mardi 31 janvier 2017

Lisez, écrivez : il en restera toujours quelque chose

Julia Kerninon, Une activité
respectable, La Brune, 60 pages, 9,80 €
" En lisant, en écrivant ", le titre du livre de Julien Gracq
a fait son chemin. Chez son propre éditeur, José Corti, d'abord, où une collection de ce nom a été créée et dans maintes réutilisations, comme dans les " classes de maître littéraires " qui réunissent ces temps-ci à Paris des écrivains en vue.
C'est assurément aussi la double activité de lire et d'écrire qui faufile le roman de Julia Kerninon et le récit autobiographique de Patrick Autréaux. Le premier parce que son auteur a été élevée par des parents fondus de livres ; le second parce que Patrick Autréaux, réchappé du cancer, devenu médecin, voulut également devenir écrivain.
La tonalité des deux ouvrages diffèrent grandement, bien qu'ils voient ensemble dans la lecture un havre. L'un et l'autre (autre nom de collection célèbre !) font en tous cas de la lecture et de l'écriture un sujet de livre, lui-même centré sur leur désir d'édition. Un sujet en boucle.
Patrick Autréaux, La Voix écrite,
Verdier, 138 pages, 16 €

lundi 30 janvier 2017

Jules Verne, la science

Michel Clamen, Jules Verne et les sciences,
Belin, 300 pages, 9,90 €
Les romans de Jules Verne (1828-1905),  géographe
de formation, sont truffés de prouesses et d'anticipations scientifiques (au point qu'on oublie l'humour avec lequel il traitait ses sujets ).
Et c'est à un polytechnicien que les éditions Belin ont confié la mission de repérer ses intuitions et ses grands flops : à l'échelle d'un siècle, il n'est pas difficile de le prendre en défaut -- ce ne sont pas les futurologues qui pourraient le lui reprocher...
Ce bilan est surtout l'occasion de revenir sur une œuvre tellement classique qu'elle passe inaperçue, comme les objets trop familiers.
Le livre de Michel Clamen permet aussi une plongée dans le milieu de l'édition de son temps et, plus spécialement, auprès de Pierre-Jules Hetzel (1814-1886) génial éditeur de VerneGeorge Sand, Nodier, Nerval, Hugo et, la boucle est bouclée... Elisée Reclus.
Mathieu Vidard serait-il, quant à lui, le nouveau Pic de la Mirandole ? Ce serait beaucoup demander à un citoyen du XXIe siècle, époque qui se caractérise, on le sait, par un éclatement et une profusion de connaissances inconnus des hommes du début du XVIe siècle. Le Carnet scientifique contient néanmoins  une foultitude de renseignements sur les sciences dites dures. Il peut permettre de briller dans les salons en répondant à des questions  comme : " combien pèse l'humanité ? ",
" quel âge a le plus vieux fossile de mouche retrouvé à ce jour ? " ou, plus grave : " quel niveau atteindront les océans en 2100 ? ".
Mathieu Vidard, Le Carnet scientifique,
Grasset, 240 pages, 18 €

samedi 28 janvier 2017

L'ombre et le Japon

  Jun'ichirō Tanizaki
L'ombre, soyons clairs, n'a pas bonne réputation. Que cache-t-elle ? Quoi de trouble ? Quoi de non-transparent ? Quelle noirceur -- de l'âme, des buts poursuivis ? N'est-elle pas équivoque ?
Tanizaki (1886-1965), romancier japonais, entreprend de défendre ce qui n'est pas exposé à la lumière la plus crue (dans la maison, dans les rues, dans les objets quotidiens). Il défend les zones de pénombre, le clair-obscur, le toko no ma, ce renfoncement, cette alcôve qui, dans la maison japonaise traditionnelle, abrite " les mystères " de l'ombre et de la lumière.
Rédigé au Japon en 1933, traduit en français en 1977 par René Sieffert sous l'excellent titre  d'Eloge de l'ombre, l'essai de Tanizaki reparaît aujourd'hui. Louange de l'ombre est le titre de cette nouvelle traduction dotée d'une préface qui s'efforce d'actualiser, sans toujours emporter la conviction (la traduction de Sieffert reste disponible aux éditions Verdier), notre réception de ce classique de l'esthétique.
Tanizaki avait parfaitement pressenti l'avènement du culte du visible, du blanc, de l'aveuglant dans les sociétés modernes. A tel point que celles-ci battent en retraite : éclairer tue les étoiles, les oiseaux, la nuit. La pénombre ne déplaît pas au libraire ; la ténèbre l'oblige à distinguer les détails, à affiner son regard. Telle la chouette.

