Eric Losfeld, Endetté comme une mule, Tristram, 312 pages, 11,40 € |
Mais, au fait qui était Losfeld et dans quelle sphère opérait-il ? Monsieur Losfeld (1922-1979) était un éditeur. Un vrai, c'est-à-dire un passionné. Pas un affairiste, pour lesquels il n'exprime ici que mépris. " Le travail dans l'édition n'a jamais été une mine d'or , prévient-il : je le dis à l'usage des jeunes qui désirent s'y lancer sans protection, ni recommandation ".
Sur ce point, c'est un peu ce qu'il advient, mettons, aux libraires qui voudraient se lancer dans les mêmes circonstances (d'ailleurs, Losfeld, décidément un gars bien, fut lui-même libraire). Mais bref, voilà un homme qui encaissa les coups les plus rudes. Dont celui-ci, de la part d'un
" grand " éditeur bien connu sur la place et plus largement encore, chez qui il était venu dénoncer de mauvais procédés : " Mon cher monsieur, si nous devions nous occuper de tous les petits éditeurs qui gravitent autour de nous et qui fatalement se casseront la figure, je serais obligé de créer un service spécial, et je n'en ai pas les moyens. "
Losfeld fut soutenu par Breton et Queneau en même temps. Il dut faire face à la censure. Il publia Ionesco donc, fit tant de découvertes et de redécouvertes, qu'il en arriva à publier deux énormes succès de librairie : Emmanuelle et Barbarella, en laquelle on voudra sûrement reconnaître la silhouette de François Hardy ou de Brigitte Bardot. La liste complète de ce qu'il édita, livres, revues, anthologies figure en fin de volume. C'est Losfeld qui répondit à un directeur de revue très en vogue au milieu des années 1960 : " Monsieur, J'ai bien reçu votre lettre du 6 courant, elle me confirme que nous ne sommes pas sur la même " Planète ". Je n'ai jamais sollicité une critique pour l'un de mes livres, je crois même ne vous avoir jamais adressé un service de presse. "
Si le billet du libraire est un peu confus, sa conclusion ne le sera point. Elle est d'Eric Losfeld en personne : " A la formule assez louche ' Vivre dangereusement ' des Malraux et autres matamores, je préfère vivre merveilleusement, ce qui supprime toute idée de gloriole et de profit. "
Chapeau bas, Monsieur Losfeld, chapeau bas.
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