vendredi 3 mars 2017

Clafoutis dans l'Allier et château dans les Bois noirs

Véronique de Bure, Un clafoutis aux tomates
cerises, Flammarion, 380 pages, 19,90 €
Ce sont les quatre saisons de Jeanne. Elle va sur ses quatre-vingt-dix ans, Jeanne. Et elle confie ses pensées à son journal intime. Elle lui dit ces mots, par exemple : " Apparemment, c'est devenu à la mode de se faire brûler. Eh bien tant pis, je ne serai pas à la mode. D'abord, je veux une belle messe. Ensuite, je veux qu'on me mette en terre, pas sur un bûcher. Qu'on m'allonge doucement dans une boîte en bois et qu'on m'y laisse reposer le temps qu'il faudra, auprès de René. Je ne veux pas qu'on me réduise en cendres pour me fourrer dans une urne qui ne ressemble à rien. Ça me fait penser à la fille de Gilberte, celle qui vit en Amérique. Là-bas, je crois que c'est courant de se faire incinérer. En tout cas, elle a fait incinérer son mari et depuis elle se promène partout avec ses cendres. "
Précisons que Jeanne vit dans l'Allier et que sans cette particularité géographique, son personnage, imaginé par Véronique de Bure n'aurait peut-être pas attiré l'attention du libraire sur son cas. Jeanne a habité Vichy ; elle allait admirer le feu d'artifice du 14 juillet au bord du lac d'Allier ; elle aime les donjonnais, gâteaux avec de la meringue, de la crème au praliné et de la pâte d'amande dont la réputation n'est peut-être pas sortie du département. Elle passe l'hiver, l'hiver de sa vie, à Lapalisse, petite ville dont un mot a suffi à assurer sa célébrité dans le monde entier : le mot lapalissade, nous assure le Trésor de la langue française, " dérivé du nom de Jacques de Chabannes, seigneur de La Palice ou La Palisse (1470-1525) sur lequel on fit une chanson populaire remplie de vérités trop évidentes, dites vérités de La Palisse." Jeanne est sympathique et le roman de Véronique de Bure s'intitule Un clafoutis aux tomates cerises.
Par ailleurs, les éditions Libretto ont la bonne idée de reprendre au format de poche le roman du corrézien Robert Margerit (1910-1988) Le Château des Bois noirs. Julien Gracq fut l'un des premiers admirateurs du prix Renaudot 1951 que fut Margerit pour Le Dieu nu.
" Les nuages courant au ras du sol dépassaient la voiture haletante et la balayaient de leurs franges. Des squelettes d'arbres, des buissons apparaissaient confusément puis se perdaient entre ces grandes charpies fuligineuses. Tout n'était plus que poudre d'eau, fumée livide crevée ici par un hérisson de ronces, là par un tronc luisant dont les ramures disparaissaient dans le déferlement des vapeurs. "
On comprend à quoi tenait l'admiration  de Gracq.
Robert Margerit, Le Château des Bois Noirs,
Libretto, 260 pages, 9,70 €

 

1 commentaire:

  1. Certains soirs, j'en veux au libraire de nous donner tant d'envies de lectures alors que nous ne disposons finalement que de trop peu de temps...

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