Tanizaki Jun'ichirô, Louange de l'ombre,
traduit du japonais par Rioko Sekiguchi et
Patrick Honoré, Picquier, 112 pages, 13 €

vendredi 27 janvier 2017

Vendredi d'hiver

José Carlos Llop, La vie différente,
traduit de l'espagnol par Jean-Marie Saint-Lu,
Do, 88 pages, 14 €
Ces deux-là -- la neige et la poésie -- font bon ménage. La preuve, s'il en fallait encore une :
ce passage d'un poème de José Carlos Llop, intitulé " Samedi d'hiver ", extrait d'un recueil tout récemment traduit en français :

La dernière fois que j'ai vu la neige, je l'ai associée à une mort tranquille
et j'ai écrit une lente élégie qui avait le rythme
des flocons qui tombent. Aujourd'hui il neigeait quand le jour s'est levé.
Nous dormions. Au réveil, j'ai ouvert les persiennes
et les arbres du jardin étaient des lampadaires de marbre blanc
et la terre, de l'albâtre. Les plantes avaient quelque chose de palatial
tels des domestiques revêtus de leur livrée neuve,
et le merle noir du laurier était une sorte de majordome.

                                                                                        José Carlos Llop


jeudi 26 janvier 2017

Un charme d'enfer

Ivan Jablonka, Laetitia, Seuil,
330 pages, 21,50 €
" La réalité aurait-elle plus de talent que la littérature? On est en droit de se poser la question face au déferlement de romans «inspirés d'un fait divers» qui ne cessent de paraître. Certes, sans remonter à Flaubert et Stendhal, le phénomène n'est pas nouveau. Mais il est clair qu'il connaît une accélération. Pas de rentrée littéraire sans un récit romancé qui tire son intrigue d'une actualité passée. Parfois, le fait divers n'a même pas quitté la une des journaux ou les écrans des chaînes d'information en continu qu'il fait l'objet d'un livre ", pouvait-on lire dans le journal Le Figaro en 2014.
Laetitia, ou Chanson douce, le dernier prix Goncourt, voire Tropique de la violence de Natacha Appanah, entretiennent plus d'une ressemblance avec le phénomène décrit par Le Figaro. Ils montrent une porosité, plus ou moins nette (et plus ou moins talentueuse) entre le récit " brut " fait dans les médias et l'interprétation romancée que propose la fiction, depuis Emmanuel Carrère jusqu'à Régis Jauffret, en passant par Jean-Luc Seigle.
L'ouvrage que viennent de publier Amélie Chabrier et Marie-Eve Thérenty, Détective, fabrique de crimes ? permet de mettre en perspective ce qui relève peut-être autant d'une fascination (inconsciente ? collective ? inavouée ?) pour l'horreur que d'une simple mode parcourant les cercles littéraires. Georges Bataille, parmi d'autres, et pour ne pas remonter plus haut que le XXe siècle, en avait repéré l'existence, que l'on retrouve évidemment dans le roman policier et ses héros psychopathes.
On se souvient que Détective  était un hebdomadaire, lancé par Gallimard en 1928 et qui cessa sa parution en 1940, entièrement consacré au fait divers et au crime.  Ce magazine " s'est tout entier bâti autour du fait divers, conçu comme un instrument essentiel pour appréhender la société : ' le fait divers, c'est la vie, écrit Luc Dornain, la vie descendue des théories et de l'absolu, la vie saignante, douloureuse, l'éternelle leçon. ' " Détective rencontra un énorme succès de vente. Il s'assura les services de romanciers de l'époque, comme Kessel, Carco et Mac Orlan.
"Un charme d'enfer ", c'est par ces mots qu'Amélie Chabrier et Marie-Eve Thérenty caractérisent l'attrait sur nous du fait divers. Elles précisent : " si l'intérêt pour le fait divers est indéniable, il reste difficile à expliquer rationnellement et surtout moralement, d'où l'usage d'un lexique de la déresponsabilisation. Le fait divers agit, exerce sa magie sur l'homme, celui-ci est subjugué, passif, donc innocent. (...) En suscitant au quotidien des émotions fortes (...), en exhibant la face sombre de l'homme, il servirait de liant social. "

