jeudi 30 novembre 2017

Où aller, où vivre : Nerval dromomane et noctambule


Christian Wasselin, Le Paris de Nerval,
Editions Alexandrines, 119 pages, 9,90 €
Le libraire a été fortement ému par l'essai de Christian Wasselin sur Gérard de Nerval (1808-1855) à Paris. Moins par ce qui s'y trouve dit de la ville elle-même qu'à cause du portrait d'un homme qui en ressort.
Un homme qui ne semble à sa place nulle part. Un geai rare (le jeu de mot est de lui) sans cesse en déplacement dans la ville, puis à Londres, en Allemagne, en
" Orient ", dans son Valois. Un écorché vif lancé à la recherche de sa mère, de Jenny Colon, du merveilleux, de l'Infini. Un être poignant. " Il n'y a pas plus dromomane que lui ", affirme Christian Wasselin. Dromomane, c'est-à-dire poussé par un
" instinct mobile et nomade ", disait Paul de Saint-Victor, qui ajoutait : "On le cherchait, on le demandait, on s'inquiétait de son absence ; quelque temps après on le voyait revenir souriant, effaré, ravi, comme s'il revenait du pays des fées. "
Poignant, vous dit le libraire. Poignant.
Christian Wasselin est pour sa part un spécialiste de Berlioz et de Beaumarchais à qui il a consacré des biographies. Il est également l'auteur de la Chouette effraie, un roman noir parodique (Soleils bleus éditions)

mercredi 29 novembre 2017

Une soirée sur le tapis avec les éditions Bleu Autour

Pierre-Antoine Gallice, co-auteur de Symbolique des kilims,
 sera l'invité d'A la Page et des éditions Bleu autour
 MERCREDI 6 DECEMBRE A 18 H
 Cet ouvrage, fruit de tente ans de recherches,
éclaire d'un jour nouveau le langage symbolique des kilims.
 " On y entend, selon Jacques Lacarrière (1925-2005), qui signa en son temps la préface,
des appels silencieux à la fertilité du sol,
à la protection des esprits et du ciel, à la complicité
des végétaux, des animaux..."
Et ce n'est certainement pas le libraire qui ira contre la parole
d'un homme tel que Jacques Lacarrière.
 
 
On peut noter que la soirée se déroulera autour d'un verre de raki.
 

 

mardi 28 novembre 2017

Le musée Anne de Beaujeu en librairie

Maud Leyoudec,
conservatrice du patrimoine, chargée des collections
Beaux-Arts et arts décoratifs du musée Anne de Beaujeu à Moulins,
sera l'invitée d'À la Page et des éditions Tomacom
SAMEDI 9 décembre 2017, à 15 h30.
Pour présenter et dédicacer De couleurs et d'or,
un des beaux livres de cette fin d'année,
et pour répondre à toutes vos questions
sur la vie, le fonctionnement, la mission,
les collections du magnifique musée de Moulins.
Une occasion unique : le musée en librairie !

dimanche 26 novembre 2017

Bienvenue en pays imaginaires

William Morris, La Plaine étincelante, traduit de
l'anglais (Royaume-Uni) par Francis Guèvremont,
Aux forges de Vulcain, 222 pages, 19 €
Quelle excellente initiative ont eu les éditions Aux forges de Vulcain  de relancer l'attention vers William Morris (1834-1896) en publiant cette romance !
De Morris, en admettant qu'on le connaisse, on se fait des idées toutes faites. On se souvient des motifs de papier peint art and craft ; vaguement de ses convictions socialistes ; parfois on se souvient de son roman utopique : Nouvelles de nulle part (1890).
La Plaine étincelante (fort joliment traduit pas Francis Guèvremont) est un roman chevaleresque où la délicatesse des sentiments et de l'éducation se mêle à l'héroïsme et aux fières attitudes. Il nous entraîne dans un moment incertain de l'Histoire (un Moyen-Âge  imaginaire, auquel William Morris se réfère constamment dans ses conférences) et dans des contrées inconnues, que les personnages traversent et hantent en guerriers aussi bien qu'en danseurs, en troubadours. C'est un monde, où la force et la ruse existent, mais où il y a encore des gens biens -- et non plus seulement des dictateurs, de fieffés coquins et des pervers à chaque coin de rue. C'est un monde empli de rêves. Les noms des personnages, comme les noms de lieux dans ces pays sont savoureux (et finement rendus par le traducteur) : qu'il s'agisse de Gîtallègre, de Renard-Chétif ou de Rapace des Aigles pêcheurs.
Il est dit que Tolkien s'inspira de William Morris et, à sa suite, les auteurs de Fantasy. Seulement, Morris était habité par des espoirs absents des productions ordinaires de la littérature d'imagination pure.
L'on pourrait aussi penser un instant aux Terres du couchant, de Julien Gracq, bien que l'amour et les femmes tiennent un rôle autrement plus réjouissant dans La Plaine étincelante.
Morris fit d'abord paraître sa romance en revue ; puis l'imprima sous forme de livre sur sa propre presse, d'où sortirent des chefs-d'œuvre typographiques.
De William Morris, Aux forges de Vulcain a également publié, dans la même veine, Le Lac aux îles enchantées, Le Pays creux et La Source au bout du monde.

