samedi 30 avril 2016

Athlètes au féminin


Carrie Snyder, Invisible sous la lumière,
traduit de l'anglais (Canada) par
Karine Larechère, 353 pages, 22,50
 
La bonne littérature sur le sport n'est pas monnaie courante ; sur l'athlétisme, moins encore, depuis Henry de Montherlant, décédé il y a plus de quarante ans : " Tout de suite je tombai amoureux
de la cendrée. C'est-à-dire de la piste en mâchefer..."
Mais de bons romans sur l'athlétisme féminin, qui en connaît ?
La Canadienne anglophone Carrie Snyder (à ne pas confondre avec Gary Snyder, le poète de la nature américain) a relevé le défi dans Invisible sous la lumière.
Son héroïne, Aganetha Smart, connut la gloire le jour où elle participa aux Jeux Olympiques d'Amsterdam en 1928, les premiers  a accepter la participation d'athlètes féminines.
C'est le souvenir de sa médaille d'or qui l'anime, alors qu'elle est désormais âgée de cent quatre ans et clouée dans un fauteuil roulant.
Deux inconnus viendront la sortir de sa maison de retraite pour l'interroger sur son passé fait de multiples combats et ranimer sa passion de la course.
Carrie Snyder a mené des recherches pour documenter son roman et pénétrer dans les coulisses de l'olympisme où la lumière n'est entrée que tardivement pour les athlètes de sexe féminin.
L'anthropologue Anne Saouter ne dit certainement pas le contraire dans son essai sur la compétition sportive, la " féminité normée " et le modèle masculin qui la dominent.
Pourtant, un bon match de football féminin suffit à faire tomber toutes les préventions chez n'importe quel spectateur de bonne foi.
Anne Saouter, Des femmes et
du sport, Payot, 207 pages, 18 €







  
 

vendredi 29 avril 2016

Avoir vingt ans

Joëlle Tiano, George Sand a vingt ans.
S'affranchir, Au diable vauvert,
167 pages, 12,50 €
La collection " A vingt ans " des éditions Au diable vauvert (Vauvert, où est sise cette maison, est une commune du Gard), se propose d'interroger les vies d'auteurs célèbres à une période cruciale de leur existence. Si l'idée de " célébrité " présente visiblement quelque difficulté non surmontée (Marylin Monroe, Johnny Halliday et
JF Kennedy s'insinuant dans un catalogue où figurent Louis-Ferdinand Céline, Jean-Jacques Rousseau et Marcel Proust), vingt ans est certainement un bel âge pour une biographie. Un âge aussi auquel peuvent mieux s'identifier les jeunes lecteurs
Pour obtenir ce résultat, le principe est donc simple : reconstituer les années de formation  des " auteurs quand ils sont encore en fragilité et ne sont pas devenus des monstres sacrés ", selon l'expression du directeur de collection, Louis-Paul Astraud. Les narrer sans chichi ni effets de style, dans des phrases rédigées au présent et ne s'écartant pas trop du vocabulaire actuel (ainsi Charlotte Brontë  " accepte-t-elle un emploi " et George Sand " sait-elle la part de son état moral dans ses symptômes physiques ").

La collection " A vingt ans " compte 17 titres. Outre les monstres sacrés déjà cités, on y croise Boris Vian, Camus, Balzac, Nelson Madela ou encore Jean Genet. Les deux derniers monstres accueillis sont George Sand et les sœurs Brontë.

Stéphane Labbe, Les sœurs Brontë.
Au nom du père, du frère et de l'esprit,
Au diable vauvert, 165 pages, 12,50 €

jeudi 28 avril 2016

Nouvelles de Grèce

Chrìstos Ikonòmou
Ça va aller, tu vas voir, traduit du
grec par Michel Volkovitch,
Quidam, 224 pages, 20 €
Les seize nouvelles qui composent Ça va aller, tu vas voir dessinent un portrait de la Grèce en crise qui vaut mille commentaires par les plus experts des économistes et des sociologues.
Ecrites pour les Grecs avant même, pour certaines, que la crise n'atteigne son apogée, elles nous plongent dans " la peur silencieuse et l'angoisse cachée de la journée qui venait et de toutes les journées qui la suivraient. "
Le regard est dur, l'écriture coupante, pour dire les effets de la pauvreté, de la maladie et du désarroi sur jeunes et moins jeunes dans une Grèce " venteuse et sans soleil " à l'image des consciences gelées et muettes.
" Je ne suis pas un observateur de la crise actuelle. Je suis un sujet de la crise, un symptôme de la crise ", a déclaré Chrìstos Ikonòmou au magazine Le Matricule des anges.
Dans une production littéraire sans urgence, toute la différence est là pour un recueil dont la portée dépasse assurément l'actualité immédiate et les frontières du pays qui l'a inspiré.