Amélie Chabrier et Marie-Eve Thérenty,
Détective,  fabrique de crimes ?,
Joseph K., 190 pages, 24 €
 



mercredi 25 janvier 2017

Bonjour, Monsieur Elie Faure

Elie Faure, Histoire de l'Art,
Bartillat, 1156 pages, 39 €
Le nom d'Elie Faure (1873-1937) fut prononcé, hier soir, après la projection à Vichy du film passionnant de Nicolas Eprendre Elisée Reclus : la passion du monde (voir les billets du 27 et du 29 décembre).
Et pour cause : cet Elie-là (très drôle, monsieur le libraire !) n'était autre que le neveu de l'autre Elie (Reclus) et, conséquemment, d'Elisée, le géographe.
Elie Faure admirait ses deux oncles, qu'il compara pour l'un, à un phare (Elisée) et, pour l'autre, à un astre (Elie). Il est indiscutable que l'esprit encyclopédique des deux aînés souffla sur lui, qui devint l'auteur d'une Histoire de l'art d'une ampleur la rapprochant des ouvrages géographiques de l'oncle Elisée.
On a pu discuter de la pertinence du titre " Histoire de l'art " apposé sur les écrits d'Elie Faure qui ne les avait pas construits dans une telle continuité.
Il s'agissait, au départ, de monographies d'une qualité d'écriture peu commune en cette matière et où l'impétuosité de l'auteur transparaît sous chaque phrase. Il parut plus simple (et plus vendeur) de les baptiser ainsi. Elles peuvent encore se lire séparément au calme et en adoptant le rythme approprié à chacun.
Intégrale ou non, cette réédition met de nombreuses pages d'Elie Faure à la portée de nouvelles générations de lecteurs en attendant impatiemment la parution prochaine d'écrits inédits, annoncés chez le même éditeur.
On pourra aussi se régaler avec les essais qu'Yves Levy consacra naguère à Elie Faure. Travail de passion et d'érudition, tant il est vrai que, lorsqu'il est question des Reclus et de Faure, l'une ne peut pas aller sans l'autre.
Yves Levy, Ecrits sur Elie Faure,
Plein Chant, 160 pages, 11 €

mardi 24 janvier 2017

Une vie de Chardin

Marc Pautrel, La Sainte réalité.
Vie de Jean-Siméon Chardin,
Gallimard, 162 pages, 16 €
Les peintres ont la faveur des romanciers actuels.
Le prouvent à l'envi Les Singuliers d'Anne Percin (Gauguin), Deux remords de Claude Monet
(par Michel Bernard, au sujet de Bazille et des Impressionnistes), La Valse des arbres et du ciel, de Jean-Michel Guenassia, sur Van Gogh, Charlotte, de David Foenkinos redécouvrant Charlotte Salomon. Sans remonter à La Jeune fille à la perle de Tracy Chevalier et aux romans de Sophie Chauveau sur Manet, Botticelli ou Fragonard, ni même à L'Affaire Arnolfili, enquête sur un tableau de Van Eyck de Jean-Pierre Postel. Sans oublier non plus notre Prix des Lecteurs A la Page, Gaëlle Josse, et son beau Georges de la Tour.
C'est maintenant au tour de Chardin (1699-1779), Jean-Siméon de son prénom, d'inspirer une
" biofiction " à un auteur contemporain. Pour nous introduire dans l'univers du peintre, Marc Pautrel
a choisi de se concentrer sur les œuvres de l'artiste plutôt que sur les événements de sa vie. Se trouvent ainsi minutieusement décrits les tableaux qui ont valu la postérité à Chardin, lui qui peignait dans un genre situé au plus bas de la hiérarchie des genres : la nature morte. 
" Un petit panier d'osier d'un doigt de profondeur,  est rempli de prunes sombres, de l'espèce quetsche d'Italie, séparées les unes des autres par leurs feuilles disposées en tapis, et les prunes les plus hautes sont de couleur changeante sous l'effet des reflets, violet orangé, et l'une réfléchit tellement la lumière qu'elle semble grise, alors que les prunes du dessous sont très sombre et quasiment bleu nuit. "
Cette attention portée à la couleur et au nuancier de Chardin pourrait avoir quelque chose d'hyper-réaliste dans l'écriture, si on ne craignait pas les anachronismes. Quelque chose d'entêtant aussi, comme un bocal d'abricots. Ou une pyramide de fraises dressée dans un panier d'osier. Avec deux œillets blancs posés de biais.


