève tous les deux jours les épiciers baissent
leurs rideaux de fer
Il faut passer dessous pour acheter ses clopes dans le noir
Christian Bobin, lui, ne se sent pas l'âme d'un voyageur au long cours. C'est ce qu'il explique par une lettre à l'éditrice de L'Invention du voyage, un volume dans lequel Sylvain Tesson et Isabelle Autissier, parmi d'autres amoureux des grands espaces, rencontrent des adeptes du local et des petits rayons, comme Pierre Rahbi et Bobin, donc.
La confession de ce dernier ne manque pas de charme : " Je n'ai pas fait un seul pas depuis l'enfance, dit-il. Les fééries m'ont empêché d'aller plus loin. Ma rue natale s'appelait rue du 4 septembre. Je suis resté là, à cette enseigne (...) Ma rue était en pente (...) Je ne m'aventurais même pas à ses extrémités. Vingt mètres m'épuisaient et me comblaient (...) Je connais très bien l'alphabet des nuages, l'écriture des fissures sur les tablettes d'un trottoir. Je n'aime pas plus l'éloge des racines que celui des voyages. "
Ce long vers, cette ligne plutôt, dans un poème de Mathias Enard, devrait cependant lui plaire :
Mon pays est si petit que je peux tenir tous ses arbres au creux de ma main et les lancer -- on se battait avec ses châtaignes dans la cour de l'école.
Collectif, L'Invention du voyage, Le Passeur, 222 pages, 14,90 € |
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