 



mercredi 27 avril 2016

Procès des choses

Charles Haquet, Bernard Lalanne,
Procès du grille-pain et autres objets qui
nous tapent sur les nerfs, Folio,
204 pages, 7,10 €
Georges Pérec l'avait bien dit : " Il y eut la lessive,
le linge qui sèche, le repassage. Le gaz, l'électricité, le téléphone. Les enfants. Les vêtements et les sous-vêtements. La moutarde. Les soupes en sachets, les soupes en boîtes. Les cheveux : comment les laver, comment les teindre, comment les faire tenir, comment les faire briller. Les étudiants, les ongles, les sirops pour la toux, les machines à écrire, les engrais, les tracteurs, les loisirs, les cadeaux, la papèterie, le blanc...", écrit-il dans Les Choses.
Ce n'est pas pour autant que la vie quotidienne et les objets sont restés tranquilles depuis ce temps. Pire : certains objets y ont mis du leur pour nous rendre la vie quotidienne encore plus quotidienne.
De ce point de vue,  il faut louer Charles Haquet et Bernard Lalanne, les auteurs de l'inoubliable Procès du grille-pain et autres objets qui nous tapent sur les nerfs, d'avoir su venger le plus large public des méfaits de la notice Ikea, des chaînes à neige, de la télécommande, du composteur à billets (qu'il faut retourner incessamment avant le compostage...), de la théière qui fait pipi. Sans parler de la housse de couette.
Extrait : " Les uns retournent la couette comme une chaussette et la déroulent afin qu'elle se retrouve à l'endroit sur la couette, les autres grimpent sur le lit et secouent l'ensemble au risque de tasser le garnissage d'un seul côté, ceux qui ont la chance de posséder une mezzanine y montent et s'aident de la balustrade. Un sondage réalisé en Grande-Bretagne montre que 46% des personnes interrogées utiliseraient cette méthode.
Pour atteindre les coins, certains poussent le courage jusqu'à s'introduire entièrement dans la housse suivant la technique du furet. (...) Mieux vaut ne pas agir seul : pendant que l'un explore les profondeurs, l'autre reste en surface et peut donner l'alerte en cas d'imprévu. "


mardi 26 avril 2016

Rendez-vous dans l'île avec Frédéric Vitoux


Fré&déric Vitoux, Au rendez-vous
des mariniers, Fayard,
306 pages, 20 €
Les petits enfants gardent des lieux où ils ont grandi
des images à la fois profondes et insaisissables. C'est le plus
 grand charme, et mystérieux, de nos souvenirs.
Frédéric Vitoux entretient avec le quai d'Anjou, qui longe
la Seine à Paris, ce rapport troublant. Il est
passé des centaines de fois (" au bas mot ") devant le bistrot-restaurant qui s'appelait " Au rendez-vous des Mariniers " sans
véritablement le regarder. Mais ce lieu,
au nom qui fait rêver, s'inscrivait au plus intime de lui-même.
Et qui, croyez-vous, fréquenta ce rendez-vous ?
Les habitants du quartier, pour sûr. Les mariniers
et les blanchisseuses qui œuvraient sur les bateaux-
lavoirs dans le voisinage. Mais aussi quelques hôtes promis
à la postérité nommés Picasso, John Dos Passos,
Hemingway ("Dos" et "Hem"), Simenon,
Louis-Ferdinand Destouches, dit Céline...
En refaisant le chemin de son enfance,
Frédéric Vitoux nous introduit auprès de ses chers 
fantômes dans une enquête minutieuse dictée par
la sensibilité et la mélancolie.
Un autre arpenteur de l'île et de la rive gauche fut Jacques Yonnet.
Sa Rue des Maléfices, qu'admirait Raymond Queneau, tient la chronique d'un Paris souterrain et merveilleux qui a fait les délices du libraire envoûté. Il est disponible chez Libretto.
A bon entendeur... 
Jacques Yonnet, Rue des Maléfices,
Libretto, 320 pages, 9,70 €
 

