lundi 29 janvier 2018

Les pays inxistants et quelques autres

Ivan Jablonka, En camping-car,
Seuil, 178 pages, 17 €
" Pendant des heures, avec une méticulosité et un abandon que j'admire rétrospectivement, on dessine des cartes de pays qui n'existent pas, avec toute la symbolique associée, littoraux et frontières en noir, mers et rivières en bleu, massifs montagneux en brun, forêts en vert, axes routiers en jaune ou en rouge. Des côtes déchiquetées, des presqu'îles, des ports, des autoroutes. On n'en figure pas l'échelle, mais on nomme tout ce qui peut l'être : Gérébax (la capitale), le Syranol (fleuve), etc. Ces contrées, qui ne se font jamais la guerre et ne s'annexent jamais, magnifient celles que nous visitons pour de bon avec nos parents et, parfois, elles nous sauvent des visites auxquelles ils veulent nous astreindre. "
Au fond, qu'est-ce qui intéresse davantage  un enfant comme celui que décrit Ivan Jablonka (et qui n'est autre que lui-même), que les pays qui n'existent pas ?
Les autres, les vrais, comme le Portugal, la Grèce ou le Maroc, a-t-il envie de les admirer derrière les vitres du camping-car parental ?
Au lieu de s'esclaffer sans arrêt, certains enfants (au grand dam des adultes) comptent les cyclistes que croise le camping-car ; le petit Jablonka joue aux cartes avec son frère et ses amis. Chacun bricole ses merveilles intérieures. Le sens du paysage, le plaisir géographique, semble venir plus tard. Ou s'inscrire ailleurs que dans la conscience du petit voyageur. Quand les parents vieillissent.

Michel Butor, dans La Mémoire des sentiers, livre posthume qui vient de paraître, a livré ses idées et sensations sur les paysages à la fin de sa vie. Pleinement conscient "de passer son temps à explorer le visible ". Il raconte l'importance décisive qu'eurent pour lui les montagnes d'Amérique, de Suisse, du Japon, de la Haute-Savoie où il se fixa. Il parle également de ses lectures montagnardes et, en particulier, de ce classique de la littérature japonaise que sont les Notes de ma cabane de moine, de Kamo no Chömei, un ermite du XIIe siècle. Amis de Henry David Thoreau, sentez-vous concernés !
Michel Butor, La Mémoire des sentiers.
Entretiens avec Fabrice Lardreau,
Arthaud, 150 pages, 12,50 €

dimanche 28 janvier 2018

La cusine auvergnate et la cuisine des mots

Serge Camaille, La Cuisine auvergnate,
Magasin pittoresque, 126 pages, 5,90
Excellent conseil pour un dimanche d'hiver, cette cuisine auvergnate. Le livre est léger. Les soupes et entrées, les poissons, suivis des plats et, enfin, des desserts : tout est dans l'ordre. Truites mélancoliques ou gigot brayaude ; patranque ou pounti ; millard aux cerises ou cornet de Murat, les noms des plats proposés est, lui aussi, du côté des poètes arvernes. Il n'est qu'à passer à l'action. Les recettes sont très simples sur le papier. Ah, oui, l'option semble bonne.
Reste cette petite curiosité que constitue le nom de l'éditeur de La Cuisine auvergnate : Magasin pittoresque
Sans doute un clin d'œil au Magasin pittoresque, fondé au XIXe siècle par Edouard Chartron sur le modèle des... magazines anglais. C'est-à-dire des dépôts, non pas de marchandises (quoique), mais d'informations en tous genres.
Ce magasin/magazine se vendait deux sous ou trois le numéro.
Et voilà à quoi conduit la cuisine des mots. Bon appétit.

samedi 27 janvier 2018

La bonne année chinoise

Nous fêtons le Nouvel an chinois avec les éditions Picquier
et leur fameux catalogues de classiques
et de livres contemporains de Chine et d'Extrême Orient.
 
 
A cette occasion, pour l'achat de deux livres de la collection,
une fort belle estampe vous est offerte.
 
