samedi 7 juillet 2018

Prix Goupil : ils ont voté !

Claire Renaud, Les Quatre gars,
Sarbacane, 229 pages, 15,50 €
Décidément, cette année, la vie sur les îles rencontre le succès auprès des lecteurs de Vichy.
Après Tristan (Sabine Wespieser éditeur), prix du jury du rayon adultes, voici que Les Quatre gars (éditions Sarbacane) l'emporte au rayon des jeunes lecteurs.
Claire Renaud, et son roman qui se déroule sur l'île de Noirmoutier, rejoint donc Clarence Boulay, et ses îliens loin de tout au monde sur l'île de Tristan da Cunha.
Belle coïncidence, beau parallèle.
Nous en reparlerons.


Clarence Boulay, Tristan, Sabine Wespieser éditeur,
188 pages, 18 €

vendredi 6 juillet 2018

La fête à Pessoa

Fernando Pessoa, Je(ux). Petite anthologie, illustrations
de Ghislaine Herbéra, traduction de Patrick Quillier,
Chandeigne, 88 pages, 14 €
" Bas les masques… Qui est-il,  Fernando Pessoa ? On dit de lui qu'il est le plus grand auteur portugais, l'un des poètes les plus universels que l'Europe a connu au XXe siècle. Mais que sait-on de cet écrivain aux multiples talents ", interroge Joanna Cameira Gomes dans la postface de cette délicieuse mini-anthologie poétique.
L'idée qui a présidé à la confection de cet
" album ", où les illustrations de Ghislaine Herbéra se mêlent aux mots facétieux et nostalgiques du poète, est celle de l'enfance. C'est à l'enfance qu'il est demandé de nous révéler le " vrai " Pessoa. Derrière les différentes identités littéraires qu'il s'était donné. Derrière ses masques, son théâtre et ses feintes. Derrière son mentir vrai.
Et c'est dans ce pays de l'âge tendre qu'il se retrouve lui-même, plus vrai que jamais. Ecoutons-le un instant. De toute notre imagination :

" Jouant avec un jockey jaune, un chien vert
Et un cheval bleu qui apparaît par-dessus le mur
De mon jardin… Et la musique lance des balles
A mon enfance… Et le mur du jardin
     est fait de mouvements
De baguette, et de confuses rotations
     de chiens verts,
De chevaux bleus et de jockeys jaunes… "

N'est-il pas vivant ?
Un autre moyen de rejoindre Pessoa nous est donné avec Fragments d'un voyage immobile. Il s'agit, cette fois, d'un recueil de citations puisées dans la malle laissée par " l'homme aux masques ". L'esprit d'enfance n'y est certainement pas absent ; ni celle d'imagination et de rêve, qui ne sauraient toutefois épuiser le tout de l'homme et de son œuvre. Un long essai d'Octavio Paz (1914-1998), le poète et théoricien mexicain, précède le choix des textes, republié chez Rivages.

Fernando Pessoa, Fragments d'un voyage
immobile, choix et traduction de Rémy Hourcade,
Rivages poche, 125 pages, 6,60 €





jeudi 5 juillet 2018

Georges-Emmanuel Clancier

L'auteur du Pain noir (un succès tel qu'il fit de l'ombre au reste abondamment poétique de son œuvre) vint régulièrement à Vichy au titre de membre du prix Valery Larbaud.
 
Georges-Emmanuel Clancier vient de décéder.
Il était âgé de cent et quatre ans.
 
 
 

dimanche 1 juillet 2018

Montaigne présent

Bernard Bourrit, Montaigne, pensées frivoles et
vaines écorces, Le Temps qu'il fait, 230 pages, 23 €
" Le propre de la rêverie est de n'avoir ni corps ni suject. Elle s'enclenche sans cause, du moins sans cause externe. Spontanément cet élan agite, chatouill[e], réjouit l'âme, ou au contraire l'embrouille. Ce flux interne de pensées, sustenté d'inanité, alimenté d'ombres, crée pourtant bien des remous sur les visages : ce sont les grimaces estonnees, riardes, confuses, les éclats de voix ou les soubresauts des membres qu'émet l'homme seul quand il songe. Hanté par des visions fauces, cet homme-là negocie, dirait-on, avec son demon."

Dirons-nous gloses ? Explications ? Paraphrases ? Bernard Bourrit s'est incorporé l'esprit de Montaigne au point que tout ce qu'il en extrait est d'un parfait naturel. Les italiques abondants dans son texte pourvoient au rythme de la pensée. Ils soulignent, en outre, la saveur que présente pour nous une orthographe en allée, légèrement étrangère : à l'esquart.
Re-pensant ainsi Montaigne à sa guise (il ne cherche pas à dire tout Montaigne ; mais tout ce qu'il en dit est authentique), il lui est fidèle à s'y méprendre.