lundi 25 avril 2016

Dans la maison de Lao She

Lao She, Ecrits de la maison des rats,
traduit du chinois par Claude Payen,
Picquier poche, 160 pages, 6,50 €
 " Question : ' Quel est l'article le plus difficile à écrire ? '
Réponse : Celui qu'on n'a pas envie d'écrire. Par exemple : mon voisin, Deuxième Grand Maître est mort à soixante-dix ans de mort naturelle.  Toute sa vie, il a mangé, s'est habillé et a bu quelques verres d'alcool comme tout un chacun. Il n'a jamais rien fait ni rien écrit de remarquable. Dans sa jeunesse, il ne se distinguait pas de ses pairs et, devenu vieux, il n'était en rien différent des autres vieillards. Je ne peux rien ajouter sinon qu'il a été toute sa vie un citoyen exemplaire. Hélas, le malheur de l'écrivain m'est tombé sur la tête ! Son fils, diplômé de l'université, fonctionnaire dans un service administratif de surcroît, m'a annoncé la mort de son père et m'a commandé un éloge funèbre. J'avais deux phrases toutes prêtes, utilisables en pareil cas : ' tu es mort, nous te reverrons plus. Mon cœur saigne rien que d'y penser. ' Malheureusement, je ne peux pas les présenter au jeune maître fonctionnaire administratif qui pensera probablement que je veux humilier le défunt. Je dois absolument trouver autre chose. Comme je vais rencontrer tous les jours le jeune maître, fonctionnaire dans un service administratif, qui est mon proche voisin, si je décide de ne pas exécuter sa commande, il ne me le pardonnera jamais. Alors, Dieu du Ciel, que puis-je écrire ? "
Ce paragraphe rempli d'humour et d'autodérision est bien dans la veine de l'écrivain chinois Lao She (1899-1966), l'auteur de Gens de Pékin et de Quatre générations sous un même toit.
Publiés entre 1934 et 1959, ses Ecrits de la maison des rats dont il est extrait et qui viennent de paraître en poche sont un modèle de journalisme littéraire et d'autobiographie rédigée au jour le jour. Toutes langues et toutes cultures confondues. Le libraire kiffe.

Lao She, Gens de Pékin,
Folio, 333 pages, 8,20 €

dimanche 24 avril 2016

Clefs magiques

Jean-Léonard de Meuron, Frédérique Le Lous Delpech,
Clefs magiques. Haïkus, Editions courtes et longues, 24 pages, 22 €
Pour les lecteurs de sept à neuf ans et leurs parents, ceci est un délicat recueil qui allie les mots, les illustrations et les découpages.
Les mots en vers brefs assemblés
à partir d'objets ou de sentiments quotidiens, comme :

Ballon
Il s'envole
Avec ma chaussure
Et marque

Ou bien :
 
Baisers
Elle pose ses lunettes
Et sur ma joue prête
Son amour

Les illustrations sur un fond ivoire et dans des tonalités douces.
Les découpages comme autant de fenêtres ouvertes sur des rêves tendres.
Et le livre tout entier formant une frise qui se range dans bel étui. Une réussite.
 
 

samedi 23 avril 2016

Fêtons la librairie indépendante !

Le jour de la San Jordi, en Espagne, 
il est de tradition d'offrir une rose à celui qui achète un livre.
Ce samedi 23 avril, c'est la San Jordi
et l'on fête la librairie indépendante :
avec une rose, un livre et la présence
de Christine Flament à 15 h 30
pour dédicacer son
Carnet de costumes
 
 

vendredi 22 avril 2016

Sacrés nanars

François Forestier, 101 nanars. Une anthologie du
cinéma affligeant (mais hillarant), Denoël;
381 pages, 21 €
" Nanar " : vieillerie sans valeur, dit le dictionnaire. Synonyme : "navet ".
François Forestier est incollable et il faut rendre justice à ses efforts : dégager 101 mauvais films dans l'avalanche de chef-d'œuvres cinématographiques qui se présentent à nos yeux est une grande prouesse. Il faut dire qu'il s'est donné du champ
en remontant jusqu'aux années 1950.
Son anthologie comporte douze grands chapitres (douze comme les travaux d'Hercule) parmi
lesquels : "Péplums et exotisme ", " Le rayon
macho ", " Erotisme sauvage "ou " Nanars à la française ".
Le ton de l'auteur est grave, le style profond et la culture astronomique, comme il sied à un tel projet.
Un lion en premier plan et Pamela Anderson derrière lui en bikini préhistorique font les frais de la couverture. On retrouve beaucoup de grands acteurs à l'intérieur du livre, ainsi que de grands réalisateurs venus du monde entier.
Orson Wells (dont aucun film ne figure dans le palmarès des 101 nanars, ouh !) avait dit : " Un bon film c'est celui qui vaut le prix du ticket, du restaurant et de la baby-sitter " et Woody Allen (autre absent de l'anthologie) : " Mes films sont une forme de psychanalyse, sauf que c'est moi qui suis payé, ce qui change tout ! ".
Leurs déclarations, qui n'engagent qu'eux-mêmes, se trouvent dans 300 citations pour les amoureux de cinéma que l'on peut se procurer chez le libraire.

