Un extrait de Née contente à Oraibi
(Le Tripode), de Bérengère Cournut, Prix des Lecteurs à la Page 2017 :
" Contempler les animaux, les roches et les végétaux pour les comprendre de l'intérieur était un devoir au moins aussi important que celui d'honorer les esprits, en tous cas plus noble que de surveiller ses voisins. Lui respectait la chaleur et le froid autant que les prêtres, parce que l'une et l'autre avait un pouvoir de transformation sur les choses qui dépassait de beaucoup ce que pouvaient les hommes avec leurs prières et leurs connaissances. Il révérait l'eau et la sécheresse, parce qu'ensemble elles ravinaient le sol, le griffaient d'arroyos et creusaient les canyons qui donnaient accès au cœur même de la terre. Il vénérait également la nuit qui, enveloppant tout de son voile noir, déployait les ombres et les sons qui donnaient toute leur dimension au peuple animal nocturne, soufflant et vibrant. Voilà quelle était sans doute sa principale religion. Pratiquant les étoiles autant que les sentiers, il n'avait pas peur de s'y perdre. Il lui suffisait de regarder le ciel pour s'orienter, et sa connaissance de nos mesas était comme une foi profonde, infaillible. En ne le voyant pas rentrer le soir, ma mère aurait pu craindre qu'il ne finisse un jour au bas d'une falaise ou au fond d'un canyon, mais elle savait que ce n'était pas possible. Mon père évoluait sur nos plateaux avec l'aisance du vent.
"
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