mercredi 21 septembre 2016

Jeux d'enfants

Jean Cayrol, Les Enfants Pillards,
L'Eveilleur, 208 pages, 19 €
" Le chemin était long jusqu'à la villa Les Pervenches, bâtisse de bois et de céramiques avec une véranda un peu bombée comme un ventre, une galerie légère adossée à la façade, le tout dissimulé par une haie de sapinettes.
Il y avait encore le magasin d'alimentation tenu par Rosemonde Pigneux, la fille d'Edgard, une grande épicerie obscure où les enfants retrouvaient leurs odeurs familières, celle du café grillé (une femme tournait une grosse boule avec une manivelle, au-dessus du feu), celle de la saumure des barils d'anchois et de harengs, l'odeur poussiéreuse des légumes secs. Sur le devant du comptoir, des bocaux de bonbons, des bâtons de sucre de pomme, des coupes de pralines, de caramels, d'acidulés? (Plus ils vieillissaient, plus une coudre tendre se formait et enveloppait de sa carapace un noyau citronné ou orangé.) On y vendait également du tabac enfermé dans des pots en grès, des paquets de gris, des étuis de cinq cigarettes. Le désordre était tel que les enfants Princetard se querellaient pour "faire les commissions".
André volait des pruneaux secs, des figues, parfois une mandarine. Jean-Baptiste qui n'était pas admis à collaborer avec son cousin attendait le chapardeur. Il ne ramenait jamais la monnaie. "J'ai les poches trouées", disait-il... "
Le récit de Jean Cayrol, initialement publié au Seuil en 1978, fait certainement la part belle aux insouciances des jeux d'enfants au beau milieu des enfantillages tragiques de l'Histoire : la Première Guerre mondiale. Mais les enfants ne sont pas des anges ; ils ont leur chef, André, qui mène sa bande. Ils  jouent eux-mêmes à la guerre ; ils se toisent ; ils se défient ; ils se font peur : ils s'inventent des pendus dans un grenier et puis, un jour, découvrent un homme à demi noyé sur la plage.
Jean Cayrol ne s'apitoie pas sur le passé, son passé. Les souvenirs s'enchainent, vifs, précis, d'une guerre vers l'autre. André :
" A partir d'aujourd'hui, à marée basse, nous récupérerons les épaves qui pourraient nous servir à renforcer notre défense : coffres, gouvernails, tuyaux acoustiques, cloches de brume (...)
Puis, plus lentement et mesurant ses mots :
... et les armes de toutes sortes que la mer aura rejetées : fusils, grenades, pistolets, cartouchières, obus, torpilles, engins explosifs, mines dormantes, flottantes ou dérivantes..."

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