samedi 25 novembre 2017

Le crépuscule des libraires et autres fariboles électroniques

Ceci dans les colonnes de Livres Hebdo (23 novembre 2017) sous le titre " Plongée dans l'intelligence artificielle appliquée au livre" , un titre rafraîchissant pour un style qui ne l'est pas moins :

" Les Assises du livre numérique du Syndicat national de l’édition ont exploré la mise en œuvre de l’analyse de données massives et des outils sémantiques au service de l’innovation dans le livre.
« Imaginez un libraire se rappelant de tout ce que vous lui avez acheté comme livre, et de tout ce que vous lui avez dit que vous aimiez, et qui est en plus disponible 24 h sur 24 pour vous en recommander d’autres, en fonction de ce qu’il sait : c’est ce que nous ambitionnons de faire », a expliqué Michael Tamblyn, P-DG de Kobo, en ouverture des Assises du livre numérique, organisées par le Syndicat national de l’édition, à Paris, le 23 novembre.
  Le patron de cette librairie numérique, aujourd’hui filiale du groupe japonais Rakuten, implantée dans 23 pays, revendiquant plusieurs dizaines de millions de clients, a reconnu que les débuts de la recommandation (curation) de livres avaient été assez frustres et basiques, mais que la puissance de calcul et les outils de l’intelligence artificielles ouvraient des possibilités quasi infinies.
Il n’a pas éludé les risques de ces algorithmes de recommandation (homogénéisation et banalisation de l’offre), qui dépendent de l’usage qui en est fait, mais s’est montré confiant dans les vertus du marché, la concurrence étant selon lui la meilleure garante de la diversité de la diffusion. "

Reste à trouver le nom de cette pseudo-librairie du futur. " Catastrophe ", lui irait assez bien. Peut-être : " Abomination ". Avez-vous des suggestions ?



 

jeudi 23 novembre 2017

Ella et Pitr Dada

                                                           Cette image ne donne qu'une faible mesure des fresques réalisées par Ella et Pitr : elles peuvent atteindre des dimensions improbables, comme celle réalisée sur... la pelouse du stade Geoffroy Guichard, à Saint-Etienne. D'autres fois, elles occupent l'espace d'un grand panneau publicitaire, où viennent s'encadrer, se blottir, se tasser des personnages aux yeux souvent fermés -- sur quel monde intérieur ? A Chicago, sur un pan de mur de brique, l'un deux s'est affaissé, coincé dans ce cadre immense : un fêtard, pantin ridicule qui vient de se faire mettre à la porte par sa compagne ; il est à-demi nu, une paire de chaussures rouges et féminines sur la tête... A Montréal, sur un toit qu'il recouvre entièrement et  jouxtant une voie ferrée, on dirait que celui-ci s'est endormi, une couronne incertaine au-dessus de la tête, pauvre pantin tombé d'où, après quelle avanie ?
Cette iconographie pour aujourd'hui se trouve dans Ella et Pitr. Comme des fourmis, que publient les éditions Alternatives, le livre le plus complet sans doute qui leur ait été réservé jusqu'à maintenant.
L'iconographie Dada se trouve bien représentée dans Dada Africa, qui accompagne l'exposition du même nom au musée de l'Orangerie, à Paris. Les promoteurs de ce grand bazar moral et artistique que fut Dada ( les Tristan Tzara, Raoul Hausmann, Hans Richter, Sophie Taeuber, au début, Hans Arp) seraient peut-être les premiers surpris que l'on honore les 101 ans de leur festival de provocations. Ici, il s'agit essentiellement de montrer à quelles sources primitives ils allèrent se consoler et se renforcer après la grande démoralisation de la Première Guerre mondiale. Qu'on ironise ou non, leurs extériorisations, qui prirent les formes de la typographie, du masque, du costume, de la danse, de la sculpture, du poème sonore, du photo-montage ont conservé une vitalité explosive.