lundi 23 janvier 2017

La minute de mauvaise humeur du libraire

Les transports, illustrations Charlotte Ameling,
Milan, 13,90 €
Le libraire vient de recevoir de la part de son transporteur unique et préféré (car il faut savoir, doux lecteurs, que les livres qui s'étalent à l'étal du libraire doivent être acheminés jusqu'à lui par de lourds véhicules à quatre roues ou plus) un petit mot doux.
Celui-ci s'intitulait :
" Revalorisation de nos tarifs de vente au 1er février 2017 ".
Le libraire, qui conçoit, on s'en est peut-être aperçu, un grand amour, un amour immodéré, pour la subtilité du langage a immédiatement apprécié le trait.
En effet, le transporteur unique et préféré qui a, lui aussi, le sens de la nuance, et dont on voit les véhicules filer allègrement sur les autostrades dans tout notre pays, n'avait pas écrit qu'il allait augmenter, corser, doubler, monter, hausser ses prix à dater du mois prochain ; ni : taxer, écornifler, larronner, tirer la laine et, encore moins, tondre le libraire en février prochain.
Non, pour ne pas heurter le libraire, il avait suavement écrit qu'il revaloriserait son tarif.
Et le libraire, dont on peut dire beaucoup de mal mais qui reste une créature idéaliste, aérienne, immatérielle, sait apprécier la poésie en toute circonstance. 

C. Gifford, Voitures, trains, avions et bateaux,
Gallimard Jeunesse, 256 pages, 24,95 €






dimanche 22 janvier 2017

Dimanche, mode d'emploi

En quête du dimanche,
Infolio, 240 pages, 14 €
Si vous ne savez pas quoi faire aujourd'hui dimanche ; si vous pensez que vos commerces préférés (pour ne pas citer votre chère librairie) doivent rester ouverts sept jour sur sept ; si vous estimez, au contraire, que le dimanche doit rester un jour chômé voué au repos, comme Dieu s'arrêtant le 7e jour ; ou si vous souhaitez le passer à vous distraire comme vous l'entendez, bref : si vous voulez démêler ces questions et comprendre ce que seront les dimanches de demain, précipitez-vous sur En quête du dimanche.
Il s'agit d'un dossier au format de poche où les multiples facettes de la " rythmique hebdo-
madaire " dans un monde urbanisé sont évoquées. Les points de vue du géographe, de l'urbaniste, de l'anthropologue, du philosophe y sont réunis pour tenter de dégager un dimanche souhaitable.
En attendant, le livre est disponible aujourd'hui même, à partir de 15 heures.
Disponible aussi, le livre d'Olivier Marchon sur la façon qu'ont les hommes et les différentes sociétés d'appréhender l'écoulement du temps et son découpage. Rien qui soit ni universel ni immuable, même s'il a fallu instaurer un même temps pour tous afin de s'y retrouver dans les déplacements des marchandises et des gens à travers le monde.

Olivier Marchon, Le 30 février et autres
curiosités de la mesure du temps;
Seuil, 172 pages, 14,50 €

