Bernard Chambaz, Petite philosophie du ballon, Champs essais, 172 pages, 8 € |
D'autant que le chauvinisme est une invention française, le soldat Chauvin, un grognard de fiction, ayant donné son nom de théâtre à une des pires manifestations de bêtise et d'étroitesse qui soient. Peu auparavant, Kant avait pourtant porté haut les couleurs et l'exigence d'un cosmopolitisme contemporain, indiquant le rôle fondamental d'étranger dans la construction du droit. Mieux encore, il pose que la communauté pratique du sentiment en est le fondement moral. A cette aune, rien de plus digne que d'être un citoyen du monde. "
Ceci étant dit, et bien dit, Bernard Chambaz peut se livrer avec joie à tous les déboulés, à tous les dribles, à toutes les feintes, à tous les plongeons qu'il veut balle au pied ou sur la tête. Le libraire l'avait connu amoureux de la petite reine, il le retrouve dingo du cuir dans ce livre paru de la bien nommée collection Champs. Comme il n'a pas oublié, lui non plus, le bruit tout à fait particulier que fait le ballon lorsqu'il tourne contre le filet au moment du but, ni la boue autour des crampons qui transforme par temps d'hiver vos pieds en raquettes, comme l'avait observé Montherlant déjà, ni la ballon qui tombe dans la propriété voisine après avoir franchi les barrières de protection, ni les petits ponts et les grands ponts construits par les artistes éphémères du foot sur la pelouse... eh bien le libraire s'est régalé.
Nous avons pour nous, signale pour sa part, Jean-Claude Michelena, la triplette Giraudoux, Camus et Pasolini du côté des intellectuels (ce qui ne fait pas des masses, finalement). Et surtout des millions de pratiquants depuis si longtemps énamourés.
La philosophie de ce jeu peut se ramener à ceci : " Le ' beau jeu ', offensif et spectaculaire (...) est, en effet, celui dans lequel l'équipe fonctionne comme un collectif solidaire, dans lequel chacun prend plaisir à jouer en fonction des autres et pour les autres. Concrètement, cela signifie que, dans un match, le joueur qui reçoit le ballon ne doit jamais, en théorie, se retrouver livré à lui-même (contraint, dès lors, de de débarrasser de la balle ou de mettre son équipe en danger en prenant un risque inutile). Il doit toujours, au contraire, voir se dessiner autour de lui un champ de passes virtuelles (...)."
C'est exactement ce qui se passe sur la pelouse de la librairie indépendante, école de philosophie et de solidarité pratiques. Bonne fin de semaine pascale.
Jean-Claude Michéa, Le Plus beau but était une passe, Climats, 170 pages, 15 € |
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