Dada Africa,
Hazan, 224 pages, 32 €

mercredi 22 novembre 2017

Sortilèges de Mercè Rodoreda

Mercè Rodoreda, La Place du diamant,
traduit du catalan par Bernard Lesfargues,
L'imaginaire, 238 pages, 9,50 €
Double bonne idée dans Le Matricule des anges, dont le libraire se fait souvent l'écho. Réserver une chronique, appelée " Les intemporels ", à des auteurs et à leurs livres que l'étourderie ou la mode ou d'autres motifs ont laissé sur le bord de la route. D'une part. Et, d'autre part consacrer la chronique de ce mois à Mercè Rotoreda (1909-1983), la grande catalane, dont certain mur de Barcelone accueillait et, accueille peut-être encore, le portrait. C'est au travers du roman le plus connu de Rodoreda, La Place du diamant, que la revue fait revivre Mercè et son personnage inoubliable : Natàlia. Il ne se passe rien de bien notoire dans la vie de cette femme d'un quartier pauvre de Barcelone, mariée à un rustre qui va s'engager dans l'armée républicaine contre Franco et y laisser la vie. Il ne se passe rien sinon la peinture d'une psychologie féminine émouvante ; il ne se passe rien qu'un style, qu'une phrase reconnaissable entre toutes (portée en français par Bernard Lesfargues), ce qui fait deux qualités pas si courantes. Jugez plutôt : 
" Il faisait chaud. Les gamins lançaient des tas de pétards au coin des rues. Par terre il y avait des graines de pastèque et dans les coins des peaux de pastèque et des bouteilles de bière vides et sur les terrasses on lançait aussi des pétards. Et sur les balcons. On voyait des visages luisants de sueur et des jeunes gens qui s'épongeaient avec leur mouchoir. Les musiciens contents et en avant la musique. C'était comme un décor. Et le paso doble. Je me suis retrouvée en train de danser et, lointain tellement elle était près, j'ai entendu la voix de ce jeune homme qui me disait vous voyez bien que vous savez ! Il sentait fort la transpiration et l’eau de Cologne éventée. Ses yeux de singe près des miens et de chaque côté du visage les lobes des oreilles. La ceinture élastique enfoncée dans ma taille et ma mère était morte et ne pouvait plus me conseiller, parce que j'ai dit à mon cavalier que mon fiancé était cuisinier à l'hôtel Colon et il a ri et il m’a dit qu'il le plaignait beaucoup parce que dans un an je serais sa femme et sa reine. Et que nous danserions le bouquet place du Diamant. "
La Place du diamant est le classique, en quelque sorte, de Mercè Rodoreda dont l'œuvre se déploie cependant vers d'autres horizons, servis, tant et plus, par une langue et un univers personnels au possible auxquels le lecteur ne peut échapper. Malgré sa noirceur, malgré son mélange tissé très serré de réalisme et de glissades dans le fantastique : un fantastique quotidien, où les personnages féminins ont, toujours, une grande part.

Mercè Rodoreda, Voyages et fleurs, traduit du
catalan par Bernard Lesfargues, Fédérop/Librairie
La Brèche, 118 pages, 15 €

mardi 21 novembre 2017

Les Cahiers Albert Londres

Cahiers Albert Londres, N° 1, octobre 2017,
146 pages, 12 €
 
Les Cahiers Albert Londres viennent de voir le jour. " Travailleur acharné, le " prince des reporters "
a embrassé durant dix-huit ans la planète, transcrivant avec enthousiasme ou indignation les observations méticuleuses ramenées de ses voyages. Ses textes, épurés et puissants, centrés sur l'humain, restent plus vivants que jamais. Les bagnes, les asiles psychiatriques,  le dopage sportif, la prostitution, les conditions de travail en Afrique noire : sous sa plume les sujets conservent cette force de frappe qui (...) soulevait les bancs de l'Assemblée nationale et faisait trembler les gouvernements ", affirme l'éditorial du premier numéro de la revue, réalisé sous la direction rédactionnelle de Bernard Cahier.
Cette livraison est constituée d'un fort dossier central intitulé " Marseille ", et fait le point sur les représentations de la ville dans la géographie, l'histoire et la littérature et l'envers du décor tel qu'il fut révélé par Albert Londres.
Une " Chronique du prix Albert Londres " lui fait suite ainsi qu'une étude de Myriam Boucharenc sur les spécificités du grand reportage à l'intérieur du journalisme. Une bibliographie londrienne et divers échos de la vie et de l'activité de l'association Maison Albert Londres complètent la publication qui sera annuelle.
Les éditions du Michka font paraître parallèlement deux ouvrages : Albert Londres et les tensions du Proche-Orient en 1920 et Albert Londres et l'Extrême Orient, tous deux présentés par Bernard Cahier.
Maison natale d'Albert Londres à Vichy

lundi 20 novembre 2017

Belles rencontres à venir

La librairie A la Page vous propose de belles rencontres dans les semaines à venir :
à commencer par ce samedi 25 novembre, à 15 h,
avec Christiane Jordis, auteur de
Automnes. Plus je vieillis plus je me sens prête à vivre (Albin-Michel)
 