lundi 25 juin 2018

De la délicatesse

Henri Cole, Paris-Orphée, traduit de l'anglais
(Etats-Unis) par Claire Malroux,
La Bruit du temps, 176 pages,  19 €
La délicatesse est une qualité en pleine
régression dans notre monde, songeait tris-
tement le libraire. Lorsqu'il tomba sur ces lignes, consignées par le poète américain 
Henri Cole :

" Comme moi, la panthère est une voyageuse solitaire et sa déplace à pas lents, ainsi qu'il m'arrive de le faire, avec une mélancolique intensité. Puis, soudain, elle ouvre ses yeux magnifiques et le monde la transperce :

Parfois, se lève le rideau des pupilles
sans bruit. Une image y pénètre,
parcourt le silence tendu des membres
et arrivant au cœur, s'évanouit.*

Dans son essai sur Auguste Rodin, poursuit Henri Cole, Rilke décrit les visites que le sculpteur effectuait très tôt le matin au jardin des Plantes pour dessiner les animaux endormis.
Plus tard, dans son atelier, rue de l'Université,
il observe le petit moulage antique d'un chat sauvage que celui-ci chérissait : " Il y a un moulage de panthère, de facture grecque, de la taille d'une main à peine… Si on regarde de face l'espace formé sous son corps par ses quatre fortes pattes, on a l'impression de contempler les profondeurs d'un temple de pierre indien, tant cette œuvre prend des proportions immenses et globales. "

Une mélancolique intensité, des yeux magnifiques, cette représentation d'un chat sauvage que l'on chérit, ce temple indien... Il y a donc place pour la délicatesse, et pour la grâce, se dit, un instant rassuré, le libraire.


* Poème de Rainer Maria Rilke, dans une traduction de Lorand Gaspar.



dimanche 24 juin 2018

Le prix des Lecteurs A la Page 2018 est désigné !


Le jury du Prix des Lecteurs A la Page a donné son avis, vendredi soir : Tristan, de Clarence Boulay, édité par Sabine Wespieser est son choix.
Ce premier roman succède à celui de Bérengère CournutNée contente à Oraibi et, comme celui-ci, nous entraîne loin des bases géographiques qui sont les nôtres. En plein Atlantique sud, dans un grand vide océanique où se situe l'archipel dont Tristan da Cunha (200 habitants et quelques) est l'île principale.
 L'expérience de la narratrice est authentifiée par le séjour de Clarence Boulay elle-même qui a passé huit mois à Tristan réputée l'île la plus éloignée qui soit des hommes.

Voici ce que Clarence Boulay a déclaré  sur France Culture à propos de son roman : 
J’ai voulu faire l’usage de cette distance, éprouver comment ça se passe sensiblement,       corporellement, intellectuellement d’aller vers ce point-là.  Et qu’est-ce qu'il se passe, quand notre centre, le continent, devient alors périphérie. J’ai voulu comprendre en inversant les choses. Ida se pose aussi parfois en ethnologue dans sa volonté de comprendre. Est-ce qu’on peut dissocier le scientifique de l’intime ? L’observation participante de la relation amoureuse ? Car c’est à travers ces moments d’intimité qu’Ida va vraiment comprendre les enjeux de la communauté, enjeux moraux, familiaux, d’organisation, à travers le discours de Saul.
 

mercredi 20 juin 2018

Dernières nouvelles du franglais

Michel Serres er Michel Polacco, Défense et
illustration de la langue française aujourd'hui,
Le Pommier/ France Info, 128 pages, 9 €
"  Voici une règle simple : dès lors que nous importons un objet nouveau  ou une conduite nouvelle, c'est positivement enrichir la langue qu'adopter le mot qu'on importe à ce moment-là. Le français s'est enrichi de mots arabes : " algèbre" , "algorithme", " tarif" ; de mots italiens, à la Renaissance : "fourchette", "sonate" ; même de mots aztèques : " haricot". Alors la langue s'enrichit. Mais c'est l'appauvrir que de substituer à un mot français déjà existant un mot anglais. Par exemple City Radio me scandalise : Radio Cité eut bien fait l'affaire. Pourquoi les sportifs disent-ils "Top 16", et non pas "première division" ? Pourquoi veulent-ils avoir des coaches plutôt que des entraîneurs ? (...° Pour mieux l'asservir, un occupant éradique toujours la langue du vaincu. Ainsi firent les Romains en Gaule, ainsi firent les Russes en Pologne... Il y a aujourd'hui, sur les murs de Paris, plus de mots anglais qu'il n'y avait de mots allemands pendant l'Occupation. Où sont donc les troupes d'occupation  ? Qui sont donc les collabos ?  "

Michel Serres et Michel Polacco
 
 
Le chef-d'œuvre indépassé de George Orwell, 1984, vient de reparaître dans une nouvelle traduction. Orwell en connaissait un rayon en matière d'appauvrissement des langues (puisqu'aussi bien le français n'est pas la seule langue concernée). On méditera l'appendice du roman, où Orwell expose les bases de la novlangue (devenue néoparler dans la nouvelle version).
George Orwell, 1984, traduit de l'anglais par
Josée Kamoun, 371 pages, 21 €