Mélanie Carpentier, Alessandro Rizzo, 300 citations pour
les amoureux de cinéma, Dunod, 124 pages, 5,50 €

jeudi 21 avril 2016

La littérature et l'idéal

Philippe Vilain, La Littérature
sans idéal, Grasset,
158 pages, 16,00 €
" Qu'en est-il donc pour la littérature française contemporaine ? Que vaut-elle réellement ? D'où vient que sa valeur suscite autant de polémiques ? Ne les provoque-t-elle pas elle-même, d'ailleurs, ces polémiques, ne faforise-t-elle pas un malentendu à son propos en ne distinguant pas clairement, par exemple, une littérature que l'on pourrait définir comme "littéraire ", créatrice, produite par la maîtrise technique et l'inspiration, et une littérature " commerciale ", prescrite par les goûts et les intérêts du temps, qui compose la majeure partie de sa production (...) "
                                      
                                      Philippe Vilain, La Littérature sans idéal


" La demande harcelante de grands écrivains fait que presque chaque nouveau venu a l'air de sortir d'une forcerie : il se dope, il se travaille, il se fouaille les côtes : il veut être à la hauteur de ce qu'on attend de lui, à la hauteur de son époque. Le critique, lui, n'en veut pas démordre : coûte que coûte il découvrira, c'est sa mission -- ce n'est pas une époque comme les autres -- chaque semaine il lui faut quelque chose a jeter dans l'arène à son de trompe (...) "
                                                                                                
                                                                                                Julien Gracq, La Littérature à l'estomac

Julien Gracq, La Littérature
à l'estomac, Corti, 74 pages,
11 €

mercredi 20 avril 2016

Aux champs !

Petite campagne de promotion 
de la collection Champs Flammarion : l'éditeur offre Houellebecq économiste, l'essai de Bernard Maris, pour l'achat de deux volumes.
Lancée en 1978, Champs couvre désormais de très nombreux... domaines.
L'histoire aussi bien que la philosophie, les sciences exactes ou les études littéraires.
Le libraire rappelle ce qu'il disait dans son billet du 18 avril : 
le livre de Samuel Noah Kramer : L'Histoire commence à Sumer est publié dans cette collection. C'est une preuve, non ?
Ah, oui : Braudel, Jankelevitch, Le Roy Ladurie, Dumézil, Hawking, Alain Corbin, Michel Serres, y sont aussi présents.

mardi 19 avril 2016

Marcheurs

Franck Maubert,
L'Homme qui marche,
Fayard, 132 pages, 17 €
" L'Homme qui marche " : frêle figure aux jambes d'échassier, tout le monde a présente à l'esprit la silhouette de cette statue d'Alberto Giacometti.
Mais alors que le sculpteur est célèbre dans le monde entier et son œuvre partout commentée, cet " emblème de l'homme universel ", comme dit Franck Maubert, n'a curieusement fait l'objet d'aucune étude.
" A quoi tient donc la puissance de cette œuvre ? Qu'est-ce qui en fait son humanité ? Dressée dans sa verticalité, ses pieds rocheux enracinés dans la pierre qui est le socle, cette figure de bronze a une âme et semble habitée par une variété intérieure. Est-ce sa tête réduite, son port haut qui lui insuffle cette énergie, comme si tout son être se tenait là, dans cette petite tête serrée. "
L'enquête est lancée et bien menée par Franck Maubert : depuis, qu'il l'a croisé, le marcheur n'a cessé de marcher dans son paysage intérieur.
Antoine Piazza a choisi, lui, de marcher à l'intérieur et au dehors, dans le temps et dans l'espace. Il en a résulté ces quarante-huit proses diverses. Passer avec lui du coq à l'âne, d'une petite vignette géographique à un portrait du lieutenant Columbo, d'Anton Bruckner à Fernandel, ne produit pas de secousses immodérées : le ton inchangé et la distance toujours égale par rapport à ses différents sujets aplanissent la route et la lecture. Le pas est vif, l'air léger, les zigzags distrayants.