 
Le mercredi 6 décembre, à 18 h, nous recevrons
Marc-Antoine Gallice, co-auteur de
Symbolique des Kilims (Bleu Autour)
 
 
Tandis que le samedi 9 décembre, à 15 h 30,
verra Maud Leyoudec,
chargée des collections Beaux-Arts et Arts décoratifs
du musée Anne de Beaujeu de Moulins,
nous présenter De couleurs et d'or
(Musée Anne-de-Beaujeu/Tomacom)
 
 
 
 

dimanche 19 novembre 2017

Les pas mènent à Segalen

Jean-Luc Coatalem, Mes pas vont ailleurs,
Stock, 280 pages, 19,50 €
Les " biofictions " (à savoir les fictions littéraires en forme de biographie) sont tendance.
Le livre que vient de consacrer Jean-Luc Coatalem au voyageur, archéologue, essayiste et poète Victor Segalen (1878-1919) ne s'apparente pas véritablement à cette catégorie d'écrits. C'est plutôt du côté de l'essai qu'il incline (ce que confirme le Prix Femina essai qu'il vient de recevoir).
L'admiration que conçoit Jean-Luc Coatalem pour l'auteur de René Leys n'est pas dissimulée derrière un langage et un apparat académiques propres à glacer le lecteur. Elle ne se départit pas non plus de la distance nécessaire envers son sujet, et sait ainsi éviter les ornières de l'indentification. Chaleureux, érudit sans affichage intempestif, Mes pas vont ailleurs nous guide assurément vers le cœur de l'univers de Victor Segalen
Médecin, sinologue, goncourable en 1907 pour les Immémoriaux, le grand public tarde à découvrir ce dernier, même en cette année où l'on célèbre Gauguin dont il fut l'interprète passionné dès 1904 et dont il sauva maintes œuvres de la destruction et de l'oubli : " Gauguin fut un monstre, écrivait Segalen. C’est-à-dire qu’on ne peut le faire entrer dans aucune des catégories morales, intellectuelles ou sociales, qui suffisent à définir la plupart des individualités. Pour la foule, juger c’est étiqueter. On peut être honorable-négociant, magistrat-intègre, peintre-de-talent, pauvre-et-honnête, jeune-fille-bien-élevée ; on peut être « artiste », voire « grand artiste ». Mais c’est déjà moins permis, et il est impardonnable d’être autre chose que tout cela ; car il manquerait, pour être classé, le cliché requis. " (" Gauguin dans son dernier décor")
Archéologue brillant, arpenteur et poète de la Chine, Segalen a théorisé l'exotisme ou " l'amour des autres mondes " et a soupiré après la perte de ce qu'il appelait le Divers dans l'espace, le temps, les plantes, les animaux et les espèces humaines. Aussi fin linguiste que piètre mari, Segalen mourut précocement et les raisons de sa mort restent sujettes à interprétations.

Le libraire opine que René Leys, Les immémoriaux, cités plus haut, et Stèles devraient remplir les bagages du lecteur-voyageur d'aujourd'hui.

Victor Segalen, Les Immémoriaux,
Livre de poche, 316 pages, 5,60 €

 


samedi 18 novembre 2017

L'art des courtisans

Paul Henri Dietrich d'Holbach, Essai sur
l'art de ramper à l'usage des courtisans,
Berg International, 52 pages, 14 €
"... de tous les arts, le plus difficile est celui de ramper. Cet art sublime est peut-être la plus merveilleuse conquête de l'esprit humain. La nature a mis dans le cœur de tous les hommes un amour-propre, un orgueil, une fierté qui sont, de toutes les dispositions, les plus pénibles à vaincre. L'âme se révolte contre tout ce qui tend à la déprimer ; elle réagit avec vigueur toutes les fois qu'on la blesse dans cet endroit sensible ; et si de bonne heure on ne contracte l'habitude de combattre, de comprimer, d'écraser ce puissant ressort, il devient impossible de le maîtriser. C'est à quoi le courtisan s'exerce dans l'enfance, étude bien plus utile sans doute que toutes celles qu'on nous vante avec emphase, et qui annonce dans ceux qui ont acquis ainsi la faculté de subjuguer la nature une force dont très peu d'êtres se trouvent doués. "
L'ironiste qui se trouve être l'auteur de ces lignes se nomme Paul Henri Dietrich d'Holbach, plus connu sous le nom de baron d'Holbach (1723-1789). Il tint salon, où il accueillit tout ce que son temps connaissait d'esprits indépendants. La pertinence du propos frappe le libraire.
Celui-ci ne trouve que La Boétie (1530-1563), illustre Périgourdin, l'alter ego de Montaigne, pour rivaliser avec sa verve et sa perspicacité. L'œuvre s'intitule Discours de la servitude volontaire. Elle s'avère inépuisable et d'une actualité saisissante.

