Andrée Wilhelmy, Le Corps des bêtes, Grasset, 196 pages, 17,50 € |
Le lecteur se trouve précipité dans un univers non daté, non situé, quoique d'une sauvagerie, d'une solitude naturelle propre à un large continent -- on sait que les auteurs n'aiment guère les comparaisons, mais certains récits de Julien Gracq (rien d'offensant, on le voit, pour Andrée Wilhelmy). sont pareillement sans repères géographiques ou temporels.
Ce qui participe du dépaysement est l'omniprésence du monde animal dans le milieu où vivent les personnages aux prénoms choisis : Mie, Noé, Seth, Osip, des prénoms très brefs qui ont une histoire, une ancestralité, mais que l'on n'entend pas si souvent prononcer par ici. Les animaux sont des ours, des poulpes, des lézards, des bourdons, des oiseaux marins. Mie, plus d'une fois, se transforme en l'un d'eux, épouse ses formes. l'esprit même de l'animal. Puis retrouve son propre corps.
Les corps, précisément, sont des personnages à part entière de cet égarant récit. Par quoi il appartient bien à notre époque.
La langue d'Andrée Wilhelmy est d'une belle précision, avec une préférence pour l'article défini qui lui donne un caractère impérieux : " Toute l'attention est portée à l'environnement immédiat. La nourriture, les prédateurs, la colonie. Le monde soudain est rempli de choses simples : le frémissement des herbes à l'orée de la forêt, le roulement des coquillages sur le sable, les crabes qui traversent la plage... Le vent sur les brûlures de sel... Le goût de beure et de métal du sang... Le son de sa propre voix... Les talons qui s'enfoncent dans le limon des marées basses...La raideur des vêtements lavés à l'eau de mer.."
Andrée Wilhelmy est née à Québec en 1985.
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