Antoine Piazza,
Histoires et géographies,
Le Rouergue, 105 pages, 13,50 €

lundi 18 avril 2016

Le plus vieux récit du monde

L'Epopée de Gilgamesh, traduit
et adapté par Abed Azrié,
Albin Michel, 180 pages, 7,20 €
Le libraire rayonne.
L'Epopée de Gilgamesh (prononcez Ghilgamesh) reparaît en collection de poche dans la traduction qu'il préfère : celle d'Abed Azrié. Elle est la plus poétique sans s'écarter de l'exactitude requise.
Et comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule, les éditions L'Atalante viennent de republier l'adaptation que fit Robert Silverberg en 1984 de l'Epopée.
Silverberg, plutôt connu comme écrivain de fantasy et de science fiction, a bien eu raison de se tourner pour une fois vers le passé de l'humanité. Son Gilgamesh roi d'Ourouk, très bien documenté, pas trop simplifié, mais d'une lecture aisée, est une excellente adaptation sous forme romancée. Elle peut sourire aux lecteurs adolescents et aux plus âgés ; aux amateurs d'aventures comme aux amateurs d'archéologie.
" Dans ce livre, nous dit-il, je me suis principalement intéressé au Gilgamesh de l'Histoire, sans pour autant négliger le personnage mythique, le héros de la plus ancienne littérature épique ayant traversé les âges jusqu'à nous. "
Ceux que l'histoire des civilisations attire devraient se pencher du même coup sur le classique des classique de Samuel Noah Kramer : L'Histoire commence à Sumer, disponible en Champs Flammarion.
Robert Silverberg, Gilgamesh,
Roi d'Ourouk, traduit de l'américain par
Gilles Ganache, L'Atalante,
379 pages, 23 €
 



dimanche 17 avril 2016

Le dessin et le silence

Le Cahier dessiné n°11, 384 pages, 45 €
 
La dernière livraison de la revue Le Cahier dessiné, animée par Frédéric Pajak et qui paraît une fois l'an, est simplement somptueuse.
Ne comporterait-elle que le cahier consacré à Jacques Hartmann ( " Dans les entrailles foisonnantes du paysage ") que nous serions bien aise. Mais non. Il faut que s'y ajoutent un dossier Roland Topor (" Roland Topor, un jardin longtemps resté secret ") et un autre, saisissant, présentant le clochard dessinateur Marcel Bascoulard (" Une ombre dans la ville "), mort étranglé en 1978 dans un coin de Bourges, dont il hantait les rues depuis quarante ans...
Au sommaire encore, les natures mortes de Marianne Wydler et, sur plus de 380 pages d'un grand format, rien de médiocre.

                                       *

 Dessiner, c'est peut-être une de ces dernières occasions qui restent de faire silence avec laquelle Alain Corbin, historien des sensibilités, nous invite à renouer.
De plus en plus, parmi nous autres civilisés, la capacité de se taire et d'écouter diminue.
" Certes, écrit Alain Corbin, quelques randonneurs solitaires, des artistes et des écrivains, des adeptes de la méditation, des femmes et des hommes retirés dans un monastère, quelques visiteuses de tombes et, surtout, des amoureux qui se regardent et se taisent sont en quête de silence et restent sensibles à ses textures. Mais ils sont comme des voyageurs échoués sur une île, bientôt déserte, dont les rivages sont rongés. "
En même temps, notre intolérance au bruit ne fait que croître. Et il apparaît que le silence est tout sauf un moment sinistre : une vraie richesse.
Jean-Michel Delacomptée, que cite Alain Corbin, disait : " Il y a toujours, dans le silence une beauté qui surprend, certaine tonalité qu'on goûte avec la finesse d'un gourmet, un repos au goût exquis (...) "
Alain Corbin, Histoire du silence.
De la Renaissance à nos jours,
Albin Michel, 216 pages, 16,50 €






samedi 16 avril 2016

Jean-Marie Chevrier, Baptiste et la chute

Jean-Marie Chevrier,
Le Dernier des Baptiste, Albin Michel
256 pages, 18 €
Dans ce monde ultra-urbanisé, les campagnes, milieu intermédiaire entre la nature et l'homme, occupent une place secondaire, quand elles en occupent une. 
Jean-Marie Chevrier ne boude pas les campagnes.
Elles sont très présentes dans ses romans ; omniprésentes dans celui qui vient de paraître, Le Dernier des Baptiste.
Sans condescendance, tant s'en faut, ni pathos, avec le souci du détail exact, de la vérité humaine, presque naturaliste, qui caractérise sa prose, toujours sentie.
Nous suivons ici Baptiste, paysan célibataire qui vit avec sa mère, veuve depuis longtemps. Baptiste qui se fait happer
le bras dans sa machine. Baptiste qui consulte Le Chasseur français. Baptiste le vieux garçon. Baptiste qui sort de sa ferme et part pour l'excursion. A Vichy !
Baptiste qui doit finalement vendre ses terres.
Comme dans Une lointaine Arcadie (Prix des Lecteurs
A la Page en 2011) et dans Madame, paru en  2014 (Prix Terre de France), Jean-Marie Chevalier maîtrise parfaitement l'art de la chute. Et le librairie se gardera de révéler la fin de son roman. Une fin aussi luxuriante que les terres de Baptiste pouvaient être arides. Une fin féminine, si l'on peut dire ainsi, car quand survient Monique...
De nous rendre cette chute à la fois crédible et équivoque jusqu'à la dernière ligne est la force de son auteur. 


