Lao She, Ecrits de la maison des rats, traduit du chinois par Claude Payen, Picquier poche, 160 pages, 6,50 € |
Réponse : Celui qu'on n'a pas envie d'écrire. Par exemple : mon voisin, Deuxième Grand Maître est mort à soixante-dix ans de mort naturelle. Toute sa vie, il a mangé, s'est habillé et a bu quelques verres d'alcool comme tout un chacun. Il n'a jamais rien fait ni rien écrit de remarquable. Dans sa jeunesse, il ne se distinguait pas de ses pairs et, devenu vieux, il n'était en rien différent des autres vieillards. Je ne peux rien ajouter sinon qu'il a été toute sa vie un citoyen exemplaire. Hélas, le malheur de l'écrivain m'est tombé sur la tête ! Son fils, diplômé de l'université, fonctionnaire dans un service administratif de surcroît, m'a annoncé la mort de son père et m'a commandé un éloge funèbre. J'avais deux phrases toutes prêtes, utilisables en pareil cas : ' tu es mort, nous te reverrons plus. Mon cœur saigne rien que d'y penser. ' Malheureusement, je ne peux pas les présenter au jeune maître fonctionnaire administratif qui pensera probablement que je veux humilier le défunt. Je dois absolument trouver autre chose. Comme je vais rencontrer tous les jours le jeune maître, fonctionnaire dans un service administratif, qui est mon proche voisin, si je décide de ne pas exécuter sa commande, il ne me le pardonnera jamais. Alors, Dieu du Ciel, que puis-je écrire ? "
Ce paragraphe rempli d'humour et d'autodérision est bien dans la veine de l'écrivain chinois Lao She (1899-1966), l'auteur de Gens de Pékin et de Quatre générations sous un même toit.
Publiés entre 1934 et 1959, ses Ecrits de la maison des rats dont il est extrait et qui viennent de paraître en poche sont un modèle de journalisme littéraire et d'autobiographie rédigée au jour le jour. Toutes langues et toutes cultures confondues. Le libraire kiffe.
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