 

mercredi 24 janvier 2018

L'art d'être fragile

Alessandro d'Avena, L'Art d'être fragile. Comment
un poète peut sauver ta vie, traduit de l'italien
par Georges Zagara, PUF, 280 pages, 19 €
Alesandro d'Avenia enseigne la littérature dans un lycée en Italie.  Parmi les auteurs classiques qu'il a charge d'accompagner auprès de ses élèves figure Giacomo Leopardi (1798-1837), moraliste et poète. L'affaire peut s'avérer aussi délicate et aventureuse que de faire aimer en France (au hasard) Chateaubriand, Gérard de Nerval ou Germaine de Staël.
Ce qui n'empêche pas Alessandro d'Avenia de rêver et d'imaginer ce qu'il écrirait à Giacomo Leopardi s'il était parmi nous :
 " L'esprit ne se nourrit que de ce qui le rend heureux, écrit-il, et ce qui le rend heureux c'est la découverte des liens qui unissent les choses et les personnes, qui rendent la vie vivante. Saisir ces liens, les accroître et les réparer, c'est le bonheur du cœur et de l'esprit.
Je rêve d'une école, Giacomo, qui s'occuperait du bonheur de l'individu ; et je n'entends pas par là un lieu de récréation et de complicité entre professeurs et élèves, mais un espace où chacun trouverait le don qu'il a à faire au monde et commencerait à lutter pour le réaliser, où chacun trouverait une inspiration qui ait la force d'une passion profonde, qui lui donne de l'énergie pour se nourrir à chaque obstacle. Je rêve d'une école de ravissements, une école qui serait un atelier de vocations à cultiver, à mettre à l'essai et à réparer. "

 " Pour faire plus aisément accéder mes élèves aux auteurs, et rendre les œuvres plus " transparentes " aux adolescents habitués à conserver leurs musiques et leurs souvenirs dans des clouds, je m'amuse parfois à prendre leurs mots et à les introduire dans un logiciel qui en traduit la fréquence sous la forme d'un " nuage ". Je l'ai fait avec ton œuvre, tu me pardonneras , et voilà ce qui est sorti de tes poésies : Vie, terre, temps, jour, cœur (...), nature, mort, lune, monde, yeux, ciel, toujours, toi, destin. Il y a là toutes les paroles de ton  âme et de l'âme des hommes, toutes les paroles que ton époque était en train de perdre. La poésie intercepte d'abord ce que l'homme risque de perdre, parce qu'elle en sent d'emblée la nostalgie. "
Le livre des rêves d'Alessandro d'Avenia s'intitule L'Art d'être fragile. Comment un poète peut sauver ta vie.
Giacomo Leopardi

mardi 23 janvier 2018

Django est là

Jean-Baptiste Tuzet, Django Reinhardt et le jazz manouche ou les
100 ans du " jazz à la française", Didier Carpentier,
139 pages + 1 CD bonus, 30,35 €
Django Reinhardt est mort un 23 janvier -- celui de 1953, après un passage sublunaire de quarante-trois années. La rapide existence de celui qui se fit connaître en jouant de la guitare dans un café, " La Chope des Puces ", est mêlée à de nombreuses anecdotes et racontars. A des rencontres tout aussi innombrables.
Ce qui est certain, c'est qu'il fonda le Hot Club de France pour pratiquer ce qu'on appela le " jazz manouche ", et que sa guitare se fit entendre dans le monde entier et jusqu'aux nuages.
Le libraire a choisi deux livres en ce jour anniversaire. 
Le premier destiné au souvenir d'un grand virtuose, qui apprit seul à jouer de son instrument et rédigé par un fondu. Le second consacré au progrès dans l'art d'obtenir des sons acceptables d'une guitare.
Antoine Polin, Progresser à la guitare pour les nuls,
First, Coffret contenant 3 livres, 24,95 €

lundi 22 janvier 2018

Première rencontre A la Page de l'année 2018

La librairie vous invite
SAMEDI 10 FEVRIER 2018 à 15 h 30
à passer " Une heure en compagnie de "...
 Anne-Marie Beeckman
et des éditions Pierre Mainard.
Cette rencontre sera l'occasion
de lectures et d'une discussion avec un éditeur indépendant
et ses presque vingt d'années d'existence.
 

 
Relevé sur le site des éditions Pierre Mainard
 
Anne-Marie Beeckman est née en 1952 dans les Pyrénées et vit actuellement dans le Lot.
Elle devient, en 1989, la compagne du poète surréaliste Pierre Peuchmaurd 
Elle a publié de nombreux recueils de poésie
(Atelier de l’Agneau, Pierre Mainard éditeur, Éditions Carré d’Encre…)
 et a participé à l’aventure de la revue Le Cerceau et animé Le Grand I vert
et les éditions La Morale merveilleuse.
 