Etienne de la Boétie, Discours de la servitude
volontaire, Payot, 352 pages, 10

vendredi 17 novembre 2017

Qu'avez-vous dans la tête ? Des poissons

Izaac Walton, Le Parfait pêcheur à la ligne, traduit
de l'anglais par Patrick Reumaux, Klincksieck,
336 pages, 19,50 €
" Mon bon disciple, il est maintenant cinq heures du matin bien sonnées, nous pêcherons jusqu'à neuf, avant de prendre un petit déjeuner. Allez jusqu'au sycomore que vous voyez là-bas, cachez votre gourde sous une racine creuse, car, à cette heure environ et à cet endroit, nous casserons bravement la croûte, avec un morceau de bœuf salé et un radis ou deux que j'ai au fond de ma besace ; nous romprons sainement le jeune, je vous le garantis, en faisant honnête, copieux et appétissant petit déjeuner et je vous apprendrai ensuite la manière de fabriquer vos mouches et de vous en servir ; en attendant voici votre gaule et votre ligne, pêchez de la manière dont vous me voyez le faire et voyons qui prendra le premier poisson. "
Ainsi parle Piscator (le pêcheur) à son compère Venator (le chasseur) qui la suivi au bord de la Tamise, un beau jour vers le milieu du XVIIe siècle. Le livre d'Izaac Walton (16126-1640) est depuis devenu un classique en Angleterre, un classique de la méditation halieutique plus que de la science des rivières et de leurs habitants : il contient un certain nombre de légendes que le lecteur d'aujourd'hui, cet incrédule, débusquera facilement.
L'idée de proposer une nouvelle traduction du Parfait Pêcheur à la ligne ou Le Divertissement du contemplatif, discours sur les rivières, les étangs, la pêche et le poisson est elle-même parfaite. Surtout précédée comme elle l'est d'une brève préface de Llewelyn Powys (1884-1939), un extravagant des lettres et de la nature comme on n'en fait plus, ou plus beaucoup.
Le Parfait pêcheur à la ligne rejoint la collection De Natura Rerum, plébiscitée par le libraire, tout content cette fois de passer sa journée des poissons pleins la tête.

Le pêcheur Walton

mercredi 15 novembre 2017

L'amour des livres est là

Il est enfin arrivé. Sur le comptoir, sur le canapé roue, dans la vitrine. Partout.
Le guide gratuit des livres de la fin d'année.
Pensez à le demander.
 

mardi 14 novembre 2017

Littérature pour les petits : Esilda conseille

Voutch, Bientôt l'hiver, Le Genévrier, 12
Un écureuil s'interroge, très préoccupé : combien de noisettes doit-il amasser s'il veut être prêt pour l'hiver ? Il s'adresse au hibou, sage doyen de la forêt, pour être sûr de ne manquer de rien.
La chute, surprenante, de cette histoire est très drôle et engage à la réflexion. Un album qui peut plaire aux enfants de  tout autant qu'à leurs parents.
Il s'intitule Bientôt l'hiver et son auteur n'est autre que Voutch.
Louise Greig, Ashling Lindsay, La Nuit et le petit garçon,
traduit de l'anglais par Larie Ollier, Gallimard jeunesse, 13,90 €
A l'heure d'aller dormir, Max découvre dans sa chambre une mystérieuse boîte. Il en tourne la clé et le jour se retrouve tout à coup enfermé dans la boîte : la nuit va alors s'installer...
Un album mignon, aux illustrations pleines de sensibilité, pour permettre aux enfants (de 3-4 ans également) de s'habituer à la nuit.
La Nuit et le petit garçon est son titre ; il est signé Louise Greig et Ashling Lindsay.

