Arthur Cravan, Trente-cinq lettres à Sophie Treadwell, édition, retranscription et notes de Bertrand Lacarelle, Cent pages, 36 pages, 15 € |
Chère Sophie,
Toujours rien de toi. Dois-je t'aimer ? graves problèmes. Tu sais que si tu ne reviens pas dans deux mois je partirai pour ne plus revenir. Je me prends de haine pour New-York. Cette grande ville est extrêmement dangereuse. Je ne devrais peut-être pas employer le mot dangereux car j'ai trop de volonté et rien ne saurait m'écraser. C'est une ville qui est construite pour les masses, pour canaliser les foules : l'individu disparaît. Hier encore j'observais les automobiles s'avancer par colonnes et je songeais à la charmante émancipation du fiacre parisien. Naturellement, je ne veux pas plier et c'est des luttes épuisantes entre mon cœur et la métropole. Et puis, tout le monde a peut-être une âme mais tout le monde n'a pas une destinée. Tu as dû remarquer, si tu as un peu d'instinct, que je ressemble aussi peu que possible à tout le monde. (...) "
Ceci est un extrait de l'une des trente-cinq lettres adressées par Arthur Cravan à Sophie Treadwell. Arthur Cravan (1887-1918), neveu d'Oscar Wilde, boxeur, séducteur, organisateur de scandales et poète sui generis. Sophie Treadwell (1885-1970), journaliste américaine, future dramaturge à succès, nous apprend Bertrand Lacarelle en ouverture à ce livre que proposent les éditions Cent pages
Cent pages dont le catalogue est d'une constante originalité. Une vraie originalité, qui explique sans doute qu'elle ne se vaut jamais la une des gazettes.
L'ouvrage, hardiment typographié, se présente sous une gaine de papier cristal et comporte photographies et fac-similés de documents d'époque. Histoire de restituer un peu de l'esprit de Cravan lui-même. Une parfaite réussite qui, comme l'indique ironiquement son éditeur,
" a certainement sa place dans la surproduction contemporaine ".
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