Jean-Marie Chevrier.
A la Page, 2011

vendredi 15 avril 2016

Samedi BD (14)

Au fait, ce samedi dernier
n'était pas un samedi comme les autres,
mais un Samedi BD.
Et que croyez-vous que Géraldine présenta ?
Ces cinq coups de cœur :
 
Matz Walter Hill Jeff,
Corps et âme, Rue de Sèvres,
136 pages, 18 €
 
Jane Deuxard, Deloupy,
Love story à l'iranienne,
Delcourt/mirages, 142 pages, 17,95 €


Christophe Merlin,
La Ballade de Sean Hopper,
Sarbacane, 157 pages, 22,50 €


Matthieu Bonhomme,
L'Homme qui tua Lucky Luke,
Lucky Comics, 64 pages, 14,99 €

Frederik Peeters, Loo Hui P¨hang,
L'Odeur des garçons affamés,
Casterman, 111 pages, 18,95 €

 
 

jeudi 14 avril 2016

Christine Flament en dédicace

SAMEDI 23 AVRIL, à 15 h 30
 
Christine Flament dédicacera
son dernier livre
 
Carnet de costumes
au Centre national du costume de scène



Christine Flament par elle-même :
 
Auteur-illustratrice d'albums jeunesse et de carnets de voyage, publiés par différents éditeurs,
j'ai ouvert un atelier en Auvergne où je donne des cours de peinture toute l'année, et où j'anime
des stages aquarelle. Une fois par mois, j'organise des cours aquarelle/carnet de voyage dans Paris, Clermont-Ferrand et Vichy. Domaine de prédilection: aquarelle, carnets de voyage.
 


mercredi 13 avril 2016

Un livre à offrir à vos ennemis

Michèle Guilleminot,
Guide de l'orthographe rectifiée,
Studyrama, 14,90 €
Le Guide de l'orthographe rectifiée (à l'usage des professeurs des écoles) vient de paraître.
Le libraire n'aura qu'un mot (enfin, deux) : bon courage !
L' " orthographe traditionnelle " voulait que l'on écrive " absous, absoute ". L' " orthographe rectifiée " donne : " absout, absoute ". Ou " Asseoir " devient : " assoir". " Bonhomie " égale désormais :
" bonhommie ". " Oignon " s'écrit " Ognon " (la même chose que
" grognon "), tandis que " relais " se transforme en " relai ".
Maintenant, un moment de poésie pure avec quelques vocables commençant, au hasard, par la lettre T :
tamtam
tapecul (un), des tapeculs
tartignole
terreplein
têtebêche
thrilleur
tire-fesse (il y n'y en a qu'une), des tire-fesses (on en tire deux)
tirebouchon
traintrain
tsétsé
tue-chien (un), des tue-chiens
tutti (un), des tuttis.

En plus, l'alphabet compte vingt-cinq lettres toutes aussi rigolotes. ( Lettre C : " chowchow",
" chichekébab ", " croquemitaine"...)

mardi 12 avril 2016

Prix Vialatte 2016

Cette année, le Prix Vialatte a été décerné à Eric Laurrent pour son roman Un beau début paru au mois de mars dernier aux éditions de Minuit.
Comme l'héroïne de son livre, Nicole Sauxilange,
Eric Laurrent est né à Clermont-Ferrand.
En 1966 exactement.
Eric Laurrent avait été repéré par Télérama pour sa 
" phrase proustienne, merveilleusement rythmée et digressive, capable d'assumer tout ensemble la narration rocambolesque et les descriptions minutieuses, hyperréalistes même, des corps, des paysages ou des objets, somptueuses comme des toiles peintes, portraits vivants ou natures mortes. "
Le jury du Prix Vialatte a pour sa part déclaré : 
" Eric Laurrent a séduit (...) pour au moins deux raisons. Comme Vialatte, il aime les mots rares et le plus-que-parfait ; comme lui, il peut se dire " notoirement mé-
connu ". Et n'est-ce pas la fonction première d'un prix littéraire que de mettre en lumière une œuvre ? "
Et c'est ainsi que Vialatte est grand, l'Auvergne est grande, Eric Laurrent est grand, le libraire aussi, pourquoi pas. Tout le monde, il est grand.

mercredi 6 avril 2016

Du bon temps

Aujourd'hui, le blog se met en congé.
Ne soyez pas tristes,
il reprendra du service dès le 12 avril.