Céline Claire Qin Leng, L'Abri, Bayard jeunesse,
11,90 €
" ... Et c'est ainsi que deux étrangers ont ouvert leur foyer de fortune par une nuit de tempête où on ne voyait pas la lune. " Voici un beau livre qui parle de l'importance d'aider son prochain, d'éviter d'être rancunier et d'oser se rassembler pour affronter ce qui fait peur, ce qui nous dépasse.
Une plume très fine, dit encore Esilda depuis le rayon jeunesse de la librairie, avec beaucoup de sensibilité et qui rappelle combien il importe d'ouvrir son cœur à l'autre dans les moments difficiles.
L'album s'appelle tout simplement L'Abri et ses auteurs Céline Claire et Qin Leng.

lundi 13 novembre 2017

Poésie des sentiers

François Lasserre, Stéphane Hette,
Le Petit peuple des chemins,
Plume de carotte, 27 €
Si la licorne est un animal imaginaire des forêts, difficile à croiser, impossible (heureusement) à chasser, il existe une multitude de petits habitants poétiques le long des chemins.
Sachons considérer pour ce qu'elles sont ces modestes créatures : irremplaçables. " Que seraient nos sorties sans ces silhouettes discrètes et craintives, ces chants légers et puissants ou ces simples gazouillis ? Leur s présences vivantes et mystérieuses nous accompagnent sur les sentiers et tout au long de nos vies ", affirme à bon droit François Lasserre.
On peut leur donner des surnoms, et voici " L'invisible bouhou ", " Robin des bois ", " le Prince aux yeux d'or " (soit, par ordre d'apparition : le hibou grand duc, le rouge-gorge et le crapaud commun).
On peut les écouter chanter, crier ou marcher : le déplacement du hérisson le soir sur les feuilles tombées à terre est parfaitement repérable. Il est capable, nous apprend Le Petit peuple des chemins, de parcourir 2 à 5 km en quête de sa nourriture en insectes et mollusques.
On peut se satisfaire aux motifs de leurs parures : il existe un papillon très familier des lisières dont le dessous des ailes rappelle le dessin des cartes géographiques. En latin, il s'appelle Araschnia levana.
Les sentiers recèlent d'autres trésors aux vastes propriétés poétiques et un peu magiques : les plantes utiles à la nourriture et à la santé. Le Recueil végétal en recense un certain nombre, cueilli dans les herbiers du Moyen-Âge. Certaines recettes ont évolué, certaines sont même fortement déconseillées à la lumière des connaissances modernes. Mais toutes ont leur saveur, reflétée dans les légendes qui entourent absinthe, narcisse, marjolaine ou achillée millefeuille.

Josy Marty-Dufaut, Le Recueil végétal,
Ouest France, 142 pages, 23 €

mercredi 8 novembre 2017

Vivent les sciences naturelles et aussi la licorne !

Quel futur sans nature ?, Muséum d'histoire
naturelle, 80 pages, 7,50 €
Les sciences naturelles seraient-elles dépassées ? Verraient-elles le " grand dictionnaire de la nature " se refermer devant le naturaliste ? Le végétal, le minéral et l'animal, qui sont ses objets d'étude, se trouveraient-ils nommés (par les médias et les décideurs) dans un autre vocabulaire -- celui de l' "écologie ", par exemple, plus au goût du jour, moins suranné que les  " leçons de choses " ?
Ceci entraînerait-il une perte d'influence dommageable aussi bien à la nature elle-même qu'à l'humanité ?
C'est cette anxiété multiforme qui semble animer la déclaration lancée par une quinzaine de signataires sous la houlette du président du Muséum national d'histoire naturelle, Bruno David.
 " Le rôle clé de de l'histoire naturelle dans le contexte actuel impose donc d'enrayer la perte de vitesse attestée de son enseignement et de la pédagogie du terrain depuis quarante ans du niveau élémentaire jusqu'au cursus universitaire ", affirment les auteurs.
Leur manifeste est bilingue, français-anglais, et s'accompagne de quelques unes de ces merveilleuses planches de coquillages, de pierres, de plantes et d'animaux qui font l'une des richesses des collections conservées au Musée.
La collection " L'œil curieux ", animée par la Bibliothèque nationale de France, a pour sa part choisi de défendre dans un nouveau livret une autre sorte d'animal. Un animal fabuleux : la licorne. Longtemps tenue pour un " vrai " animal, hantant les forêts du Moyen-Âge et existant déjà pour les auteurs de la Bible, la licorne n'a plus aujourd'hui qu'une existence imaginaire. C'est-à-dire une existence en marge des sciences naturelles dont nous venons de parler. Mais très forte dans le bestiaire inconscient de chacun d'entre nous, ce qui ne compte assurément pas pour du beurre.
Les enlumineurs et les peintres ont fait tout leur possible pour assurer sa postérité et y ont réussi. C'est un vrai plaisir de contempler les images de la licorne et de ses congénères animaux d'un œil frais et ouvert au merveilleux -- ne jamais oublier le merveilleux, dit le libraire infime de province.