samedi 21 janvier 2017

La meilleure première page de la semaine : Cingria

Charles-Albert Cingria,
Le Carnet du chat sauvage, Fata Morgana,
48 pages, 12 €
Si l'on devait élire l'auteur de la meilleure première page publiée cette semaine, le libraire voterait sans hésiter pour... Charles Albert Cingria (il est né en 1883 à Genève et mort dans la même charmante ville en 1954) pour la première page de Le Carnet du chat sauvage. La voici sans plus attendre :
" Est-il besoin de vous dire que ce qui me rendait si visiblement anxieux, ainsi tapi dans l'herbe, c'était cette impunité parfaite de trop d'oiseaux grassouillets sur les hautes branches de ces superbes verdures. Et je les eusse volontiers pulvérisés s'il n'eût fallu au préalable me livrer à une gymnastique qui était aussi indigne de ma nature que contraire à mes résolutions. J'avais depuis longtemps décidé de ne plus monter aux arbres. En effet, d'abord, à quoi est-ce que cela sert ? A prouver que vous pouvez aller aussi qu'eux. Cependant, quand vous y êtes, ils n'y sont plus. Où sont-ils ? Vous les faites taire évidemment, puisque la solitude que votre présence implique institue le silence. Mais ils n'en recommencent pas moins d'autant plus fort ailleurs. "
Ce chat qui écrit à la première personne a beaucoup d'humour (qu'attendiez-vous avec Cingria ?) et il est publié par Fata Morgana.
Une seule petite chose manque à la félicité sans bornes du libraire : que l'éditeur lui signale, aussi discrètement qu'il le veut, la date à laquelle le carnet du félidé en question fut rédigé et, peut-être, publié. Une petite ligne en page 4 ou in fine eût suffit, s'il ne voulait pas se fendre d'une présentation.
Pour faire brièvement connaissance avec Cingria et son art, cette vidéo n'est pas superflue. Vous avez les hommages de Charles-Albert.


vendredi 20 janvier 2017

La faculté d'admiration

Anna Maria Ortese, Les Petites Personnes,
traduit de l'italien par Marguerite Pozzoli,
Actes Sud, 350 pages, 23 €
Anna Maria Ortese (1914-1998) est, avec Natalia Ginzburg (1916-1991), et de la même génération qu'elle, la prosatrice italienne préférée du libraire.
Elles furent deux consciences, deux " consciences profondes ", selon la propre expression d'Ortese, aux prises avec le monde et l'humanité, leurs duretés, leurs beautés, leurs tragédies, leurs illuminations.
Deux consciences sensibles à la condition des créatures les plus faibles, parmi les hommes ou chez les autres animaux.  Une bonne partie de ce nouveau recueil posthume d'Anna Maria Ortese est, du reste, consacrée aux créatures sauvages ou apprivoisées et à leurs souffrances. Le chien torturé ; les bêtes livrées à la vivisection ; le cochon que l'on saigne. " Avec une absolue lassitude du cœur ". Et, toutefois, la faculté  d'admiration conservée jusqu'au bout -- tout Ortese est exprimée dans ces quelques mots.
" Admirer quoi ? me dira-t-on ? Je n'ai pas de doute : admirer le monde et toutes les formes des choses : celles qui sont à l'extérieur du monde et que nous ne voyons pas, mais dont les instruments et la pensée nous disent qu'elles sont réelles,  et celles qui apparaissent, restent un moment puis disparaissent -- en une grandiose fantasmagorie qui se divise en saisons et se répartit en temps ordonnés -- sur la planète où nous vivons. "

Le Chez-soi des animaux, de Vinciane Despret, est une jolie réflexion destinée aux enfants sur les animaux et leur habitat, leur oïkos : la coquille, pour l'escargot, le nid, pour l'oiseau, l'espace chargé de leurs chants pour les singes chanteurs. Ou encore, l'endroit de la rivière que les saumons doivent retrouver. Poétique et scientifique. A conseiller vivement.
Vinciane Despret, Le Chez-soi
des animaux, Actes Sud,
48 pages, 6 €

jeudi 19 janvier 2017

Trois femmes remarquables

Elles s'appellent Charlotte Delbo, Germaine Tillion et Milena Jesenkà.
Leur vie, leur action, leur œuvre seront présentées par
Jacqueline Bourgeade, Catherine Delisle-Pelletier et Milie Moratille
SAMEDI 4 FEVRIER à 15h30
au numéro 5 de la rue Sornin.
Nous vous espérons nombreux !