(" Adieu, pauvre bibi. Continue à t’amuser, pendant que tu es jeune ;
il faut prendre du bon temps quand on le peut. "
 Gustave Flaubert : Correspondance
 
 
Les portes de la librairie
restent cependant grandes ouvertes
 
.

mardi 5 avril 2016

L'amour à Paris

Thierry Soufflard, Où s'embrasser
à Paris, Parigramme, 144 pages,
9,90 €
En même temps qu'un classique Petits et grands musées de Paris, les bien nommées éditions Parigramme, proposent un
Où s'embrasser à Paris.
Celui-ci a la préférence du libraire, personne n'en sera désormais surpris.
On pourrait objecter qu'il n'y a pas besoin de guide pour savoir où s'embrasser et que, en outre, on peut s'embrasser en de nombreux endroits, sinon partout par crainte d'un trop grand désordre, à Paris et ailleurs. 
Mais l'on peut aussi jouer le jeu et étudier les suggestions de Thierry Soufflard, l'auteur dudit guide.  En voici trois sur la bonne centaine qu'il contient.
On peut commencer par  " se la jouer comme Arletty " (page 100) sur un pont du canal Saint-Martin, transformé en pont des Soupirs.
On peut continuer à s'embrasser sous les jets d'eau du parc André Citroën (page 56). Mais l'été.
On peut finir par se bécoter dans le square des Batignolles - où le libraire, pour révéler un secret, s'exerça un mois d'automne, saison où les feuilles sont les plus belles (page 128).
Les parcours et les lieux propices aux bisous indiqués dans Où s'embrasser à Paris sont parfois un peu trop exposés ou fréquentés.
Là encore, ne soyons pas chagrins : Paris est tout petit pour ceux qui s'aiment d'un grand amour, comme disait Prévert, mais il reste quand même énormément de place pour improviser.




lundi 4 avril 2016

Hommes de plume et poids plumes

Daniel Rondeau, Boxing-club,
Grasset, 138 pagesn 14 €
Bien que la librairie soit un sport de combat, le libraire ne connaît rien à l'art de la boxe et il n'a jamais vraiment rencontré  non plus de confrère qui soit boxeur.
C'est pourquoi il est très impressionné d'apprendre qu'un écrivain comme Daniel Rondeau pratique la boxe. D'écrivain boxeur, il n'avait entendu parler que d'Arthur Cravan en France. Et aux Etats-Unis de Jack London et Ernest Hemingway, le partisan des corridas.
Le libraire a appris dans Boxing-Club que " le noble art pouvait être le royaume de l'injustice ", comme le soutient Jean-Michel Hamicaro, classé 9° européen et 50° mondial, un copain de Daniel Rondeau. Le libraire n'avait jamais entendu dire cela de son propre métier.
Et il a encore appris que, sur un ring, " il arrive même que le vainqueur, parfois aussi mal en point que son adversaire, se déplace vers le coin du vaincu, affalé les bras en croix sur son tabouret, pour prendre de ses nouvelles. "
D'où, justement, le noble art.
Ce dont se souvient en revanche le libraire, ce sont les bagarres homériques de Martin Eden, le personnage du chef-d'oeuvre de Jack London.
Inoubliable cette ruelle où, chaque soir, Martin vient défier le caïd local et reçoit rouste après rouste avant de triompher enfin.
Ah ! nous autres libraires sommes bien plus pusillanimes.


Jack London, Martin Eden,
traduit de l'américain par Francis Kerline,
Libretto, 456 pages, 11,80 €



dimanche 3 avril 2016

Poésie Gallimard

La collection Poésie Gallimard fête les cinquante ans de sa création.
Elle compte aujourd'hui cinq cents titres à son catalogue.
Collection de poche de recueils poétiques français ou étrangers, parfois publiés en bilingue (il sont trente-neuf dans ce cas), chaque volume reprend des titres déjà publiés au format courant, venant tantôt du fonds Gallimard, tantôt de chez d'autres éditeurs.
Pour donner un petit coup de fouet à la vénérable collection, plusieurs poètes vivants viennent d'y faire leur entrée.
Citons James Sacré (Figures qui bougent un peu et autres poèmes) ; Vénus Khoury-Ghata (Les Mots étaient des loups) ;  Jean-Pierre Lemaire (Le Pays derrière les larmes) ou encore Olivier Barbarant, avec les vers suivants tirés de ses Odes dérisoires :