Licorne. Animal fabuleux, BNF éditions,
48 pages, 6,80 €



mardi 7 novembre 2017

Des notes et des couleurs

Michel Pastoureau, Une couleur ne vient
jamais seule, Seuil, 232 pages, 20 €
Si vous voulez en voir de toutes les couleurs, mais gentiment, posément, ralliez-vous au panache blanc
de Michel Pastoureau. Son journal  d'étudiant des couleurs vient de paraître pour les années 2012-2016, où il pose ainsi le sujet : " Avant d'être lumière ou matière, , avant d'être sensation ou perception, , une couleur est un abstraction, une idée un concept.  C'est sans doute pourquoi dans les pratiques sociales comme dans la création artistique et dans le monde des symboles et de l'imaginaire, elle n'existe vraiment et ne prend tout son sens que pour autant qu'elle est associée ou opposée à une ou plusieurs autres couleurs. Quel que soit le domaine où elle est à l'œuvre, une couleur ne vient jamais seule. "
Dans ce Journal chromatique, la couleur est vécue quotidiennement. Couleur des encres et du papier, couleurs des maillots du rugby, couleurs de Noël approchant, couleurs des livres de coloriage à la mode. Et un soir, ô stupeur, couleur des draps dans un hôtel chic en Suisse : ils sont noirs et les oreillers itou ! L'historien, qui ne se rêvait pas en cadavre,  dormit cette nuit-là dans un lit sans draps.
Des couleurs à la musique, il n'y a qu'un pas. On le sait depuis Rimbaud au moins : A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu... Vladimir Jankélévitch, lui, mariait musique et philosophie, au point qu'il déclara : " Le philosophe qui m'a le plus influencé : Gabriel Fauré ! ".
Vient d'atteindre l'étal bien rempli du libraire, un recueil d'écrits consacrés à la deuxième passion du penseur du Je-ne-sais-quoi et du presque rien. De Ravel à Rimski-Korsakov en passant par Chopin et Fauré, donc, ou Déodat de Séverac, cher au cœur du libraire, ces articles, préfaces, textes de conférence inédits attestent, s'il en était besoin, de l'intense musicalité du monde intérieur de Vladimir Jankélévitch.
Vladimir Jankélévitch, L'enchantement musical,
Albin-Michel, 303 pages, 21,90 €


lundi 6 novembre 2017

Christine Jordis à Vichy

Les éditions Albin Michel
et la librairie A la Page
ont le plaisir de vous inviter à rencontrer
Christine Jordis
pour la parution de son dernier essai
Automnes
SAMEDI 25 NOVEMBRE A 15 H


L'entrée est gratuite et ouverte à tous

dimanche 5 novembre 2017

Un ami de la pluie

Bernard Manciet, L'eau mate,
La Nouvelle Escampette/Librairie Les Saisons,
61 pages, 12 €
" La pluie venait enfin, mon meilleur abri. Toutes les plantes, tous les arbres ruisselaient de contentement. Les hommes ne sortiraient pas de leur guet, et je pouvais aussi m'ébrouer. Je buvais chaque large feuille.  Je me lavai entièrement dans une retombée de chêne. Je perdais mon odeur de sûri, je prenais celle de la branche, forte comme celle des menthes, et j'épousais son bruissement fruité. Entre les dents, je brisais la pluie comme une tige acidulée de trèfle. La vague s'apaisait, rentrait dans une connivence bien certaine. La pluie ne disait plus mot. Elle écoutait. Très loin, il nous semblait entendre une plainte. Mais ce n'était que la rumeur amie d'une nouvelle et lente rafale. Après, il se ferait un silence d'eau. "

                           Bernard Manciet, L'eau mate

Bernard Manciet, L'Enterrement à Sabres,
Poésie Gallimard, 528 pages  13,90 €

vendredi 3 novembre 2017

Modiano, Cendrars. Le Rêve encore.


