Isaac Bashevis Singer, Keila la Rouge, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marie-Pierre Bay et Nicolas Castelnau-Bay, Stock, 426 pages, 23 € |
Il consulta sa montre et décida que, si Keila n'était pas là quand la grande aiguille serait sur le 3, il rentrerait chez lui. Il leva les yeux et la vit. Elle portait un panier et un gros paquet, comme si elle déménageait. Blême, le visage en sueur, elle vint jusqu'à lui et demanda :
Vous attendez depuis longtemps ? "
Bunem, Yarmi et Keila, les principaux personnages de ce roman inédit d'Isaac Bashevis Singer, ne sont ni des anges ni des saints. Mais ils ont une présence qui n'est pas celle des héros en papier des romans banals : il sont bourrés de vie. Habitués des prisons et des maisons de passe, ils font face comme ils peuvent à des conditions de vie pour le moins précaires. Les plans de nouvelle vie qui s'élaborent entre eux ont un caractère nettement aventureux. Nous sommes dans la Varsovie du début du XXe siècle. "On baignait dans la fange jusqu'au menton ". On voulait voir des " preuves que l'amour régnait malgré tout sur le monde." Les preuves, on le sait, tardèrent à se manifester.
" Il avait neigé pendant deux jours. Après quoi le gel s'était installé -- sur la chaussée, les bouches d'égout, les tas d'ordures. Il recouvrait les balcons d'une épaisse couverture, blanchissait les toitures rouillées et bouchait les trous des trottoirs. Dans l'appartement de Reb Menahem Mendel, le givre dessinait sur les vitres des arbres gelés. Le rabbin faisait toujours le même commentaire : " ce sont des reproductions des figuiers et des dattiers qui poussent en terre d'Israël. "
Isaac Bashevis Singer |
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