Une rue calme on n'entend guère que le bourdonnement des
     portes électriques entre deux passages de motos
C'est Paris dans l'ennui d'un mois de juin pluvieux
Par la fenêtre ouverte passe une main de vent venant jusqu'à
     la table agiter un journal
La nuit à l'aveugle y feuillette les nouvelles abandonnées


Olivier Barbarant, Odes dérisoires
et autres poèmes, Poésie Gallimard,
189 pages, 7,20 €

samedi 2 avril 2016

L'amour chez les Arabes

Histoires d'amour dans l'histoire
des Arabes, choisies, traduites et annotées
par Jean-Jacques Schmidt, Sindbad/
Actes Sud, 152 pages, 19 €
Les éditions Sindbad, fondées en 1972 par Pierre Bernard, se consacrent à la traduction de la littérature arabe contemporaine. Elles publient, de plus, 
des œuvres classiques arabes, mais aussi persanes.
Ainsi vient de paraître un recueil d'Histoires d'amour, thème qui abonde chez ces conteurs. La période dont
nous viennent ces récits enflammés remonte aux temps antéislamiques et s'étend jusqu'à la chute de Grenade, au XVe siècle. C'est de l'esprit de l'amour courtois dont ces récits merveilleux et, parfois, légendaires,
se rapprochent le plus en Occident. La plupart
des textes proposés et traduits par Jean-Jacques Schmidt sont brefs et comportent une chute à la manière des fables. La mort se mêle souvent de la partie,
les amants versant des larmes sur la tombe des aimés
et ne tardant généralement pas à les rejoindre, où qu'ils soient.
Maintenant, connaissez-vous Washington Irving (1783-1859) et ses Contes de l'Alhambra ?
Comment le libraire du 5 de la rue Sornin à Vichy, qui exerce dans ses locaux à la mauresque,  a t-il pu passer aussi longtemps sous silence un tel bijou ?
Irving (Washington, pas John...) fut un écrivain romantique américain des plus fêtés outre-Atlantique de son vivant. L'un des fondateurs de la littérature américaine.
Or, Irving était tombé raide dingue de l'Alhambra et de ses jardins. Il en tira ce livre délicieux de récits hispano-mauresques qui ont pour particularité de tous se passer dans le palais extraordinaire. Et de parler souvent, eux aussi, d'amour.

Washington Irving, Contes de l'Alhambra,
traduit de l'américain par André Bélamich,
Libretto, 286 pages, 9,75 €

vendredi 1 avril 2016

Henri Rousseau, créateur complet

Les Ecrits du douanier Rousseau,
présentés par Yann le Pichon,
CNRS éditions, 292 pages, 22 €
Henri Rousseau, dit le douanier, dont le libraire s'est plu à parler il y a peu, est évidemment connu dans le monde entier pour sa peinture. Plus spécialement, d'ailleurs, pour ses jungles imaginaires.
Ses portraits et ses paysages, quoique dignes de la plus grande attention, et qui sont les plus abondants dans son œuvre, passent au second plan.
Sait-on qu'Henri Rousseau pratiquait aussi la musique et le chant, lorsqu'il recevait dans son atelier ses voisins et ses amis les peintres et les poètes ?
Parfois, il faut le dire, certains riaient de lui sous cape en l'écoutant chanter des compositions aussi " naïves " que ses toiles. Comme cette valse pour violon ou mandoline, intitulée Clémence qu'il jouait souvent sur son violon (et dont le compositeur Daniel Foley a repris le thème en hommage au douanier).  
Homme complet, Rousseau ? Tellement qu'il composa même des pièces de théâtre. En voici un très court échantillon, saturé de son tendre humour lunaire :

                               Rigolette.
De la blague, comment oses-tu me dire cela à moi ta Rigolette, ce n'est pas parce que je ne te fais de chichis, que je ne te cajole pas, au contraire.
 
La Lune.
Pour sûr, alors !
 
A ce moment, entrent Titine et Mominette, fumant une cigarette.
 
La Lune.
Bonjour Mominette.
 
Mominette.
Bonjour, La Lune.
 
Georges.
Salut, Titine, comment qu'ça va ?
 
Titine
Ah ! Le turbin ne va pas bien fort, qu'c'est donc triste, la galette ne tombe pas,
j'crois bien qu'ils l'ont tous gelée.
Georges.
Veux-tu prendre quelque chose ?
 
Titine.
Oui, tout de même, mais quelque chose de doux, hein !