Charlotte Delbo (1913-1985)

Germaine Tillion (1907-2008)
Milena Jensanskà (1896-1944)

 

mercredi 18 janvier 2017

Samedi BD (21)

Lors du dernier SAMEDI BD, Géraldine a (notamment) évoqué
les cinq pépites suivantes :

Zerocalcare, Kobane Calling,
Cambourakis, 23 €

Jean-Denis Pendanx, Au bout du fleuve,
Futuropolis, 20 €


Morvan, Evrard, Tréfouël, Walter, Irena,
Glénat, 14,95 €

Ancco, Mauvaises filles,
Cornelius, 20,50 €

Alcante, Bollée, Besse, Lao Wai,
Glénat, 13,90 €
 
 


mardi 17 janvier 2017

Mâcher ses mots et autres gamineries

Eric Chevillard, Ronce-Rose, Minuit,
142 pages, 13,80 €
Quelqu'un qui aime à ce point les mots ne peut pas être complètement mauvais.
C'est ce que le libraire se dit immédiatement en lisant Ronce-Rose, sans trop savoir où est en train de le conduire Eric Chevillard. Et ce sentiment est agréable.
Il y a plein de vocables que Ronce-Rose, l'héroïne de ce roman (comme il est indiqué sur la couverture du livre)  ne comprend pas :
" Ornithologie " ou les mots de l'expression " âpre au grain ". "Gérontologie " non plus (vocable dont elle devrait, si jeune, se méfier).
En revanche, elle connaît du russe : isba et samovar et apprécie, comme Mâchefer, son copain, les mots français " parfum", " jeune
fille ", " harmonie " et l'expression : " le bonheur passait il a fui ".
Avez-vous suivi ?
Vous ne devriez plutôt pas. 
Car la logique n'est pas le fort de Ronce-Rose.
Le rapport du mot à la chose, l'arbitraire du signe et tout le tralala linguistique, voilà ce qui l'intrigue. Attendu qu'elle est de la famille d'Alice (celle du pays des merveilles,  patrie préférée du libraire) et de Zazie (celle du métro, pas la chanteuse).
Eric Chevillard, quand il n'imagine pas les mots qui font vivre Ronce-Rose tient une chronique littéraire dans Le Monde. L'une des meilleures sur le marché. Car il ne mâche pas ses mots.
Ce qui fait plusieurs plumes à son chapeau. Pour parler comme Ronce-Rose qui n'est pas née de la dernière pluie et prend les mots à la lettre. Voilà, c'est dit. Ronce-Rose que l'on surnomme
" moulin à paroles " et qui est " blonde comme les blés ", se lit par ailleurs comme un conte d'aujourd'hui.

Eric Chevillard, L'autofictif à l'assaut des cartels,
L'Arbre vengeur, 224 pages, 15 €

lundi 16 janvier 2017

Esprit es-tu là ?

François de Groiseilliez, L'Art de devenir député
et même ministre par un oisif qui n'est ni l'un
ni l'autre, Librio, 110 pages, 3 €
Cela s'appelle-t-il rentrer sur les chapeaux de roue ? Les lecteurs du blog jugeront. Nous avons trouvé ceci :
" Les champs électoraux se sont immortalisés par plus de défaites que de victoires. Que de vertus rares ne les ont traversés avec amertume ;! Que de réputations brillantes y ont trouvé leur tombeau ! Que de talents, dont à l'avance on assurait le triomphe, y ont vu s'évanouir leur prestige trompeur ! Que der fortunes y ont été inutilement dévorées par les frais de la guerre ! Des champions terrassés et pour toujours mis hors de combat, des armes brisées, des masques arrachés du front de l'hypocrisie, des brochures déchirées, des journaux ensanglantés, le fouet du ridicule achevant les vaincus, et quelquefois même sévissant contre les vainqueurs, voilà souvent le triste spectacle qu'offre aux yeux de la France affligée le champ de bataille d'une élection. "
Ces lignes sont signées François de Groiseilliez, qui naquit en 1807 et mourut en 1887 (oui, il y a fort, fort longtemps) et dont le libraire n'avait oncques entendu parler. Son livre est intitulé L'Art de devenir député et même ministre par un oisif qui n'est ni l'un ni l'autre. Il paraît dans la collection Philosophie de chez Librio. Le libraire hésite à le classer au rayon humour. Demandez-lui.
Au rayon philosophie, et nulle part ailleurs, vous trouverez un plaidoyer en faveur de Schopenhauer (1788-1860) par Michel Houellebecq qui nous révèle être tombé raide dingue un jour à la bibliothèque de l'auteur du Monde comme volonté et comme représentation (1819) " En quelques minutes, tout a basculé. " Les éditions de L'Herne proposent le coup de foudre.

Michel Houellebecq, En présence de
Schopenhauer, L'Herne, 94 pages, 9 €