« Le pouvoir d’Anne-Marie Beeckman est absolu, sans frein ni limitation »,
dit Laurent Albaracin (…) Ce sont les cibles qui tremblent d’avoir été atteintes, transpercées.
Les mots ont fusé, ces mots souvent rares qui assurent une parfaite domination sur les choses,
ces seuls beaux mots qui élisent un monde. »


dimanche 21 janvier 2018

Samedi BD (27)

Samedi 13 janvier était SAMEDI BD à la librairie A la Page.
Extraits des conseils d'Esilda, ces cinq titres.
Pour en savoir davantage, il fallait être là ! Na.
Le prochain SAMEDI BD aura lieu
le 10 février. L'entrée est gratuite.
 
Fred Bernard et Benjamin Flao, Essence,
Futuropolis, 184 pages 27 €

Puchol/Galandon, Interférences,
Dargaud, 116 pages, 17,99 €

Duhamel, Jamais,
Grand Angle, 62 pages, 14,90 €

David B., Journal d'Italie 2. Hong Kong Osaka,
Shampooing, 15,50 €

Matz et May Alen Coust, Vies volées. Buenos Aires,
Place de mai, Rue de Sèvres, 85 pages, 15,00 €
 


samedi 20 janvier 2018

De l'importance des cartes postales

Frédéric Vitoux, L'Express de Bénarès,
A la recherche d'Henry J.-M. Levet,
Fayard, 280 pages, 19 €
Le poète Henry J.-M. Levet (1874-1906) n'a eu le loisir de laisser qu'une œuvre très mince. Un ensemble de dix poèmes intitulé Cartes postales, parues dans les deux premières années du XXe siècle. Il eut pour amis Léon-Paul Fargue, le peintre Francis Jourdain et... Valery Larbaud.
Ce qui ne suffit peut-être pas à expliquer la fascination qu'éprouve Frédéric Vitoux pour ce quasi inconnu, voyageur, diplomate et bohème. Mais qui fait tendre l'oreille au libraire de Vichy.
Frédéric Vitoux a suivi Levet (ou Levey, selon son nom de plume) tout au long de sa brève existence de trente-ans. A Montbrison (Loire), sa ville natale,
à Paris et jusqu'au moment où l'on perd de vue à jamais le poète : dans le port de Marseille où il s'embarque en 1902 pour Manille.
Comment ce météore a-t-il obsédé (c'est son mot) Frédéric Vitoux ? Tel est l'objet de ce livre très chaleureux, plein d'hypothèses autant que de certitudes, ce qui le nimbe d'une atmosphère poétique savoureuse. Un détour (et un retour) par la ville de Vichy s'imposait à l'auteur d'une telle enquête, récipiendaire du prix Valery Larbaud en 1990. Le temps de se conforter dans l'idée que les dix Cartes postales de Levet avait laissé une impression profonde sur Larbaud et que s'y entendait une musique proche de celle des poésies de Barnabooth.

Henry J.-M. Levet

jeudi 18 janvier 2018

L'imagination naturelle

Philippe Annocque, Notes sur les noms
de la nature, illustrations de François
Lelievre, Editions des Grands champs,
40 pages, 12 €
Les couscous sont originaires d'Australie et de Nouvelle Guinée. Ils vivent dans des arbres à feuillage épais et sont nocturnes. Omnivores, les couscous se nourrissent de feuilles, de fruits, ainsi que de petits oiseaux.
Vérifiez cette assertion, gens de peu de foi, si vous ne croyez pas le libraire.
Puis, précipitez-vous sur les Notes sur les mots de la nature qui viennent de paraître aux Editions des Grands champs. Leur auteur se nomme Philippe Annocque. Cet homme a beaucoup à nous apprendre sur la nature. Sur la poésie naturelle. Sur l'imagination de la nature. Rien qu'à écouter ses noms et à les voir :
" Le nom donne à voir/ce qui nous échappait./ Depuis que je sais le nom /de l'accenteur mouchet/il y en a plein mon jardin. " John Burroughs, un naturaliste américain du XIXe siècle, serait d'accord avec cette constatation. " Si vous n'avez pas un oiseau dans le cœur, vous ne pouvez le voir dans le buisson ", disait, en effet, Jean des Oiseaux.
Philippe Annocque ne fréquente pas seulement les couscous. Il en connaît un rayon sur le maki catta, le bulbul, le grolar, les crépidules. Vérifiez, vérifiez, si ne m'en croyez ! Ses notes, de plus, sont ornées de dessins  de Florence Lelievre qui a tout fait pour suivre la nature en ses poèmes et s'en est plus que bien sortie.
" Sans imaginaire, il n'y aura plus de ville ", affirmait Marc Augé.  Vive l'imaginaire de la nature ! Car, sinon, il n'y aura plus de nature.
Le même éditeur publie simultanément Métaux adjacents, de Jean-Pierre Le Goff (1942-2012), " fruits d'une cueillette que je pratique généralement à la périphérie des villes ", dit l'auteur lui-même, grand collectionneur d'objets trouvés.
Le libraire n'a pas assez chiné encore dans son livre pour en parler plus avant. Il fait seulement savoir que son préjugé est largement favorable.