" Le Rêve à une histoire, une histoire de rêve: Simenon y rédigea son premier roman Le pont des arches, Céline, CendrarsMarcel Aymé y avaient leurs habitudes et Patrick Modiano aimait donner « rendez-vous au Rêve  »  ".
 On raconte pour la légende que c’est ici que Jacques Brel, attablé dans un coin près de la vitre, guettait le passage de Suzanne Gabriello dont il était séparé, et composa un brin nostalgique Ne me quitte pas. "
 
De Blaise Cendrars, au bar " Le Rêve " il n'est point question dans l'enquête d'Olivier Renault sur le Paris de l'auteur de Moravagine qui, pourtant, hanta Montmartre.
Il est vrai que ce bourluingueur s'entendit toujours à brouiller les pistes. A se dédoubler. A forger sa légende. Le Paris de Cendrars, qui vient de faire son apparition sur l'étal du libraire, relate son  odyssée à travers les rues de la ville. De la place de l'Alma à la place Clichy, de Montparnasse à la rue Jean Dolent (écrivain tombé dans les oubliettes)... c'est-à-dire à un jet de pierre de la prison de la Santé. Des salons aux bas-fonds. Une visite qui vaut le détour au fil de la collection " Le Paris des écrivains ".

Olivier Renault, Le Paris de Cendrars,
Editions Alexandrines, 125 pages, 9,90 €

jeudi 2 novembre 2017

Hors des chemins battus : la création primesautière


Bruno Montpied, Le Gazouillis des éléphants, Editions du Sandre,
930 pages, 39 €
Le Gazouillis des éléphants ? Elephantesque, en effet, cet inventaire " des environnements spontanés et chimériques " crées dans leurs jardins et, parfois, dans leur maison, par 300 autodidactes de l'art. Bruno Montpied, dont le libraire avait dit le bien qu'il pensait de ses Jardins anarchiques parus en 2011, a réuni ici 39 ans de recherches auprès d'artistes en marge même de la marge. On connaît les noms, sinon les œuvres, de Nicki de Saint-Phalle ou de Jean Tinguely (voir leurs machines à droite du Centre Beaubourg). Ils sont aujourd'hui fêtés. Mais les 
" naïfs ", les " singuliers de l'art", les "loufoques " découverts par Bruno Montpied ont opéré ou opèrent de nos jours dans un anonymat à la fois désuet et salutaire : quelle sincérité, quelle indépendance, quelle alacrité, souvent, animent leurs créations ! Elles sont très fragiles, cependant. Tenez, le site que Monsieur René Jenthon, dans les années 1980 anima de sirènes, de vaches, de volatiles et de dinosaures "colorés et enfantins " a aujourd'hui disparu de la surface de l'Allier où il se trouvait et, conséquemment, de la surface de la Terre.
La " tentative d'inventaire général des environnements spontanés et chimériques créés en France par des autodidactes populaires, bruts, naïfs, excentriques, loufoques, brindezingues, ou tout simplement inventifs, passés, présents et en devenir, en plein air ou sous terre (quelquefois en intérieur), pour le plaisir de leurs auteurs et de quelques amateurs de passage " orchestrée par Bruno Montpied et les éditions du Sandre est la bonne surprise en matière d'art (nous nous comprenons) de cette fin d'année.

Le site de Monsieur Jenthon




mercredi 1 novembre 2017

Que d'eau, que de belles truites !

Norman Maclean, Et au milieu coule une rivière,
traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marie-Claire
Pasquier, Payot-Rivages, 174 pages, 19 €
Payot-Rivages republie le petit classique de Norman Maclean que le cinéma et l'acteur Robert Redford popularisèrent largement dans les années 1980 : Et au milieu coule une rivière.
De l'eau est effectivement passée sous les ponts et sur le dos des truites depuis lors : on ne conte plus les récits venus d'outre-Atlantique situant héros et décors dans la nature champêtre ou dans les solitudes (la fameuse Wilderness en français corrigé). Les éditions Gallmeister y consacrent même leur fonds ; leur catalogue foisonne de truites. Jusqu'à cette Journée pourrie au paradis des truites, recueil de textes halieutiques de John Gierach qui paraît à l'instant.
Norman Maclean pourrait faire ainsi faire figure d'ancêtre de ce genre, si le libraire ne se souvenait du Manuel du parfait pêcheur à la ligne qu' Izaac Walton publia il y a quatre siècles et, beaucoup plus près de nous, de ce récit de pêche des deux frères Ludovic et Sylvain Massé.
Eux furent sans doute les premiers à imaginer ce qu'est la vie d'une truite vue par ce merveilleux poisson lui-même et non depuis la berge du torrent, comme dans la plupart des récits.
Lam la truite fut d'abord publié en 1938 chez Larousse, éditeur scientifique, avant de trouver sa vraie place d'aujourd'hui chez un éditeur littéraire, dont le libraire reparlera.

Sylvain et Ludovic Massé, Lam la truite,
Pierre Mainard, 160 pages, 16 €