Jean-Pierre Le Goff, Métaux adjacents,
Editions des Grands champs, 126 pages, 18 €

mercredi 17 janvier 2018

Les peintres et nous

Anne et Claire Berest, Gabriële,
Stock, 446 pages, 21,50 €
Les biofictions consacrées aux peintres célèbres ont le vent en poupe.
Francis Picabia (dont Gallimard vient de publier la correspondance avec André Breton), en est l'objet dans Gabriële, sous les plumes conjuguées d'Anne et Claire Berest. C'est à travers la rencontre avec Gabriëlle Buffet que se trouve ici évoquée le milieu artistique du premier XXe siècle. La fresque est riche de noms et de comportements bohèmes.  Une petite révélation familiale la rehausse : Anne et Claire Berest se sont découvertes arrières-petites filles de la muse de Francis Picabia.
Le mot " roman " figure sur la couverture du livre de Catherine Cusset.
Fascinée par la " liberté et la " passion " de David Hockney, Catherine Cusset a pu s'appuyer sur les livres et les entretiens donnés par le peintre, ainsi que de nombreux commentaires sur son œuvre. " Ce livre est un roman. Tous les faits sont vrais ", déclare l'auteur en introduction. Il s'agit d'un travail sur modèle vivant, écrit à la troisième personne. Nommé David tout du long, comme Gabriële était nommée par son prénom dans le livre des deux sœurs Berest,  Hockney devient une étoile familière de la peinture.
Pendant ce temps, Deux remords de Claude Monet, de Michel Bernard, paraît dans La Petite vermillon, une belle collection de poche.
Catherine Cusset, Vie de David Hockney,
Gallimard, 188 pages, 18,50 €

mardi 16 janvier 2018

Un pavé. Mais concis

Eric Chevillard, L'autofictif ultraconfidentiel,
L'Arbre vengeur, 1216 pages, 29 €
Félix Fénéon accepta en 1906 de rédiger pour
Le Matin la chronique des « Nouvelles en trois lignes ». Il s’agissait d’une rubrique d’informations brèves, composées de trois lignes, comptant de cent dix à cent cinquante signes typographiques (...). Fénéon en fit une esthétique de la concision. Parmi les techniques d’écriture qu’il utilise dans ses savoureuses nouvelles, on peut citer (...) : « Elle tomba. Il plongea. Disparus. », « Madame Fournier, M. Voisin, M. Septeuil se sont pendus : neurasthénie, cancer, chômage. » (Daniel Salles, «  Journalistes et écrivains au XIXe siècle », Texte hébergé par le site de la BNF)
Eric Chevillard compte parmi les descendants de Félix Fénéon. On le savait, mais la chose se précise avec la publication de ce pavé : L'autofictif ultraconfidentiel. Sa technique a lui semble simple : trois courts textes par jour, tous les jours, pendant dix ans. Ce qui donne (en très, très résumé) :
" Ce fait divers atroce dont la violence et la sauvagerie dépassent l'imagination s'inspire pour tant d'un roman bien réel " (16 février 2011).
" Le photographe me regarde mourir." (28 mai 2012)
" Suzie en est encore à chercher l'équilibre. Son vélo a quatre roues. Son monocycle en a deux. " (23 mai 2014).
Pavé est le mot. L'autofictif ultraconfidentiel compte 1209 pages de texte exactement. 1216 avec la bibliographie de l'auteur.
Le libraire vous souhaite une bonne journée.

Félix Fénéon (1861-1944), par Paul Signac